L’espèce humaine a toujours migré. C’est ainsi qu’elle a peuplé la planète à partir des premiers Homo sapiens apparus il y a environ 300 000 ans en Afrique de l’Est. Le reste de l’Afrique, le Proche-Orient, l’Europe, l’Asie, l’Australie et l’Amérique ont été peuplés progressivement par des immigrants descendants de ces premières populations. Et les humains continuent de migrer de nos jours.
Jusque dans les années 1950, l’Europe demeurait la principale région de départ des migrants qui allaient en Amérique du Nord et du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Même si ce mouvement existe toujours, d’autres flux se sont développés, devenus aujourd’hui plus importants. D’abord un premier flux, en sens inverse, du Sud vers le Nord. Ainsi, les Africains vont en Europe, les Mexicains et les Latino-Américains en Amérique du Nord, et les habitants des pays pauvres d’Asie du Sud et du Sud-Est (Inde, Bangladesh, Philippines) dans les deux régions. Les mouvements se sont par ailleurs diversifiés avec une montée des flux entre pays du Nord et aussi entre pays du Sud.
D’où partent les migrants ?
Les pays de départ peuvent être regroupés en trois types comme proposé par Gildas Simon (1). Un premier type rassemble les pays émetteurs de main-d’œuvre peu qualifiée. Aux Philippines ou au Bangladesh, au Mexique ou en Haïti, au Maroc ou en Algérie et au Mali ou au Sénégal, les migrants quittent leurs pays dans l’espoir d’une vie meilleure pour eux et pour leur famille. Dans leur pays d’accueil, ils occupent souvent des emplois peu qualifiés, même s’ils ont de l’instruction et des qualifications acquises dans leur pays d’origine.
Le deuxième type est celui des pays exportateurs de compétences. La mondialisation pousse les grandes entreprises à mener leurs activités à l’échelle internationale. Une part croissante des professionnels de haut niveau sont par ailleurs recrutés dans les pays du Sud qui, comme l’Inde, fournissent de plus en plus d’ingénieurs et d’informaticiens participant eux-mêmes à la mobilité internationale.
Le troisième type regroupe les pays producteurs de réfugiés. D’après le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ceux-ci seraient 38 millions mi-2024. L’Afrique en compte beaucoup en raison du nombre important de conflits en Afrique de l’Est et du Centre et au Sahel. Au Proche et au Moyen-Orient (Syrie, Irak, Afghanistan), les tensions et les crises ont produit des flux de réfugiés tandis que, plus de soixante-dix ans après leur départ forcé, les réfugiés palestiniens vivent toujours dans l’attente d’un règlement du conflit israélo-palestinien.
Quels sont les pays d’accueil ?
Si on classe les pays selon le solde migratoire — différence entre les entrées et les sorties de migrants — d’après les statistiques des Nations Unies (2), le pays venant en tête avec le solde migratoire le plus élevé sur la période 2015-2019, avant la Covid-19, est les États-Unis (1,3 million de solde migratoire en moyenne annuelle). Viennent ensuite l’Allemagne et la Russie (400 000 chacune), le Canada et la Colombie (300 000 chaque), le Royaume-Uni, l’Australie et l’Espagne (plus de 200 000 chaque). La France vient plus loin (120 000 personnes par an pour cette période d’après l’Insee).
Si l’on rapporte le solde migratoire à l’effectif de la population, le classement est tout à fait différent. Le Qatar vient en tête avec un taux de solde migratoire de 3 % en moyenne annuelle, suivi du Koweït (2 %). Le pays européen ayant le taux de solde migratoire le plus élevé au cours de cette période est l’Islande (1,5 %). Se situent plus bas dans le classement la Nouvelle-Zélande (1,4 %), le Canada, l’Australie et le Chili (0,9 % chacun), la Suède (0,8 %), l’Autriche (0,7 %), la Suisse (0,6 %), la Belgique, l’Allemagne, la Norvège et l’Espagne (0,5 % chaque), le Royaume-Uni et les États-Unis (0,4 % chaque), et la Russie (0,2 %). La France est relativement loin derrière avec seulement 0,1 % au cours de cette période.
Les stocks de population immigrée
Intéressons-nous maintenant non plus aux flux mais aux stocks d’immigrés (voir définitions dans l’encadré ci-contre). À l’échelle mondiale, le nombre d’immigrés — les personnes vivant dans un autre pays que celui où elles sont nées, qui ont donc changé de pays à un moment de leur vie — est estimé par les Nations Unies à 281 millions en 2020. Ils ne représentent qu’une petite minorité de l’humanité (3,6 %), la plupart des humains vivant dans leur pays de naissance. Ils ont pu arriver il y a longtemps dans le pays où ils habitent. Ils font partie du stock d’immigrés et doivent bien être distingués des flux constitués par les migrants qui sont en train d’arriver ou de partir.