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Alt-Right, le visage moderne de l’extrême droite américaine

Le 12 août 2017 à Charlottesville (Virginie), une voiture a foncé dans une foule s’opposant à une manifestation d’extrême droite. La réaction tardive du président américain, Donald Trump (depuis janvier 2017), pour dénoncer cet acte a mis en lumière les liens qui l’unissent aux courants radicaux prônant la suprématie blanche aux États-Unis.

La liberté d’expression que défend la Constitution américaine permet à des groupuscules racistes ou néonazis de s’exprimer en plein jour. Ce fut déjà le cas le 8 juillet 2017 à Charlottesville, un mois avant le drame du 12 août 2017 au cours duquel une jeune femme de 32 ans fut tuée et 19 autres manifestants gravement blessés. Donald Trump a mis deux jours pour condamner les actes de violence de l’extrême droite, se contentant dans un premier temps de dénoncer les violences des « diverses parties », renvoyant ainsi dos à dos racistes et antiracistes.

Plus de 900 « groupes de haine »

Cette manifestation regroupait différents groupuscules plus ou moins importants : néonazis, suprémacistes blancs, Ku Klux Klan (KKK), skinheads, néoconfédérés, anti-LGBT, antimusulmans… jusqu’à la droite dite « Alt-Right », terminologie permettant de rassembler sous un terme plus politiquement correct des idées racistes, xénophobes, fascistes. À l’automne 2017, le Southern Poverty Law Center recensait 917 « groupes de haine » à travers les États-Unis, notamment dans l’est et le sud du pays (cf. document 2 et carte 3). L’extrême droite américaine est active depuis le début du XXe siècle, et même plus meurtrière que le terrorisme islamique depuis le 11 septembre 2001 (cf. carte 1).

<strong>2. La violence de l’extrême droite américaine depuis 1970</strong>

La réaction de Donald Trump au drame de Charlottesville est symptomatique de l’infiltration de l’Alt-Right à la Maison-Blanche. Toutefois, cette mouvance n’a pas donné naissance à un parti, à l’instar du Front national en France, le paysage politique américain étant monopolisé par les démocrates et les républicains. Ce sont plus des groupes de pression qui essayent de pénétrer ces derniers, comme le Tea Party, né sous l’ère Barack Obama (2009-2017) notamment pour dénoncer des mesures sociales comme la couverture santé universelle et, plus généralement, l’intervention de l’État fédéral. S’il a obtenu 60 députés aux élections de mi-mandat de 2010, le Tea Party donne le sentiment de se tourner plus vers le passé que les leaders de l’Alt-Right.

Parmi ces derniers, Richard B. Spencer a soutenu le candidat républicain lors de la présidentielle de 2016, tenant des conférences où certains participants n’hésitaient pas à faire le salut nazi. Mais, contrairement au KKK ou aux néoconfédérés s’inscrivant dans une continuité historique archaïque, ce militant a compris que le combat se menait sur Internet. Grand utilisateur des réseaux sociaux avec environ 74 000 abonnés sur Twitter (septembre 2017), il utilise ces plates-formes pour diffuser des idées radicales auprès d’une population jeune. De même, Paul J. Watson dépasse le million d’adeptes sur sa chaîne YouTube, tandis que Milo Yannopoulos en a 2,3 millions sur Facebook. Ils se positionnent ainsi comme les nouveaux visages de la modernité et de la politique.

L’extrême droite à la Maison-Blanche

Entre 2012 et 2016, les comptes Twitter associés au suprémacisme blanc ont augmenté de près de 600 %, avec comme terme de recherche le plus populaire « White Genocide », qui fait référence à la peur du « grand remplacement ». Cela vient en réaction à un multiculturalisme de plus en plus important dans nos sociétés. La population blanche aux États-Unis devrait passer de 62,2 % en 2014 à 43,6 % en 2060. En nommant Steve Bannon, patron du site d’informations d’extrême droite Breitbart News, directeur de campagne puis conseiller, Donald Trump a donné une légitimité à ces idées radicales. Néanmoins, l’homme fut obligé de démissionner à la suite des déclarations critiquées du président après le drame de Charlottesville.

<strong>3. Les attentats perpétrés par l’extrême droite depuis 2001 aux États-Unis</strong>

Si Richard B. Spencer qualifie Steve Bannon d’« Alt-Light », il ne le considère pas moins comme un allié. Ils partagent en tout cas la même vision d’une société déterminée par les races. Dans une étude parue en mai 2017, des chercheurs ont interrogé la vision d’adhérents et de non-adhérents de l’Alt-Right sur les visages multiples de la société (homosexuels, juifs, blancs, noirs, hommes, femmes, etc.) (1). Si les seconds ne mettent aucune hiérarchie entre ces groupes, les premiers pensent que les hommes blancs sont supérieurs, plaçant tout en bas de l’« échelle de l’évolution » les féministes et les musulmans.

L’un des faits les plus marquants de l’infiltration de l’extrême droite à la tête des États-Unis reste la nomination par Donald Trump, le 18 novembre 2016, de Jeff Sessions comme procureur général. Par le passé, ce sénateur républicain (1997-2017), connu pour ses positions réactionnaires, avait été accusé par un procureur noir de l’avoir appelé « boy », et expliquait n’avoir rien à reprocher au KKK jusqu’à ce qu’il apprenne que certains de ses membres « fumaient des joints ». Son arrivée fut qualifiée d’« insulte pour la justice » par le quotidien The New York Times dans son éditorial (2), tandis que Richard B. Spencer s’était félicité de ce « réveil ».

Cartographie de Laura Margueritte

Notes

(1) Patrick S. Forscher et Nour S. Kteily, A Psychological Profile of the Alt-Right, mai 2017.

(2) The New York Times, « Jeff Sessions as Attorney General : An Insult to Justice », 18 novembre 2016.

Article paru dans la revue Carto n°44, « Eau : En quête de l’« or bleu » », novembre-décembre 2017.

À propos de l'auteur

Julien Camy

Journaliste et cinéaste, chargé d’édition pour la collection Institut Lumière/Actes Sud. Auteur (avec Gérard Camy) du livre Sport & Cinéma (Éditions du Bailli de Suffren, 2016).

À propos de l'auteur

Laura Margueritte

Cartographe pour les magazines Carto et Moyen-Orient.

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