Bien sûr, de nombreuses ONG s’insurgent du fait que le niveau de protection de ces aires ne soit pas suffisamment élevé et que nous serions en présence d’aires marines de « papier ». Cette accusation peut être parfois fondée pour des AMP très côtières où la surveillance et l’interception sont plus complexes. Mais c’est beaucoup moins vrai pour nos grandes aires marines océaniques compte tenu de leur éloignement qui ne favorise pas la discrétion d’éventuels navires en infraction au regard des moyens de détection et d’intervention mis en place.
Quel avenir pour les Outre-mer français ?
L’avenir des Outre-mer français passera beaucoup par le maritime, compte tenu de leur dépendance à la mer et de son potentiel économique et environnemental. Cependant, la France, à l’instar de la Chine, doit aussi développer une vision « mahanienne » de la mer en s’appuyant sur une marine puissante et sur ses territoires ultramarins. Ces territoires, il va falloir les protéger, mais aussi les valoriser comme points d’appui stratégique. C’est ce que rappelle Pierre Naville dans son ouvrage de la fin du XIXe siècle consacré au stratège naval américain, l’amiral Mahan : « Pour Mahan, les éléments de la maîtrise des mers sont le commerce lié à une production croissante, aux échanges nécessaires, au contrôle des voies maritimes et à la possession de bases portuaires proches ou lointaines en cas de tension et de guerre. (5) »
Depuis le début des années 1990, pour engranger les « dividendes de la paix », la posture militaire dans ces territoires s’est considérablement affaiblie. La loi de programmation militaire 2024-2030 affiche un renforcement des moyens des forces armées outre-mer. Pour la Marine, cela va se traduire par la livraison de six nouveaux patrouilleurs maritimes et de la première corvette destinée à remplacer les frégates de surveillance. Dotées de plus d’autonomie, ces unités seront mieux en mesure d’assurer la surveillance et l’intervention dans les ZEE. Ces nouvelles capacités de projection seront complétées par des avions de surveillance et d’intervention maritime de nouvelle génération et par des drones.
Mais, comme on le voit, cet effort n’est en réalité qu’un rattrapage d’un renouvellement de moyens constamment repoussé. Il n’est pas à la hauteur des enjeux du nouvel environnement international. Or, il est encore temps de dissuader les menaces. Dans le monde qui vient, deux territoires devraient faire l’objet d’un effort particulier pour éviter toute velléité d’escalade. Il s’agit de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte (6)/La Réunion, où les opérations de déstabilisation de la France ont commencé. C’est sur ces territoires qu’il conviendrait de concentrer nos forces. Mais pour ce faire, il n’y a pas de mystère : nous devons maintenant consentir à cet « effort de guerre » qui ne doit pas être qu’un slogan et revenir aux volumes financiers que nous accordions avant la chute du mur de Berlin. La réalité de notre « effort de guerre » a un indicateur qui ne ment pas. C’est celui de la part du PIB que nous consacrons à notre défense. Avec 2 %, la France est encore loin d’être à la hauteur des menaces qui se précisent. À défaut, nous serons condamnés à subir le nouvel ordre mondial qui vient et dont les Outre-mer français sont en première ligne.
Notes
(1) Hugues Eudeline, « Objectifs politiques de la Chine et stratégie maritime (2/2) (T 1262) », Revue Défense Nationale, 2 avril 2021
(https://rebrand.ly/8khqrbe).
(2) Cour des Comptes, « Rapport public annuel 2022. Les acteurs publics face à la crise : une réactivité certaine, des fragilités structurelles accentuées » : « 6 : La sécurité des approvisionnements alimentaires », février 2022, p. 219-247 (https://rebrand.ly/42x0ndp).
(3) Yannick Chenevard (député), rapport de la « Mission gouvernementale relative à la réévaluation du dispositif de flotte stratégique », 17 juillet 2023 (https://rebrand.ly/uhol3lc).
(4) L’objectif 30X30 est défini par la cible 3 du Cadre mondial pour la biodiversité (CMB) de la Convention sur la diversité biologique (CDB). Il prévoit que les États devront, d’ici 2030, placer 30 % des terres, des eaux intérieures et des océans dans des zones protégées, ainsi que d’autres mesures de conservation efficaces par zone.
(5) Pierre Naville, Mahan et la maîtrise des mers, Bibliothèque Berger-Levrault, 1981.
(6) Jérôme Vellayoudom, « Migration, Comores, Russie, Chine : Mayotte, territoire d’expression des rapports de force globaux », Diplomatie, n°127, mai-juin 2024, publié en ligne le 7 juin 2024 (https://rebrand.ly/7up012t).