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Lettonie : « La paix n’est pas gratuite, la liberté et l’indépendance ne doivent jamais être tenues pour acquises »

Face au possible désengagement des États-Unis de l’Europe et de l’OTAN, la Lettonie est-elle prête à participer à l’autonomie stratégique de la défense européenne ? Seriez-vous prêts à acheter uniquement des armes européennes ? Considérez-vous la dissuasion nucléaire française comme une alternative crédible au bouclier nucléaire américain ?

L’administration américaine a constamment réitéré son engagement fort envers l’OTAN. La dissuasion nucléaire de l’OTAN est crédible et efficace. Les capacités nucléaires de l’OTAN et l’accord de partage nucléaire font partie intégrante de sa politique de dissuasion. La capacité nucléaire indépendante de la France contribue significativement à la sécurité globale de l’Alliance.

Lors de la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN, qui s’est tenue à Bruxelles les 3 et 4 avril, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a réaffirmé l’engagement indéfectible des États-Unis envers l’OTAN. Néanmoins, la nécessité pour l’Europe d’investir davantage et plus rapidement dans sa propre sécurité et sa défense demeure inchangée afin de pouvoir dissuader l’agresseur et défendre chaque centimètre carré du territoire de l’Alliance. La réalisation des plans de défense de l’OTAN nécessite une augmentation significative des dépenses de défense de plusieurs alliés européens et du Canada. Il en va de notre intérêt collectif en matière de sécurité ; c’est une nécessité géopolitique.

Les États-Unis ont été, sont et resteront notre principal partenaire stratégique. L’engagement et la présence militaire des États-Unis en Europe, notamment dans la région baltique, sont essentiels à la stabilité et à la sécurité de la zone euro-atlantique. Nous partageons une même vision et un intérêt mutuel pour la construction d’une alliance de l’OTAN plus performante afin de relever les défis sécuritaires interdépendants sur les théâtres euro-atlantique et indo-pacifique.

Alors que des négociations ont lieu en Arabie saoudite entre la Russie, les États-Unis et l’Ukraine, quel rôle l’Europe devrait-elle jouer dans le processus de paix ukrainien ? Les services de renseignement lettons estiment en effet que la Russie pourrait redevenir une menace importante pour l’OTAN au cours des cinq prochaines années, en particulier si elle n’est plus occupée en Ukraine. Le Bureau de protection constitutionnelle (SAB), l’institution de sécurité nationale de la Lettonie, pense que Moscou a simplement besoin de temps pour reconstituer ses forces en prévision d’une attaque beaucoup plus large contre l’Ukraine, voire contre l’OTAN. Quel est votre avis ?

L’issue de la guerre menée par la Russie en Ukraine aura des répercussions sur la sécurité en Europe et dans l’espace transatlantique. L’unité de l’UE est cruciale en ce moment. Nous devons continuer à coordonner et à communiquer aussi activement que possible avec les États-Unis, notre allié stratégique. Nous devons exercer une pression économique encore plus forte sur la Russie, notamment en renforçant les sanctions. Les sanctions internationales et européennes limitent la capacité de la Russie à faire la guerre et doivent être encore renforcées. Les sanctions sont efficaces. L’économie russe est faible et insoutenable. L’Europe et ses partenaires doivent tout mettre en œuvre pour affaiblir davantage l’économie de guerre russe, en déclin. Les sanctions sont cruciales pour limiter la capacité de la Russie à se reconstituer et à lancer de nouvelles agressions contre ses voisins, comme elle l’a fait à maintes reprises. Par conséquent, maintenir la pression sur la Russie est essentiel, même en cas de cessez-le-feu en Ukraine. Les sanctions constituent le principal levier de l’Europe et lui permettent d’avoir une place à la table des négociations. La Lettonie continuera de plaider en faveur d’une pression soutenue par des sanctions afin d’inciter la Russie à s’engager véritablement dans les efforts de paix et à respecter les accords conclus. Au-delà des sanctions, nous devons rapidement trouver des solutions juridiques pour saisir tous les avoirs gelés de la Banque centrale russe et les transférer pour soutenir l’Ukraine.

Il est évident que les conséquences de la guerre menée par la Russie sont mondiales. La Russie est la cheville ouvrière d’un axe autoritaire, qui permet sa guerre d’agression en fournissant armes, technologies, financements et en aidant au contournement des sanctions. Si Poutine n’est pas arrêté, il encouragera les agresseurs dans d’autres régions du monde.

Propos recueillis par Thomas Delage le 9 avril 2025.

Note

(1) Telles que Valiullina et autres c. Lettonie, Džibuti et autres c. Lettonie, et l’arrêt de 2024 dans Djeri et autres c. Lettonie.

Article paru dans la revue Diplomatie n°133, « Flanc Est de l’Europe : un test pour la sécurité de l’UE ? », Mai-Juin 2025.
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