Comment le GEOINT transforme-t-il la prise de décision stratégique dans les opérations militaires et la sécurité nationale ? Dans quelle mesure peut-il influencer la gestion des crises géopolitiques mondiales ?
Tout décideur a besoin d’être informé. C’est le propre du renseignement que de répondre à ce besoin. Et compte tenu de la précision du degré d’information apportée par le GEOINT, le décideur qui y a recours ne peut en être que mieux renseigné. Ce qui veut dire que le GEOINT apporte une qualité et une supériorité informationnelle, un niveau d’aide à la décision inédits jusqu’alors. Il donne sans nul doute une plus-value au décideur, mais il peut aussi rencontrer des limites liées soit à la nature et la qualité des données, soit aux types de capteurs, soit encore à la masse d’informations à traiter.
Le GEOINT transforme la prise de décision dans les opérations militaires et la sécurité nationale d’abord parce qu’il apporte une information de nature stratégique. Ensuite, il permet d’acquérir une capacité de ciblage, qui est d’ailleurs l’un des besoins d’emploi essentiels. Il participe à l’aide à la décision en offrant une autre vision de la projection de forces (le cadre de la manœuvre). Il est ainsi utilisé au niveau stratégique mais également aux niveaux opératif et tactique.
Dans la guerre d’Ukraine, depuis 2022 par exemple, les drones sont équipés de différents capteurs qui permettent de réaliser une fusion de données transmises directement aux états-majors des unités. Dans l’armée ukrainienne, le logiciel IA Delta est un système de gestion et de cartographie des données qui relie les capteurs de différents milieux : drones, satellites, stations et centres de traitement terrestres. C’est un des instruments de fusion de données géolocalisées à l’échelle locale qui peut prendre une autre dimension lorsque des essaims de milliers de drones sont lancés sur plusieurs cibles différentes. De même, le centre de renseignement mobile (dit Skykit) utilise le logiciel Metaconstellation de Palantir pour analyser des images et concevoir des frappes sans contact avec un PC en utilisant l’IA générative. Le traitement est ainsi facilité par l’intelligence artificielle, avec de l’information de plus en plus précise, en un temps quasi immédiat. Le traitement en temps réel reste un objectif, mais le processus peut être plus long, soit plusieurs jours ou plusieurs semaines, notamment lorsqu’il s’agit d’effectuer une analyse et un produit fini.
Quel rôle déterminant le GEOINT pourrait-il jouer dans les conflits de demain, en particulier dans des théâtres d’opérations maritimes comme l’Indo-Pacifique ou en mer de Chine méridionale ?
Le GEOINT est déjà employé pour faire face aux défis de l’insécurité maritime mais aussi dans les prochaines formes de conflictualité. Les États asiatiques en Indo-Pacifique réalisent déjà des produits GEOINT pour renseigner toutes les flottes privées ou publiques, étatiques ou non-étatiques, pour faire face à la piraterie, au terrorisme maritime, aux activités de déni d’accès et d’interdiction de zone de la flotte chinoise en particulier. En Inde, le GEOINT est influencé par la doctrine militaire américaine à partir de 2011-2013 pour répondre aux impératifs de surveillance des trafics maritimes en océan Indien. Il repose sur des réseaux multicapteurs de radars, d’imagerie spatiale, donc de satellites militaires de renseignement, s’appuyant également sur du renseignement humain comme les pêcheurs (au nombre de 4 millions environ). Grâce à ses centres de fusion basés à Bangalore et dans cinq autres régions, aux accords et aux partenariats avec d’autres États riverains de cet océan, l’Inde s’est imposée comme une puissance émergente dans ce domaine. Le GEOINT lui permet de surveiller et de contrôler toute activité dans l’océan Indien.
La France aurait-elle intérêt à développer son GEOINT maritime ?
Depuis un an, les activités GEOINT maritimes tendent à se développer, d’abord dans le Sud de l’océan Indien, ensuite autour des iles françaises dans l’océan Pacifique. Mais les centres d’intérêt de la France sont en plein développement, et pas simplement pour répondre à des besoins d’ordre sécuritaire mais également pour répondre à des besoins de connaissance, dans le cadre de l’adoption du traité sur la haute mer. La France soutient ainsi la création de zones maritimes protégées, notamment dans le Sud de l’océan Indien et dans le Pacifique. Elle souhaiterait en augmenter le nombre et les méthodes de travail GEOINT contribuent à mieux connaitre les activités naturelles (faune, flore, etc.) ainsi que celles humaines (trafics, pollution, pêche illégale, etc.).