En 2019, le film sud-coréen Parasite remportait la Palme d’or à Cannes avant de remporter les Oscars quelques mois plus tard en 2020. En 2022, le groupe de K-pop BTS était reçu à la Maison-Blanche par le président américain Joe Biden, illustrant l’exportation croissante de la pop coréenne y compris sur le marché américain. Mais ce succès ne date pas d’hier et l’influence culturelle de la Corée du Sud s’est construite en parallèle de succès économiques. Comment a évolué le développement de la culture coréenne qui porte le nom de Hallyu ?
O. Surcouf : Hallyu signifie littéralement « vague coréenne ». Celle-ci ne date effectivement pas de 2019 mais remonte au milieu des années 1990, notamment avec la diffusion des dramas coréens. Ces K-dramas se sont diffusés de manière organique en Asie du Sud-Est et ont rencontré un très grand succès. En 1997, la crise économique asiatique affecte durement l’économie sud-coréenne qui reposait principalement sur l’exportation de matériaux. Afin de redynamiser le pays, les autorités adoptent une stratégie de soft power, l’objectif étant en un sens d’imiter la stratégie américaine qui s’était révélée très efficace.
Le développement de l’influence coréenne, notamment via les K-dramas, a été permise grâce au déploiement précoce et avancé d’Internet en Corée, comparativement aux autres pays du monde. Parallèlement, la fin des années 1990 sonne également le début de la K-pop telle qu’on la connait aujourd’hui. Ce style musical émane dans un premier temps des compagnies, mais il va rapidement être soutenu par le gouvernement coréen, très réactif, qui y voit une grande opportunité. De façon générale, le rôle joué par le gouvernement dans le développement et la diffusion de « la vague coréenne » n’intervient qu’en second plan, après celui joué par les entreprises, qui sont les véritables moteurs de ces nouveaux aspects du soft power. Il n’en reste pas moins essentiel, contrairement à ce qui se fait au Japon, qui pâtit énormément aujourd’hui du développement de la culture coréenne. En effet, alors qu’au Japon tout ce qui est relatif à la culture est matérialisé et pensé en termes de ventes, la Corée du Sud propose gratuitement, dès 2007, ses clips de K-pop sur YouTube. Le gouvernement coréen a su tout de suite apporter un soutien économique afin d’investir dans le futur.
Effectivement, avant de conquérir le monde, la culture coréenne a submergé l’Asie, au détriment de la culture japonaise et taïwanaise. Comment est-elle devenue une référence de modèle de soft power ?
L’expansion par le web, les réseaux sociaux et YouTube des K-dramas a porté un énorme coup à la culture japonaise, qui est restée très fermée à ce niveau-là. Si en 2009 l’accès à des séries japonaises, coréennes et taïwanaises traduites était assez équivalent, la concurrence asiatique a rapidement été distancée face aux séries coréennes, devenues en moins deux ans largement plus accessibles avec une qualité de production bien supérieure.
La diffusion libre des séries coréennes à la télévision est donc l’un des principaux facteurs de leur succès. L’arrivée sur les marchés européen et américain s’est faite grâce à Netflix. Aujourd’hui, les séries coréennes sont les deuxièmes plus regardées après les séries anglo-saxones. Mais cette réussite s’explique aussi grâce à la qualité du contenu.
L’une des raisons majeures derrière le succès de la Hallyu serait la recherche de la perfection esthétique. Comment pouvez-vous l’expliquer ?
L’esthétique coréenne est très singulière, bien qu’elle soit éminemment inspirée par l’esthétique japonaise principalement. Au Japon, l’esthétique se concentre sur l’aspect « mignon », dit kawaï. En Corée, cette influence est bien présente, mais elle trouve une forme d’équilibre entre l’aspect kawaï et une esthétique beaucoup plus minimaliste et très colorée. Contrairement au Japon, l’esthétique coréenne est belle avant d’être mignonne. Cela s’observe dans les séries comme Squid Game, dans laquelle les couleurs sont extrêmement vives, ce qui peut être assez étonnant pour une série d’horreur. En Corée, on parle d’une esthétique « bubble gum » avec des couleurs particulières qui se retrouvent également beaucoup dans la K-pop.
Le second aspect esthétique très important de la culture coréenne concerne l’utilisation de la lumière : tous les contenus visuels sont extrêmement lumineux. Les K-dramas ont souvent recours à l’effet Bokeh qui filme de très près les visages avec un floutage de l’arrière-plan. Ces techniques de cadrage et de lumière participent de la douceur, de la beauté et de la perfection qui sont mises en avant.















