Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

La France a une carte à jouer dans la course au quantique

Quels sont aujourd’hui les principaux acteurs du quantique en France ? La France est-elle suffisamment engagée dans la course au quantique ?

M. Kaplan : Aujourd’hui, les deux grands domaines industriels qui structurent l’écosystème quantique sont, d’une part, le calcul quantique, et, d’autre part, les communications quantiques. Celui des communications est peut-être moins priorisé par les institutions françaises, en comparaison avec ce qu’on observe dans d’autres pays. En revanche, sur le plan du calcul quantique, la France affiche une position de premier plan en Europe.

Du côté public, on bénéficie d’un socle de recherche académique historiquement très solide, réparti entre plusieurs grandes structures. Il y a évidemment les universités, mais aussi des organismes majeurs tels que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Ces institutions sont bien coordonnées, avec des feuilles de route qui tendent à converger, et une complémentarité qui permet une recherche de très haut niveau. Du côté privé, la dynamique repose surtout sur un tissu de start-up particulièrement prometteuses. Aujourd’hui, les cinq principales entreprises françaises qui se démarquent dans le quantique sont : Pasqal, Quandela, Alice & Bob, Quobly, et C12. Cette dernière a bénéficié d’un financement de la part du ministère des Armées, dans le cadre du programme PROQCIMA, qui vise à développer, en France, deux prototypes d’ordinateurs quantiques universels tolérants aux fautes, chacun étant doté de 128 qubits logiques, et prêts à passer à l’échelle industrielle. Chacune de ces entreprises travaille avec des technologies quantiques très différentes.

Au niveau européen, la plus grande entreprise du secteur est aujourd’hui la société finlandaise IQM, qui est très en avance en termes de levées de fonds et de capacités techniques. Mais juste derrière IQM, on retrouve ce noyau français de cinq start-up, ce qui positionne la France comme un acteur clé dans cette compétition technologique.

Donc, sur la partie calcul quantique du moins, la France est clairement engagée dans la course. Il reste bien sûr des défis, notamment sur la mise à l’échelle et l’industrialisation, mais les fondations sont là, et elles sont solides.

Quels sont les atouts spécifiques de la France dans ce domaine ? A-t-on des forces scientifiques, industrielles ou technologiques particulières à faire valoir ?

Le principal atout de la France dans le domaine du quantique réside dans la solidité et l’excellence de sa recherche académique. Cette force s’est illustrée par deux prix Nobel de physique récents : Serge Haroche, en 2012, pour ses travaux pionniers sur le contrôle des photons dans une cavité — constituant l’un des fondements de l’information quantique moderne —, et Alain Aspect, en 2022, pour ses expériences décisives sur l’intrication quantique.

La France fait figure de pilier dans la structuration de l’espace de recherche quantique, et son influence scientifique est reconnue à l’international, grâce à ses grandes institutions de recherche susmentionnées, ainsi qu’à ses universités.

Sur le plan industriel et technologique, la situation est plus nuancée. Les synergies entre les technologies quantiques émergentes et le tissu industriel déjà en place ne sont pas toujours faciles à établir.

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