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Les nouveaux enjeux géopolitiques et maritimes de l’outre-mer français

Ces territoires sont aussi importants pour prévenir un autre danger pour le trafic maritime : la piraterie. Cette menace, si elle est actuellement endiguée dans l’océan Indien, ne devrait pas disparaitre et restera permanente. Elle pourrait même reprendre de la vigueur avec l’arrivée de nouvelles technologies qui faciliteront l’attaque des navires de commerce. Au regard du rayon d’action connu des pirates somalis, les bases navales de La Réunion et de Mayotte vont demeurer très importantes pour contribuer à la sécurité du transport maritime.

Les enjeux maritimes des Outre-mer français

À l’exception de la Guyane, tous les territoires français outre-mer sont des iles dont le paradoxe est que, s’ils dépendent très fortement de la mer, ils ont du mal à transformer cette contrainte en atout. Pourtant, un vrai potentiel existe qui pourrait être basé sur une économie bleue dynamique et résiliente et sur leur dimension stratégique, à condition de répondre à différents défis.

L’enjeu du transport maritime

Compte tenu de leur grande dépendance aux importations, le premier des enjeux maritimes des territoires outre-mer est le maintien des routes maritimes d’approvisionnement. C’est d’abord le cas pour les approvisionnements alimentaires qui vont de 67 % pour la Guyane jusqu’à 87 % pour la Martinique, et même 98 % pour Saint-Pierre-et-Miquelon. La forte densité de population, la rareté des terres agricoles et l’urbanisation grandissante sont des facteurs qui aggraveront cette situation dans l’avenir, à l’exception, cependant, de la Guyane.

L’autre dépendance vitale des Outre-mer concerne l’énergie. À l’exception de La Réunion qui produit 10 % d’énergies renouvelables, tous les DROM-COM sont totalement dépendants du fioul, du gaz ou du charbon pour leur production électrique et les besoins de l’industrie et des populations.

Dans le contexte actuel de remise en cause généralisée de l’ordre mondial et de réarmement naval, la très forte dépendance de ces territoires aux approvisionnements extérieurs est une véritable fragilité. Les menaces qui pourraient déboucher sur une interruption des flux logistiques ne sont pas des vues de l’esprit. Pour cette raison, il faut prendre très au sérieux la prévention de ce type de crise qui passe par trois mesures majeures :

 disposer dans les DROM-COM de réserves stratégiques alimentaires qui pourraient soit s’appuyer sur le privé soit sur des stocks de crise dans les ports (2) ;

 la France doit pouvoir compter sur une flotte de commerce stratégique. Celle-ci existe déjà, mais, comme le recommande le député Yannick Chenevard, dans son récent rapport sur la « flotte stratégique » (3), elle doit faire l’objet de mesures d’accompagnement plus volontaristes et plus… stratégiques ;

 le maintien des liaisons logistiques passe par la capacité des marines militaires, française et alliées, à protéger les trafics à destination des Outre-mer.

L’enjeu de l’exploitation des ressources halieutiques

Parmi les secteurs de l’économie bleue, la pêche et l’aquaculture apparaissent comme des ressources évidentes des territoires ultramarins français. Leurs vastes ZEE recèlent des stocks importants et bien gérés d’espèces à forte valeur ajoutée comme le thon, la légine, la crevette ou la langouste. Or, bien souvent, ce secteur est déficitaire, malgré les importants moyens mis en œuvre par l’État pour le financer et en préserver la ressource.

La pêche outre-mer est dans une situation contrastée. La pêche artisanale et côtière est vieillissante et ne parvient pas à répondre aux besoins des populations. Le paradoxe est que ces territoires, pourtant pourvus de ressources halieutiques, doivent importer des quantités considérables de poissons.

La pêche hauturière se porte mieux et enregistre de bons résultats ces dernières années. C’est un secteur qui porte des capacités de croissance indéniables. Ainsi, la pêche de la légine dans les eaux des terres australes et antarctiques françaises (TAAF) par des palangriers réunionnais génère, à elle seule, 8 % de la valeur ajoutée totale française avec seulement 1 % des quantités pêchées. C’est une pêcherie qui est très bien organisée et bien contrôlée par l’administration des TAAF.

En Polynésie, la pêche hauturière est aussi en plein renouveau. Elle s’y est accrue de 30 % en cinq ans pour atteindre désormais 80 unités, représentant 42 % de tonnage supplémentaire. Avec d’importantes ressources halieutiques présentes dans ses eaux, la Polynésie veut tripler sa flotte dans les prochaines années.

Dans tous les cas, ces flottes de pêche peuvent compter sur des espaces maritimes bien maitrisés, notamment par les moyens de la Marine nationale dans le cadre de l’action de l’État en mer. Les grandes opérations de police menées au début des années 2000 dans les TAAF, les patrouilles permanentes dans les ZEE du Pacifique, ont permis de bien assainir la situation et de repousser hors des limites des ZEE les flottilles de pêche illégales. Il reste une zone sensible, la Guyane, où les incursions de pêcheurs en provenance du Brésil ou du Suriname voisin sont permanentes et nécessitent, souvent, l’emploi de la force armée pour parvenir à l’interception des navires en infraction.

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