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Malte dans la Deuxième Guerre mondiale : la défense aérienne d’un porte-avions incoulable

Un ultime bouclier

« Si la Grande-Bretagne a sauvé le monde, Malte a sauvé la Méditerranée », a écrit l’amiral de Belot (5). On pourrait ajouter que la défense aérienne sauva Malte. Dans les moments de grande détresse, elle se contenta de protéger les installations vitales de l’île. Dans les moments fastes au contraire, elle étendit son parapluie protecteur sur la Méditerranée centrale, couvrant le passage des convois britanniques comme les opérations navales et aériennes contre les convois italiens. Ces alternances impactèrent directement les opérations terrestres : chaque fois que Malte lutta pour sa survie, les forces de l’Axe marchèrent sur l’Égypte ; chaque fois qu’elle put respirer, l’armée britannique entra en Libye. En somme, la défense aérienne de Malte commanda le trafic maritime dans un rayon de 500 km autour de l’île ; ce trafic maritime détermina le destin du canal de Suez, 1 500 km plus à l’est, et avec lui celui de l’Empire britannique.

Parmi les facteurs qui facilitèrent initialement la défense aérienne, il ne faut sans doute pas surestimer la place des radars, peu nombreux à Malte et encore expérimentaux au début de la guerre ; entre les stations de détection et les chasseurs basés sur l’île, la coopération ne fut pas aussi étroite que celle qui caractérisa la bataille d’Angleterre. Mais dans la durée, les radars furent un vrai atout pour Malte. Les chasseurs, quant à eux, furent souvent trop peu nombreux pour relever le défi posé par l’aviation germano-­italienne ; l’artillerie antiaérienne constitua à cet égard l’ultime bouclier de l’île. On soulignera cependant que celle-ci n’aurait pas tenu bon sans les flux logistiques assurés par la Royal Navy, flux qui comportaient leur propre défense aérienne (chasse embarquée et artillerie antiaérienne). En fin de compte, l’optimisation du peu de moyens disponibles aboutit à un résultat remarquable, même si les 3 000 raids aériens que Malte a subis en deux ans détruisirent plus de 5 500 maisons, en endommagèrent 24 000 autres et coûtèrent la vie à 1 300 civils.

Notes

(1) Charles à Court Repington, « De nouvelles formules de guerre contre les anciennes », Revue maritime, vol. 3, 1910.

(2) Temps de trajet moyens d’un convoi marchand, dont la vitesse est nécessairement celle de son bâtiment le plus lent.

(3) « La course du Club », le Club étant le surnom de l’escadre de Gibraltar.

(4) N. A. M. Rodger, The Price of Victory, Allen Lane, 2024, p. 447-448.

(5) Cité par Jacques Godechot dans Histoire de Malte, Paris, PUF, 1981, p. 114.

Article paru dans la revue DSI hors-série n°101, « Défense sol-air : retour au premier plan », Avril-Mai 2025.
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