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L’Église catholique : une foi ébranlée, un pouvoir en question

Religion majoritaire dans le monde, acteur sans pareil des relations internationales, le catholicisme traverse néanmoins une crise majeure, avec des scandales de pédophilie à répétition, des ailes conservatrices appelant le pape François (depuis 2013) à démissionner, sans oublier la concurrence accrue de l’évangélisme, notamment du pentecôtisme. Discréditée, l’Église cherche un nouvel équilibre tout en se maintenant comme un acteur de la mondialisation du XXIe siècle.

Si elle a vocation à être universelle – sens du terme « katholicos » en grec –, l’Église catholique ne doit pas être confondue avec le christianisme, qui rassemble 2,92 milliards de ­fidèles en 2015 et regroupe plusieurs branches, dont les catholiques. Ces derniers sont les plus nombreux avec 1,28 milliard de baptisés au 31 décembre 2015, selon les statistiques du Vatican (Agence Fides). Ils sont les héritiers de la tradition faisant du pape le successeur de saint Pierre, disciple de Jésus et apôtre, retenant le principe d’autorité au sein de l’Église et reconnaissant sept sacrements (baptême, confirmation, eucharistie, réconciliation, mariage, onction des malades, ordination). Le catholicisme renvoie principalement à l’Église latine, issue de l’Église de Rome au moment du grand schisme de 1054 avec les orthodoxes, réaffirmée après la réforme protestante du XVIe siècle.

Constance démographique

La géographie des catholiques donne des informations intéressantes sur l’évolution de cette religion. Pour l’année 2015, les données diffusées par l’Agence Fides montrent une certaine constance depuis les années 1970, avec 625,26 millions de fidèles en Amérique (dont 537 millions en Amérique latine), 285,75 millions en Europe, 222,17 millions en Afrique, 141,41 millions en Asie et 10,2 millions en Océanie (cf. carte ci-dessous : Géographie mondiale de l’Église catholique). En 2015, ils constituent environ 18 % de la population mondiale, tout comme en 1978 et en 1990. On observe néanmoins des nuances selon les continents. L’Europe perd année après année de son poids démographique, représentant 22,2 % de la population catholique mondiale en 2015, contre 35,2 % en 1978. Cela s’explique notamment par la baisse du nombre de baptisés et une croissance démographique faible dans des sociétés sécularisées, voire laïques. À l’inverse, l’Afrique et l’Asie voient leurs nombres de fidèles en hausse, s’élevant respectivement à 17,3 % et 11 % en 2015, contre 7,2 % et 8,4 % en 1978. L’Amérique, principalement latine, continue d’en concentrer la moitié.

Ce constat permet d’observer une tendance intéressante : ce sont dans les régions où le catholicisme est minoritaire, l’Afrique et l’Asie, qu’il est en forte croissance. Ainsi s’explique par exemple le boom du nombre de prêtres (diocésains et religieux) sur ces deux continents : 44 048 en Afrique, soit 1 133 de plus que l’année précédente, et 64 714 en Asie, soit 1 104 de plus. Toutefois, le nombre total de prêtres a chuté, posant un problème d’encadrement.

Des enjeux internes et externes sous François

C’est un défi important, car l’Église catholique doit faire face à une diversité idéologique (on pensera notamment à la théologie de la libération) en son sein, mais aussi, et surtout, à la montée en puissance des évangéliques. D’où la mission de l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, quand il fut élu pape, sous le nom de François, en mars 2013 : définir un nouvel équilibre d’une institution qui venait d’essuyer divers scandales (financiers et sexuels) sous son prédécesseur, Benoît XVI (2005-2013).

François a voulu faire revenir l’Église à ses principes fondamentaux de la charité, du pardon, du partage en les appliquant à la modernité. Il se montre ainsi ouvert à l’égard des homosexuels, appelle à respecter les divorcés remariés, et s’intéresse à la pauvreté et à l’environnement. Un pape inscrit dans l’air du temps, en somme. C’était sans compter la révélation de scandales de pédophilie en 2018, notamment au Chili en mai, aux États-Unis (Pennsylvanie) en août et en Allemagne en septembre. Outre le traumatisme des victimes et le choc provoqué par leur grand nombre, le problème vient surtout du fait que les responsables ont été couverts par l’institution. Comment l’Église est-elle alors capable de se renouveler et de disserter sur les bonnes mœurs dans ces conditions ?

La révélation de ces scandales a été l’occasion pour la branche conservatrice du Vatican de s’opposer à l’œuvre de François, jugée trop ouverte sur le monde et en rupture avec celles de Jean-Paul II (1978-2005) et de Benoît XVI. Le pape, que certains appellent à la démission, doit gérer les coups en interne tout en maintenant le cap d’une Église en perte de vitesse sur le plan religieux. Par exemple, le manque de prêtres oblige à s’interroger sur l’ouverture de la fonction aux hommes mariés et aux femmes, et des mouvements de débaptisation apparaissent.

Cet impératif est ce qui guide François à maintenir une activité diplomatique intense. Créé en 1929, le Vatican (cf. carte 1) est le plus petit État du monde, avec 44 hectares situés au cœur de Rome. Il entretient des relations avec 183 États (2017), y compris certains dont la religion officielle ou majoritaire n’est pas chrétienne (Iran, Israël…) et d’autres exerçant un contrôle étatique sur l’exercice religieux (Chine). Si le pape s’inscrit cette fois dans la tradition de Jean-Paul II, dans son action de paix, il se démarque en condamnant la « mondialisation de l’indifférence » ou l’inaction des Occidentaux face aux migrants, en favorisant le dialogue, comme entre les États-Unis et Cuba. 

Cartographie de Laura Margueritte

<strong>Géographie mondiale de l’Église catholique</strong>
<strong>2. Les jésuites dans le monde, en 2013</strong>
Article paru dans la revue Carto n°50, « Migrants en Europe : lieux de détention, surveillance, expulsions… », novembre-décembre 2018.

À propos de l'auteur

Guillaume Fourmont

Guillaume Fourmont est le rédacteur en chef des revues Carto et Moyen-Orient. Il a précédemment travaillé pour les quotidiens espagnols El País et Público. Diplômé de l’Institut français de géopolitique (université de Paris VIII Vincennes Saint-Denis), il est l’auteur de Géopolitique de l’Arabie saoudite : La guerre intérieure (Ellipses, 2005) et Madrid : Régénérations (Autrement, 2009). Il enseigne à l’Institut d’études politiques de Grenoble sur les monarchies du golfe Persique.

À propos de l'auteur

Laura Margueritte

Cartographe pour les magazines Carto et Moyen-Orient.

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