Kiev doit désormais trouver un fournisseur fiable qui propose un châssis moderne. La piste allemande est, un instant, évoquée avec le châssis MAN 6 × 6, mais un prétendant sérieux et renommé ne tarde pas à faire son apparition : le tchèque Tatra. Les forces ukrainiennes mettent déjà en œuvre des châssis de cette célèbre firme, principalement en 8 × 8 avec le Tatra 813 Kolos, qui équipe le Lance – roquettes multiple (LRM) RM‑70, et le très performant châssis Tatra 815‑7, qui équipe les 18 CAESAR danois directement livrés par Copenhague aux forces de Kiev. Ce châssis est aussi utilisé par le LRM de 220 mm Burevyi (« Ouragan »). Mais la pénurie de roquettes de 220 mm va modifier son utilisation et les châssis seront affectés au système 2S22. Dénommé 3.0, ce nouveau modèle améliore grandement la mobilité tactique du 2S22 et les premiers exemplaires sont aperçus en janvier 2024 dans les rangs de la 10e brigade de montagne. Sur un peu moins de 100 2S22 produits à ce jour et répartis au sein de dix brigades, on dénombrait à la mi-septembre 2024 sept exemplaires perdus et un endommagé. Le premier était un 3.0, souvent confondu avec un CAESAR ex-danois, détruit en février dernier.
Au début de l’année 2024, un autre châssis est présenté pour équiper le 2S22. Il s’agit du nouveau châssis Tatra : le 8 × 8 158 Phoenix. Désigné 4.0, il se caractérise par une cabine blindée assez semblable à celle du 2.0, mais entièrement conçue par la firme ukrainienne Ukrarmor. Cette nouvelle cabine a dès février 2024 fait preuve d’une grande efficacité en sauvant son équipage lorsqu’un 2S22 4.0 de la 47e brigade d’artillerie indépendante a été pris pour cible par un drone russe Lancet. La production mensuelle démarre lentement malgré l’urgence de la situation, avec dix exemplaires en avril 2024, mais augmente à partir du mois suivant. Elle passe à 16 en septembre et, le 2 octobre, le président Zelensky annonce que le pic de production mensuel est atteint avec 20 exemplaires.
Fin juillet 2024, l’Ukraine annonce développer une version tractée du 2S22. Présentée de manière officielle le 3 octobre, cette version est désignée Bohdana BG. Cette pièce est basée sur l’affût lourd à quatre roues de 2A36 Giatsint‑B, célèbre canon de 152 mm utilisé par les deux protagonistes. Elle est plus rapide et plus facile à produire que la version autopropulsée, et l’Ukraine espère ainsi rattraper son retard quantitatif face aux Russes. Si les pièces d’artillerie tractées sont plus longues à mettre en batterie, et plus exposées aux tirs de contre-batterie, leur maintenance est plus aisée et elles sont plus facilement réparables que les canons autopropulsés qui sont bien souvent irrémédiablement hors service après un coup au but. Il a été prouvé que leur survivabilité sur le champ de bataille face aux attaques de drones et aux éclats de l’artillerie adverse était plus élevée que celle des pièces autopropulsées.
En parallèle de ces productions, le Danemark signe le 10 juillet 2024, un accord avec Kiev pour financer la production et la livraison de 17 2S22 4.0, après avoir déjà livré 18 CAESAR sur châssis Tatra 815‑7 (le dernier l’a été le 15 septembre).
Le Bohdana 4.0
Le modèle le plus récent actuellement en service est donc le 4.0, sur un châssis Tatra 158 Phoenix développé en 2011 en coopération avec le néerlandais DAF et initialement destiné au marché civil, et déjà connu en Ukraine dans le secteur de l’industrie minière où il est apprécié pour ses remarquables capacités. Mais bien qu’il soit retenu pour le 4.0, le 158 Phoenix semble n’être qu’une solution transitoire. En effet, au lendemain du conflit, il se pourrait que la version ultime du 2S22 reprenne le châssis du 3.0, le remarquable 815‑7 qui ne pouvait pas être produit en nombre suffisant et dans l’urgence par Tatra, dont le carnet de commandes est plein jusqu’en 2027.