Dans l’état actuel de la dynamique et de la ressource, il paraît peu probable que les États-Unis envahissent le Canada pour prendre de l’eau. Il s’agirait donc davantage des risques de tensions autour de l’eau que de réel conflit entre les deux pays.
Au Mexique, la situation est encore plus catastrophique avec 48 % du territoire souffrant de sécheresse en juillet 2022 contre 28 % un an plus tôt et près des deux tiers des municipalités qui sont confrontées à une pénurie d’eau. Quelles sont les conséquences pour le pays et quelle est la stratégie du gouvernement mexicain ?
Au Mexique, la problématique est préoccupante. La proportion du territoire affectée par les sècheresses est beaucoup plus importante qu’au Canada ou aux États-Unis. Et, comme le craint le gouvernement mexicain, la fréquence des épisodes de sécheresse s’accélère. Si les Mexicains connaissent la rudesse d’un climat sec qui s’installait durant quelques périodes de l’année, ils ignoraient les conséquences des épisodes rapprochés dans le temps. Les sècheresses en deviennent plus rudes et les impacts s’inscrivent dans le long terme. Les aquifères n’ont par exemple plus la possibilité de se remplir de nouveau lorsque les précipitations reviennent. Avec des moyens financiers moindres en comparaison du voisin étasunien, il est plus complexe de trouver les fonds nécessaires pour faire face à la rareté relative de l’eau. Pour des agriculteurs mexicains, développer des systèmes d’irrigation plus efficaces est un problème technique mais aussi de coût financier. Mexico agit, pour le moment, essentiellement selon des mécanismes de réaction, à défaut de planifier l’adaptation aux nouvelles conditions hydriques. Pour ce faire, une réflexion sur les pratiques agricoles devra être engagée puisque, comme aux États-Unis, l’agriculture est responsable d’une large partie de la consommation. Toutefois, le Mexique exportant massivement vers les marchés nord-américains, demander aux agriculteurs de diminuer l’irrigation des terres semble compromis pour des raisons économiques et politiques.
Sans mener une réflexion d’ensemble sur une éventuelle réforme de la gouvernance de l’eau, le gouvernement réagit ainsi au cas par cas, en faisant parfois des arbitrages, en investissant dans la modernisation des réseaux d’aqueducs, en construisant des usines de dessalement ou en encourageant les agriculteurs à de meilleures pratiques agricoles.
La dispute, bien réelle, avec les États-Unis, quant au partage de l’eau du Colorado et du Rio Grande, fait le jeu des autorités mexicaines pour accuser les Américains de consommer et de prélever de l’eau en trop grande quantité. Si cela peut parfois se révéler exact, c’est aussi un paravent pour éviter les réflexions de fond sur les usages de l’eau sur le territoire mexicain.
En Amérique du Nord, aux États-Unis comme au Mexique, une réforme autour des usages de l’eau par le secteur agricole est indispensable pour affronter les problématiques actuelles et futures liées à la ressource. Si ce secteur réformait sa manière de pratiquer l’irrigation, la pression sur l’eau serait nettement moins forte.
Propos recueillis par Thomas Delage et Alicia Piveteau le 7 février 2023.