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Israël, une économie en guerre à bout de souffle

La guerre déclenchée par les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 a plongé l’économie israélienne dans une situation inédite ; les conséquences économiques et sociales du conflit sont encore incertaines et vont dépendre de sa durée, de son ampleur et de son intensité. Le recul de l’activité est sensible et la reprise économique de l’après-guerre sera lente. Des réformes budgétaires et structurelles s’imposent pour maintenir l’économie sur les rails et stimuler la croissance.

L’année 2024 restera gravée dans l’histoire économique d’Israël comme l’une de ses pires années. La croissance du PIB par habitant a été négative pour la seconde année consécutive, les principaux moteurs de croissance israélienne (exportations et investissements) se sont effondrés, les prix au détail montent en flèche et le déficit public atteint des proportions démesurées. Certes, Israël connait la guerre la plus longue de son histoire ; une guerre multi-fronts et d’une rare puissance, conduisant à des dépenses de défense jamais égalées. Forcément, une guerre couteuse affecte l’économie dans sa globalité ; les répercussions économiques ont aussi été aggravées par les multiples défaillances du gouvernement israélien, la poursuite de sa politique ultralibérale n’étant pas toujours compatible avec une économie en guerre.

Recul de l’activité

Les répercussions du conflit se sont fait ressentir dès le dernier trimestre 2023 ; le PIB a chuté de 21,4 % par rapport au trimestre précédent, et le rebond du premier trimestre 2024 (+15,6 %) ne comblera que partiellement le recul de l’activité (1). En raison de la situation sécuritaire, les perturbations de l’offre et la diminution marquée de la population active civile, ainsi que la dégradation du climat économique, pénaliseront d’abord la consommation privée et les investissements, puis les échanges extérieurs, le commerce et le tourisme. Le quatrième trimestre 2023 sera une catastrophe absolue pour l’économie du pays : l’augmentation considérable des dépenses militaires a fait bondir la dépense publique de 84 % en rythme annuel, alors que la consommation des ménages chutait de 26,3 %, les investissements faisaient un bond en arrière de 69,6 % et les exportations de biens et services reculaient de 21,6 %.

L’arrêt de l’économie israélienne le 7 octobre 2023 a été déclenché par la fermeture du système scolaire durant plusieurs semaines ainsi que par la fermeture de commerces, industries et services ; la mobilisation par Tsahal de 280 000 réservistes (7 % de la population active) a pesé sur l’ensemble de l’économie, secteur des hautes technologies compris. Au plus fort de la guerre, ce sont près de 800 000 Israéliens qui sont sortis du marché du travail, soit 20 % de la population active du pays : réservistes de l’armée, familles déplacées de leur domicile, victimes de guerre, salariés en congé sans solde, parents d’enfants déscolarisés, etc.

De plus, la suspension des permis de travail aux Palestiniens et le départ de nombreux travailleurs étrangers pèsent lourdement sur l’économie. En 2022, soit avant la guerre à Gaza, l’économie israélienne employait 250 000 étrangers : 120 000 ouvriers palestiniens (de Cisjordanie et Gaza) et 130 000 étrangers de pays lointains (Thaïlande, Philippines, Inde, Chine, etc.). Ces travailleurs non-israéliens représentaient 6 % de la population active du pays, soit une force de travail importante (2). Leur absence est fortement ressentie dans certaines activités qui sont dépendantes de cette main-d’œuvre travailleuse et bon marché, comme le BTP et l’agriculture. En conséquence, les investissements dans la construction d’habitations ont chuté de 52 % au quatrième trimestre 2023 (par rapport au trimestre précédent), alors que les récoltes agricoles furent quasiment interrompues.

À propos de l'auteur

Jacques Bendelac

docteur en économie, enseignant-chercheur, spécialiste de l’économie israélienne, enseignant au Collège universitaire de Netanya (Israël) et à l’Institut universitaire Elie Wiesel (Paris) et auteur de Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël (L’Harmattan, 2022).

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