En novembre 1948, un nouveau système de secours s’articule autour de l’Aide des Nations unies aux réfugiés de Palestine, qui fournit en matériel trois agences « volontaires » chargées de réenregistrer les réfugiés selon des critères bien établis (perte du foyer et des moyens d’existence en raison du conflit) et de leur distribuer l’aide nécessaire : le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Cisjordanie et en Israël, la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge (devenue Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en 1991) en Jordanie, au Liban et en Syrie, et l’American Friends Services Committee à Gaza. Jusqu’à fin avril 1950, ces organismes établissent un système adéquat d’enregistrement et d’approvisionnement, incluant des camps pour accueillir les plus démunis. Mais l’assistance humanitaire n’est déjà plus la priorité. La conférence de Lausanne, organisée par l’ONU entre avril et septembre 1949 afin de régler durablement la question de la Palestine, est un échec. Les discussions sur les réfugiés ont buté sur le refus d’Israël de mettre en œuvre l’article 11 de la résolution de décembre 1948, qui recommande le retour « le plus tôt possible » et « en paix » des réfugiés à leurs foyers et des compensations en guise d’alternative.
L’ONU décide alors de mettre un terme aux aides de secours dont on dit qu’elles plongent les réfugiés dans l’oisiveté, et d’intégrer ceux-ci collectivement dans les économies des pays d’accueil. Cette approche est aussi privilégiée par les puissances occidentales, qui s’inquiètent de la déflagration politique que la stagnation de la question des déplacés pourrait entraîner dans les pays d’accueil, et de son instrumentalisation par l’Union soviétique dans le cadre de la guerre froide.
Créé par la résolution 302 de décembre 1949, l’UNRWA est chargé d’émanciper les réfugiés de l’assistance humanitaire en facilitant leur insertion dans les marchés du travail à travers leur recrutement dans des projets agricoles et infrastructurels. Cette mission se voit vite vouée à l’échec : les capacités d’absorption des économies locales sont insuffisantes et, surtout, les réfugiés insistent sur leur « droit au retour ». Afin de maintenir des conditions de stabilité à l’échelle régionale, l’office est contraint de développer les activités auxquelles son mandat lui imposait pourtant de mettre fin. Ainsi, l’éducation primaire s’enrichit avec une composante formation professionnelle pour devenir, en 1960, son programme phare au titre de l’intégration individuelle des réfugiés.
Quel bilan pouvons-nous tirer de l’action de l’UNRWA depuis 1950 ?
L’UNRWA a contribué à assurer le relèvement socio-économique des réfugiés et permis aux autorités d’accueil d’atténuer le poids que leur présence fait peser sur leur économie et leurs services publics. Parce que le statut de réfugié se transmet à travers les générations par voie patrilinéaire, le nombre d’enregistrés est passé de 960 000 en 1950 à environ 6 millions en 2023. Les gouvernements de Jordanie, de Syrie et du Liban ont ainsi bénéficié du soutien de l’UNRWA depuis 1950, ainsi que l’Autorité nationale palestinienne (ANP) en Cisjordanie depuis sa création en 1993 et le Hamas depuis 2007 à Gaza. L’UNRWA s’est aussi montré d’une grande utilité en mettant sur pied des programmes d’urgence lors de conflits armés, sous forme de reconstruction de l’habitat et de distributions supplémentaires de nourriture et de soins médicaux.
Les succès opérationnels de l’UNRWA dans le domaine de l’éducation ont été remarqués. Avec des moyens moindres que ceux des pays d’accueil, les résultats scolaires des réfugiés à la fin du cycle primaire qu’il couvre (le secondaire en sus au Liban) sont en général supérieurs. L’enseignement professionnel fourni a par ailleurs facilité l’accès à l’emploi, notamment dans les monarchies du Golfe. L’UNRWA a aussi constitué un facteur de modernisation sociale, encourageant dès les années 1950 la scolarisation des filles, bien avant les pays d’accueil : représentant environ un dixième des effectifs des classes du primaire (6-15 ans) en 1950, elles en forment la moitié depuis les années 1980. Enfin, ses méthodes d’enrichissement de programmes d’enseignement et de formation des enseignants ont été adoptées par ces derniers comme modèle pour le développement de leur propre système éducatif.
Plus grand employeur au Proche-Orient après les États d’accueil avec ses quelque 30 000 employés gérant 700 écoles (environ 540 000 étudiants), 140 cliniques, des dizaines de centres sociaux et d’enregistrement à travers le Proche-Orient, l’UNRWA est souvent comparé à un organisme gouvernemental. Cependant, ses assises institutionnelles sont restées celles d’une agence temporaire, dirigée par un personnel international réduit au minimum (213 personnes en 2022) et un budget basé sur des contributions volontaires. Or elles n’ont cessé de baisser depuis les années 1980, d’environ 100 dollars par tête de réfugié à 60 ces dernières années, conduisant l’UNRWA à adopter des politiques d’austérité qui ont affecté la quantité et la qualité des services. Les soins médicaux sont de plus en plus limités à la santé préventive ; ses écoles sont contraintes de fonctionner sur le système de la double rotation, l’octroi de bourses universitaires a été suspendu ; les travaux de maintenance de son infrastructure de services sont souvent reportés, et les salaires des employés locaux gelés. L’office fonctionne encore, mais au minimum.