Magazine Moyen-Orient

Regard de Jalal al-Husseini sur l’UNRWA et les réfugiés palestiniens

L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) est accusé d’avoir soutenu le Hamas, voire d’être infiltré par des membres de ce mouvement ayant participé aux attaques du 7 octobre 2023. Qu’en dites-vous ?

Le risque que les programmes éducatifs, médicaux et sociaux de l’organisation soient détournés à des fins partisanes ou militaires par ses quelque 30 000 employés au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza est une préoccupation majeure aux yeux des pays donateurs, dont les États-Unis (1). L’UNRWA soulève lui-même le problème en 1970, lorsque l’idéologie de libération nationale véhiculée par les fedayin semble fédérer les réfugiés dont sont issus ses employés locaux sur ses terrains d’opérations. Empêcher ceux-ci d’endoctriner les réfugiés ou d’exploiter ses installations à des fins militantes devient une priorité.

L’enjeu n’est pas uniquement de sauvegarder la « neutralité onusienne » de ses opérations, mais aussi de se prémunir de tout gel des contributions occidentales. Ses régulations concernant les travailleurs locaux précisent que leurs convictions personnelles et leur affiliation à des partis ne doivent pas entacher l’intégrité au principe de neutralité. Les manquements avérés ont donné lieu à des enquêtes administratives suivies de sanctions, sous forme de suspension ou de licenciement. En 2017, l’UNRWA renforce encore sa vision de la neutralité en l’arrimant à celle des donateurs occidentaux, proscrivant ainsi l’engagement du personnel auprès de groupes militants, l’organisation de sit-in et l’affichage de tout signe politiquement ostentatoire dans ses installations. En 2022, 18 « violations de neutralité » (sur un total de 225 infractions) ont été traitées.

Si les allégations israéliennes de janvier 2024 paraissent graves, elles ne révèlent rien de nouveau quant au problème posé par la politisation du personnel local ou à la façon dont l’UNRWA y fait face. Sur les 19 employés (sur un total de 13 000) soupçonnés d’avoir participé aux attaques du 7 octobre 2023, 10 ont été licenciés, deux sont décédés, un a été relaxé, et les enquêtes contre les autres ont été abandonnées faute de preuves. Mais le plus important pour l’office est que son mandat et sa probité aient été confortés par le Groupe d’examen indépendant mandaté par le secrétaire général de l’ONU, António Guterres (depuis 2017), en février 2024 afin d’évaluer la neutralité de ses activités. Publié en avril, son rapport confirme que les procédures en place sont les plus élaborées au sein des Nations unies, même si le contexte politique complexe dans lequel évolue l’UNRWA requiert un renforcement des contrôles (2). Le document souligne aussi le caractère indispensable de son mandat et la nécessité pour la communauté internationale de lui apporter son soutien.


Rappelez-nous le contexte et les raisons de la naissance de l’UNRWA en 1949.

La voie qui mène à sa fondation est tracée par deux schémas d’assistance antérieurs. Dans un premier temps, en 1948, l’Égypte dans la bande de Gaza, la Jordanie en Transjordanie et en Cisjordanie, le Liban et la Syrie sont les premiers acteurs de l’assistance-­secours (nourriture, tentes, médicaments, etc.). Excepté l’Égypte, ces pays se montrent incapables de couvrir correctement les besoins des réfugiés. En outre, leurs procédures d’enregistrement peu rigoureuses laissent des autochtones s’intégrer aux listes de rationnaires : leur nombre se monte alors à plus d’un million, tandis que la population réfugiée était estimée à environ 730 000 personnes. Dès octobre 1948, il apparaît que seul un système onusien serait en mesure de remplir cette mission, le rôle des autorités locales ne pouvant s’étendre au-delà d’un soutien logistique et sécuritaire.

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