Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

Israël vs Hamas et Hezbollah : état de la confrontation

La donne a également évolué en profondeur au Liban. Que retenez-vous principalement de la séquence d’événements qui a mené à l’affaiblissement inattendu du Hezbollah ? 

À la mi-septembre, l’armée israélienne a intensifié ses opérations contre le Hezbollah, passant d’une stratégie de « défense agressive », en place depuis le 8 octobre 2023, à une posture nettement plus offensive. Cette nouvelle opération israélienne, baptisée « Flèches du Nord » (Khitsei ha-Tsafon), a débuté le 17 septembre 2024 par la détonation simultanée d’environ 4000 bipeurs appartenant à des membres du Hezbollah, suivie le lendemain d’une deuxième vague de centaines de talkies-walkies ayant explosé dans les mains de leurs détenteurs. Cette opération, techniquement impressionnante mais éthiquement contestable, a littéralement sidéré l’appareil sécuritaire du mouvement pourtant connu pour son « esprit de corps » (iltizam) et sa culture du secret. À partir de ce moment, la force aérienne israélienne a considérablement intensifié ses frappes sur les positions de la Résistance islamique — la composante armée du Hezbollah — au Sud-Liban et dans la vallée de la Bekaa. En représailles, celle-ci a augmenté le nombre et la portée des roquettes et missiles tirés sur Israël, mais en étant déboussolée et en ayant perdu l’initiative. En quelques jours, les bombardements massifs ont entrainé le déplacement de plus de 500 000 personnes du Sud-Liban. Tsahal a également intensifié ses frappes sur la banlieue sud de Beyrouth — le centre névralgique du Hezbollah, souvent appelé la « dahiyeh » (la banlieue) —, visant à éliminer la direction stratégique et opérationnelle du mouvement. 

Le 27 septembre 2024, des frappes particulièrement puissantes ont ciblé un bâtiment en-dessous duquel se réunissaient le haut commandement du Hezbollah et des représentants du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique, tuant notamment Hassan Nasrallah, secrétaire-général de longue date du Hezbollah, adulé par sa base partisane. De lourdes frappes ont aussi été lancées dans la vallée de la Bekaa, où se trouve le berceau du Hezbollah — la ville de Baalbek — et certains de ses sites les plus sensibles. L’armée israélienne a également mené des frappes plus isolées sur des cibles dans d’autres régions du Liban, ainsi que le long de la frontière libano-syrienne, visant à affaiblir les lignes logistiques et les réserves du mouvement. Parallèlement, l’armée israélienne a mené des opérations dans les eaux territoriales libanaises pour encercler le Sud-Liban, de la frontière jusqu’à la rivière Awali. Israël a ainsi imposé un quasi-blocus au Liban, ciblant systématiquement les principaux points d’entrée du pays (Masnaa, Al-Qusayr, les ports du pays et l’aéroport international de Beyrouth). Une fois cette vaste zone considérée comme bouclée, l’armée israélienne a lancé une invasion terrestre le 30 septembre 2024 et a commencé à procéder à des opérations systématiques de « nettoyage » et de destruction visant les impressionnantes infrastructures souterraines du Hezbollah dans les villages du Sud-Liban. 

Humilié par une brèche sécuritaire interne sans précédent, décimé au niveau de son leadership (2), diminué sur le plan capacitaire, repoussé dans « son Sud », et moralement abattu par la perte de « son Sayyed » (Nasrallah), le Hezbollah a dû se résigner à minimiser la casse et à accepter un cessez-le-feu paramétré à l’avantage d’Israël le 26 novembre 2024. À peine quelques jours plus tard, le 8 décembre 2024, les cieux se sont encore assombris davantage pour le mouvement, à travers le renversement de Bachar el-Assad dont le régime et le territoire lui avaient respectivement servi de parapluie politique et de base arrière pendant plus de trois décennies.

Le Liban dans la guerre d’Israël contre le Hezbollah

Que reste-t-il aujourd’hui des capacités militaires du Hezbollah ?

Les capacités militaires du Hezbollah ont été considérablement dégradées. La Résistance islamique n’avait peut-être perdu « que » 2500 combattants — soit environ 5 % de ses effectifs — avant le cessez-le-feu, mais elle se retrouve aujourd’hui privée de la génération de ses dirigeants fondateurs. Elle peut également se vanter d’avoir tiré environ 3500 projectiles sur Israël en un an, mais son arsenal, estimé au maximum à quelque 150 000 roquettes, missiles et drones avant la guerre, a été brutalement réduit. Des sources israéliennes estiment que 80 % des roquettes à courte portée (44 000 à 100 000) et la majorité des dizaines de milliers de missiles et drones à moyenne et longue portée restants ont été détruits. 

À propos de l'auteur

Didier Leroy

Chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (IRSD), expert invité à l’Université libre de Bruxelles (ULB) et chercheur associé à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

0
Votre panier