Par conséquent, nous devons travailler, en confiance, sur deux voies parallèles. D’abord en sécurisant ce qui fonctionne. L’espace est là encore un bon exemple. À l’heure où je vous parle, les indicateurs sont excellents quant à l’état de notre partenariat avec les Américains. Nous nous entraînons et opérons ensemble, à un niveau sans précédent. En avril dernier, lors du 40e US Space Symposium, le général Whiting, chef du Space Command, a tenu publiquement des propos particulièrement forts à ce sujet.
Parallèlement, nous devons bien sûr exploiter la dynamique observée en faveur de l’autonomie stratégique européenne, suscitée par la politique extérieure de l’administration Trump. Je me réjouis de constater que le futur Livre blanc européen décline des priorités qui sont parfaitement en phase avec les nôtres, en particulier dans le domaine capacitaire et pour ce qui concerne l’air et l’espace. On peut citer par exemple la défense aérienne intégrée, les drones et les systèmes de lutte anti-drones, le transport aérien, ou encore le ravitaillement en vol. Je crois enfin que la prise de conscience est unanime sur la nécessité de simplifier nos réglementations et d’accroître nos investissements, pour une industrie de défense européenne forte, compétitive et qui délivre plus rapidement.
Faut-il accroître les déploiements vers l’Est de l’Europe ou, à tout le moins, accroître les coopérations avec les armées de l’air des États baltes, de la Pologne ou des pays scandinaves ?
Oui, c’est un axe d’effort clair pour l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE). En atteste très récemment la mission « Pégase Grand Nord » effectuée au début du printemps pour la première fois en Scandinavie et en Europe de l’Est. Les objectifs sont conformes aux éditions précédentes, qui étaient tournées vers l’Indo – Pacifique : développer notre préparation opérationnelle en contexte interallié, cette année avec la Suède, la Pologne et la Croatie en particulier, mais aussi signifier notre détermination à nos compétiteurs et adversaires potentiels. C’est ce que l’on appelle le signalement stratégique. À cet égard, la zone de déploiement de « Pégase 2025 » n’a évidemment pas été choisie au hasard.
Mais nos relations avec nos alliés du Nord et de l’Est vont au-delà de ces manœuvres de projection de puissance. Je pense à notre contribution ininterrompue à la mission « Air Shielding » de l’OTAN, avec par exemple nos Rafale déployés régulièrement à Siauliai, en Lituanie, ou encore notre détachement Mamba qui est en Roumanie depuis plus de trois ans. Ces missions opérationnelles nous rapprochent évidemment de ceux qui sont en première ligne sur le flanc est de l’Alliance. S’agissant de la Pologne, le traité de Nancy démontre la volonté à la fois politique et militaire d’aller encore plus loin.
Le dispositif MORANE (Mise en œuvre réactive de l’arme aérienne) accroît la résilience des forces si elles sont menacées. Mais faut-il également envisager une politique de rénovation d’infrastructures comme les hangarettes et d’accroissement de la défense sol-air autour des bases aériennes ?
Nos bases aériennes sont nos outils de combat, elles sont donc notre bien le plus précieux. Un axe du plan stratégique de l’AAE concerne le renforcement de leur protection. Cet enjeu se décline en deux volets, qui sont la défense active ainsi que la défense passive. Il faut penser la résilience du système de façon globale, face au sabotage et autres entraves « de l’intérieur », face aux menaces cinétiques et face aux vulnérabilités induites par notre dépendance aux réseaux informatiques, énergétiques ou logistiques.
La dispersion de nos flottes, leur capacité à opérer hors de leurs bases mères, entre dans le périmètre de la défense passive. MORANE est notre déclinaison du concept otanien d’« Agile Combat Employement » ; on parle donc de « French ACE ». Le camouflage et le durcissement de nos emprises sont d’autres volets de cet axe d’efforts. Concernant les mesures actives, la défense sol-air occupe une place centrale et fait l’objet d’investissements importants dans le cadre de la Loi de programmation militaire en cours. À l’horizon 2027, tous nos SAMPT seront au standard NG, plus performant contre les missiles balistiques, et plus réactif pour faire face aux menaces hypersoniques. En remplacement de nos batteries Crotale, dix systèmes MICA‑VL seront aussi livrés, en plus de ceux déjà reçus pour la sécurisation des Jeux olympiques. Mais la défense aérienne doit être pensée comme un dispositif complet, intégré et multicouche. Ces systèmes doivent donc être interconnectés et s’articuler autour d’une chaîne de commandement et de contrôle (C2) robuste, et sur des plots d’avions de combat et d’hélicoptères prêts à décoller, en plus de tous les systèmes sol-air constituant ce maillage, qui doit s’étendre jusqu’à la THA, au-delà de 20 km d’altitude.














