Retenir l’eau écoulée en hiver est l’un des arguments pour la construction de nouveaux réservoirs. Loin de faire l’unanimité, nombreux sont ceux qui s’opposent à ces projets de barrages. Environnementalistes et membres de la société civile font valoir que la plupart des sites pour construire des barrages sont déjà équipés, les autres seraient extrêmement coûteux à aménager. L’utilisation des fonds publics est également pointée du doigt : pourquoi construire des réservoirs extrêmement chers pour le bénéfice d’une minorité, essentiellement pour celui des agriculteurs ?
En parallèle des besoins agricoles, comment les entreprises et les industries envisagent-elles les prochaines décennies en Californie ? Le manque d’eau pourrait-il provoquer leur départ ?
Pendant longtemps, les décisions gouvernementales de rationnement s’adressaient essentiellement aux citoyens et protégeaient le secteur agricole. À l’avenir, si les entreprises voyaient la sécurité de leur approvisionnement remise en cause, perturbant ainsi leur chaîne de valeur, un mécontentement se ferait largement sentir. Le gouvernement californien en a pleinement conscience et doit faire face au même mécontentement au niveau du secteur urbain. Des arbitrages sur les usages des ressources hydriques, qui allieraient équité et paramètres économiques, sont de plus en plus difficiles à faire, en Californie, en Arizona, ou au Nouveau-Mexique.
D’un point de vue juridique, dans le droit qui prévaut, par exemple en Europe, chaque propriétaire qui jouxte une réserve d’eau a le droit d’utiliser une portion raisonnable. À l’inverse, dans l’Ouest américain, le système de « première appropriation » est toujours en vigueur. En d’autres termes, une liste officielle définit les volumes à allouer aux différents utilisateurs inscrits. En général, les agriculteurs sont des utilisateurs dits « seniors », c’est-à-dire qu’ils ont la priorité sur les villes. Ce système est particulièrement pervers et encourage indirectement la consommation, car si l’on cesse d’utiliser certains volumes, on en perd l’usage. Les efforts des municipalités pour transformer cet héritage juridique, fondamental dans la gouvernance de l’eau dans l’Ouest, se heurtent à la résistance des acteurs agricoles.
Quid de la souveraineté alimentaire ?
Le secteur agricole en Californie répond bien sûr aux demandes du marché domestique, mais il reste fortement tourné vers l’exportation. Dans ce contexte, s’agit-il d’un enjeu de souveraineté alimentaire ? Certaines cultures doivent-elles être abandonnées, ou peut-on simplement envisager d’en améliorer l’efficacité ? Dans l’Ouest américain, par exemple, c’est là qu’on trouve la plus grande proportion de terres cultivées et irriguées avec des techniques inefficaces. L’eau, fournie par les districts d’irrigation subventionnés par l’État, est une ressource peu coûteuse pour les agriculteurs. A contrario, grâce à un incitatif financier plus direct, les entreprises industrielles sont incitées à faire des efforts et à installer des systèmes industriels de production plus économes, le prix au mètre cube de l´eau étant plus élevé.
Que fait le gouvernement américain pour tenter de juguler ce problème national et la surconsommation en eau ? La société américaine est-elle prête à se restreindre alors que les habitudes de vie des Américains sont très consommatrices d’eau ?
Le mode de vie américain est extrêmement prolixe dans les usages de l’eau. Pour limiter la consommation domestique des citoyens, de nombreuses villes ont fourni des efforts en mettant en œuvre des politiques d’incitation avec, par exemple, des mécanismes de tarification progressive. Les premiers mètres cubes d’eau, jugés absolument incontournables, sont facturés à bas coûts puis, rapidement, les tarifs augmentent jusqu’à atteindre des niveaux dissuasifs. Tout un éventail de mesures réglementaires et de tarifications pour essayer d’encourager des changements de comportements est alors déployé par les municipalités (systèmes d’arrosage du jardin plus économes avec le goutte-à-goutte, calendriers d’arrosage, interdiction du lavage de la voiture en plein jour). Grâce à ces nouveaux systèmes de tarification, des impacts significatifs ont été observés autant sur les usages domestiques que sur les usages industriels.