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Baltique : une mer fermée, laboratoire de l’A2/AD otanien

A2/AD naval : des options défensives claires

Cependant, la taille des flottes s’apprécie aussi au regard des modes d’engagement. En Suède, tous les bâtiments, y compris les nombreuses vedettes CB90, sont aptes à la mise en œuvre de mines. La Finlande y porte également une grande attention, avec cinq mouilleurs, tout comme la Pologne – ses cinq LST de classe Lublin sont gréés pour le mouillage – avec, dans tous les cas, une recrudescence des exercices incluant un minage depuis le début des années 2020. De leur côté, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie possèdent chacune un mouilleur de mines, les patrouilleurs lituaniens ayant également une capacité de mouillage. On note également que le minage, cette fois par voie aérienne, est fréquemment utilisé par les États-Unis dans le cadre des exercices annuels « BALTOPS » (5). En outre, la faible profondeur des côtes facilite la pose de mines qui, en retour, peuvent être protégées d’actions de déminage par de l’artillerie. La Suède a également densifié ses capacités de guerre archipélagique (6). Le potentiel défensif de ces unités et de ces armes – en particulier dans des opérations contre – amphibies – est évident et peut être vu comme l’une des composantes de la branche navale d’un A2/AD en Baltique.

Une autre de ces composantes est le renouveau des capacités de défense côtière. Le Danemark disposait historiquement de lanceurs Harpoon – qui semblent tous livrés à l’Ukraine. En Pologne, huit batteries de NSM seront disponibles à terme. En Suède, la seule batterie côtière mobile dotée de missiles RBS‑15 qui était entrée en service en 1995 pour le quitter en 2000 a été réactivée en 2016. En juillet 2024, elle recevait des missiles RBS‑15 Mk2. En 2022, les plans suédois envisageaient l’achat d’une deuxième batterie, opérationnelle à l’horizon 2030. L’Estonie a acheté une batterie Blue Spear, opérationnelle depuis cette année. La Finlande dispose d’un nombre inconnu de batteries de RBS‑15Mk2, mais cherche aussi à revenir à l’artillerie canon, avec des plans pour l’achat de jusqu’à 20 obusiers utiles en défense archipélagique. Si leur portée est plus courte que celle des missiles antinavires, les obus sont aussi plus difficiles à intercepter et moins sujets au leurrage/brouillage. Ils sont également bien plus utiles contre une force amphibie qui a effectivement « plagé ». À ces capacités terrestres, il faut ajouter les aériennes. Les Gripen suédois sont ainsi câblés pour l’usage du RBS‑15.

La question des îles est par ailleurs ici essentielle. Bornholm et les îles danoises verrouillent les détroits et des exercices de déploiement de systèmes américains de la 2nd Multidomain Task Force y ont déjà eu lieu, après projection aérienne, en 2023 et en 2024 (7). Il n’est pas incongru d’imaginer des déploiements de batteries côtières alliées, opérant sous la protection de la force aérienne et de la marine danoises. Cette logique se retrouve également au regard de l’île de Gotland, considérée comme stratégique et qui avait vu une des premières recréations d’unités terrestres européennes depuis la guerre froide, avec le positionnement en janvier 2018 d’un régiment blindé, en même temps que la sortie de réserve de missiles antiaériens RBS‑23. Avec 800 km de côtes et près de 3 200 km2, l’île est une position idéale pour y déployer des batteries côtières, Kaliningrad se situant à un peu moins de 300 km.

Ces deux capacités de minage et d’artillerie/missilerie peuvent être perçues comme complémentaires : non seulement elles peuvent individuellement causer une attrition à la flotte russe, mais leur combinaison permet aussi de forcer les Russes à des manœuvres. Artillerie et missiles peuvent ainsi les canaliser vers les champs de mines où leur mobilité sera entravée ; ce qui vaut d’ailleurs dans des acceptions défensives comme offensives (8). Comparativement, pour y faire face, la flotte de la mer Baltique russe compte une douzaine de bâtiments de chasse et de déminage (sept autres dans la flotte du Nord) sur les 43 en service en Russie (9). L’enjeu majeur pour Moscou sera donc de se ménager suffisamment de liberté d’action dans les airs pour pouvoir engager les batteries côtières de l’OTAN.

Tout aussi important pour la mise en œuvre des capacités navales, mais aussi les projections de force vers les États baltes via la Baltique : si les capacités de déminage restent volumineuses, elles devront être modernisées à terme, la plupart des bâtiments étant entrés en service dans les années 1980 et 1990.

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