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Une nouvelle capitale pour l’Indonésie ?

Jakarta est une mégapole surpeuplée, polluée et exposée au risque de submersion avec la montée des eaux de la mer de Java. Face à ces contraintes, le président Joko Widodo (depuis 2014) a annoncé en août 2019 la construction d’un nouveau centre politique et administratif, qui devrait voir le jour sur l’île de Bornéo d’ici à 2030, à Palangkaraya.

Le projet était évoqué depuis plusieurs décennies. L’Indonésie devrait se doter d’ici à quelques années d’une nouvelle capitale. La destination choisie ? La partie orientale de la province de Kalimantan, sur l’île de Bornéo, située à environ 1 500 kilomètres de Jakarta, l’actuelle capitale. Plusieurs raisons expliquent cette décision. L’agglomération de Jakarta, qui englobe les villes voisines de Bogor, Depok, Tangerang et Bekasi, est saturée par la congestion de son trafic automobile. Avec ses quelque 30 millions d’habitants (2018), ce qui en fait la métropole la plus peuplée d’Asie du Sud-Est, elle est aussi l’une des villes les plus polluées dans le monde. Sans compter les importantes inégalités sociospatiales entre les immenses bidonvilles des périphéries et les quartiers aisés et d’affaires du centre. Elle est donc loin de constituer une vitrine brillante de l’Indonésie, pays émergent peuplé de 270 millions d’habitants en 2019 et 16e puissance économique mondiale (avec un PIB de 1 100 milliards de dollars en 2018).

Mais la ville et ses populations sont surtout de plus en plus exposées au risque de submersion. Au bord de la mer de Java, la mégapole est soumise à la montée des eaux à cause du changement climatique. Depuis plusieurs années, les autorités ont lancé de gigantesques projets de construction de digues afin de protéger les districts fréquemment inondés. En vain : des quartiers entiers ont désormais les pieds dans l’eau et Jakarta s’enfonce de plusieurs centimètres chaque année, phénomène qui s’aggrave en raison du pompage des eaux souterraines, nécessaire pour alimenter les habitants en eau potable.

D’autres raisons expliquent ce transfert. L’Indonésie est un pays fragmenté, composé de 17 000 îles et îlots. La future capitale sera ainsi en position plus « centrale » de l’archipel. L’objectif économique des autorités est de déconcentrer l’île de Java, où se trouve Jakarta, qui représente 58,5 % du PIB du pays en 2018, contre 8 % pour la province de Kalimantan, et de mieux équilibrer le territoire national. En optant pour une nouvelle capitale, les autorités s’affranchissent également de l’héritage colonial tout en opérant un choix moderne. Car Jakarta, autrefois appelée Batavia, fut fondée en 1619 comme capitale des Indes orientales néerlandaises.

Le projet du président Widodo est toutefois contesté. Certes, la nouvelle capitale sera à l’abri des aléas climatiques et sismiques, mais pas des incendies de forêt qui affectent chaque année l’île de Bornéo, où la déforestation est intensive. Le transfert n’est pas sans inquiéter les défenseurs de l’environnement, car il va nécessiter la construction de nombreuses infrastructures (aéroport, voies de chemin de fer, etc.) et l’installation de 1,5 million de fonctionnaires, au détriment d’une biodiversité fragile. Par ailleurs, le coût du projet est élevé, estimé à environ 33 milliards de dollars, et les travaux, qui devraient commencer en 2020, pourraient durer dix ans. 

Cartographie de Laura Margueritte

<strong>Les capitales en mouvement (2019)</strong>
Article paru dans la revue Carto n°56, « Plastique : L’autre « marée noire », novembre-décembre 2019.

À propos de l'auteur

Laura Margueritte

Cartographe pour les magazines Carto et Moyen-Orient.

À propos de l'auteur

Éric Janin

Agrégé de géographie, Éric Janin est professeur en classes préparatoires aux grandes écoles en Île-de-France.

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