En 2024, bien que le conflit à Gaza et le risque d’embrasement régional dominent la scène moyen-orientale, Daech reste particulièrement menaçant, plus encore qu’en 2023. De janvier à juin 2024, Daech a mené 153 attaques en Irak et en Syrie, doublant ainsi le nombre d’opérations par rapport à la même période en 2023. Parallèlement, la Coalition internationale a conduit 196 opérations contre Daech sur cette même période. Ces chiffres montrent que l’Irak demeure sous la menace persistante de Daech et que, selon le général Michael Erik Kurilla, chef du Commandement central américain, la « défaite globale et durable » de l’organisation dépend encore des efforts conjoints de la Coalition et de ses partenaires (1).
La Turquie et le PKK en Irak : une souveraineté bafouée
En guerre depuis plus de quarante ans, la Turquie et le PKK ont tous deux exporté leur conflit sur le sol irakien. Installé dans les montagnes de Qandil, le PKK a établi des infrastructures militaires, des camps d’entrainement et même des structures administratives pour gérer certains villages kurdes irakiens de cette région. Cette implantation est perçue par les gouvernements de Bagdad et d’Erbil comme une atteinte à la souveraineté irakienne.
Au-delà de la région de Qandil, le PKK se déploie également dans les provinces de Souleymanieh, Kirkouk, et même dans celle de Ninive. Depuis la défaite territoriale de Daech, le PKK, qui avait participé à la lutte contre l’organisation terroriste, contrôle directement la région de Sinjar, territoire des Yézidis dans la province de Ninive, malgré le rejet catégorique des gouvernements de Bagdad et d’Erbil.
Face à cette présence étendue du PKK, la Turquie agit sur deux fronts : militaire et diplomatique. Sur le plan militaire, elle déploie sa puissance terrestre et aérienne pour attaquer le PKK partout en Irak, de Qandil à Souleymanieh, de Kirkouk à Sinjar. Sans consulter les gouvernements de Bagdad et d’Erbil, le sol et le ciel irakiens sont quotidiennement exploités dans cette guerre. Sur le plan diplomatique, la Turquie engage des discussions continues avec les autorités irakiennes et kurdes pour tenter de désarmer le PKK ou de les amener à coopérer dans cette lutte. Cependant, les deux gouvernements ne disposent pas des conditions objectives nécessaires pour adopter l’une de ces options. Par conséquent, ils se retrouvent spectateurs d’un conflit sur leur propre territoire, qui leur échappe complètement.
Erbil et Bagdad : une discorde structurelle et ses impacts sur la stabilité de l’Irak
La discorde structurelle entre Erbil et Bagdad, qui persiste depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, demeure une source majeure de l’instabilité profonde en Irak. Malgré la relation relativement cordiale entre Mohammed Chia al-Soudani, actuel Premier ministre de Bagdad, et Masrour Barzani, Premier ministre d’Erbil, aucun des dossiers sensibles n’a trouvé de résolution définitive : ni la question des territoires disputés, ni la gestion des ressources naturelles, ni le statut des Peshmergas, qui forment l’armée kurde, ni encore le cadre juridique de la diplomatie du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) dans les limites de la souveraineté irakienne.