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Transport maritime : la mondialisation sur les océans

Avec 90 % du commerce international acheminé, le transport maritime joue un rôle central dans le fonctionnement de la mondialisation. Le blocage du canal de Suez en mars 2021, après l’échouage du porte-conteneurs Ever Given, l’a rappelé avec force, tant les effets économiques sont importants. Mais de nouveaux problèmes se posent dans le contexte actuel, entre influence de la pandémie de Covid-19 et défis environnementaux.

La mondialisation passe par la mer, principal support des flux massifs et accélérés du commerce, qu’il s’agisse des matières premières entre les pays du Sud et ceux industrialisés, ou des produits manufacturés depuis les « pays-ateliers » vers les États consommateurs, le long de grandes routes dont le contrôle est stratégique. Ce sont 11,08 milliards de tonnes qui ont été transportées par voie maritime en 2019, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (­UNCTAD), contre environ 500 millions en 1950.

Les marchandises transitent par des interfaces portuaires géantes, dont les principaux nœuds sont asiatiques : Shanghai, premier port mondial (43 millions d’équivalents vingt pieds, ou EVP, en 2019) devance Singapour (36), Ningbo-Zhoushan (28), Shenzhen (27) et Guangzhou (24), signe du basculement du centre de gravité de l’économie mondiale au bénéfice de la Chine. Le premier port européen, Rotterdam (Pays-Bas), arrive en dixième position avec 15 millions d’EVP. Le secteur est dominé par quelques grands armateurs : le danois Maersk, le chinois COSCO, l’italo-suisse MSC, le français CMA CGM, l’allemand Hapag-Llyod.

Un secteur exposé aux crises

Le succès du transport maritime et l’essor rapide de la circulation reposent en premier lieu sur le faible coût, permis par la conteneurisation, la spécialisation et le gigantisme naval : les plus grands porte-conteneurs transportent environ 20 000 boîtes. La baisse des temps et des coûts de transport représente l’un des aspects majeurs et l’un des moteurs de la mondialisation, jouant un rôle déterminant dans la délocalisation de certaines productions vers des pays à faible coût de main-d’œuvre (textile, industrie manufacturière).

Ces flux dépendent également d’un petit nombre de sites stratégiques : le canal de Panama, le détroit de Malacca (par lequel transite la moitié du trafic mondial) ou celui d’Ormuz sont autant de passages obligés, engorgés, sur ces autoroutes de la mer. Le blocage temporaire du canal de Suez en mars 2021 a ainsi provoqué de gigantesques embouteillages en Méditerranée et en mer Rouge sur ce passage très emprunté (51,7 navires par jour en 2019 pour un total annuel de 1,2 milliard de tonnes de marchandises).

Ce trafic intense est exposé aux risques. La crise financière de 2007-2008 avait entraîné une contraction du commerce maritime avant une reprise rapide, témoignant aussi bien de la vulnérabilité que de la résilience du secteur. De même, la pandémie de Covid-19 se traduit par un recul des échanges maritimes. Affectés par la désorganisation des chaînes de production au gré des vagues épidémiques successives d’une part, et par la baisse de la demande d’autre part, ils accusent pour l’année 2020 une diminution de 4,1 %, selon l’UNCTAD, qui envisage toutefois une reprise de 4,8 % en 2021. De plus, la pandémie, en perturbant le jeu de l’offre et de la demande, fait fluctuer les taux de fret, c’est-à-dire le prix du transport. Resté en 2019 en dessous de la barre de 2 000 dollars, le coût d’acheminement d’un conteneur de 40 pieds dépasse les 5 000 dollars en janvier 2021.

Une croissance menacée, des enjeux environnementaux

Si elle est en réalité plus faible, car nombre de contrats ont été passés avant la pandémie et la flambée des prix, cette hausse fait craindre un ralentissement des échanges dans un contexte économique morose, ainsi qu’une augmentation des prix des marchandises importées, de l’ordre de 9 % selon le cabinet Oxford Economics, d’autant que le fret aérien a été lui aussi impacté par la crise sanitaire. Cette augmentation résulte aussi bien de la dépendance logistique à l’égard du transport maritime que de la dépendance productive et commerciale des États-Unis et de l’Europe à l’égard de l’Asie, particulièrement de la Chine, malgré un mouvement modeste de relocalisation de l’industrie dans les pays occidentaux. On le constate par exemple dans le contexte de la recherche accrue de souveraineté à l’heure de la crise sanitaire (production de masques et de vaccins).

Le transport maritime soulève enfin des enjeux environnementaux, cruciaux pour un secteur encore dépendant des énergies fossiles, notamment du fioul lourd, très polluant, et qui représente, d’après l’Organisation maritime internationale (OMI), 2,89 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2020. Alors que l’accord de Paris de 2015 ne couvre pas les transports maritime et aérien, l’OMI a défini en 2018 une stratégie de réduction du volume total des émissions d’au moins 50 % en 2050 par rapport à 2008 (environ 900 millions de tonnes). Des alternatives existent pour décarboner le secteur et réduire son impact climatique, comme l’utilisation de gaz dit léger ou la réhabilitation de la propulsion à voile.

<strong>Le transport de conteneurs</strong>
<strong>Transport maritime : la mondialisation sur les océans</strong>
<strong>L’Asie, acteur incontournable des mers</strong>
Article paru dans la revue Carto n°65, « Villes mondiales : penser les métropoles de demain  », Mai-Juin 2021.

À propos de l'auteur

Laura Margueritte

Cartographe pour les magazines Carto et Moyen-Orient.

À propos de l'auteur

Clara Loïzzo

Professeure de chaire supérieure au lycée Masséna de Nice et membre du jury de l’agrégation interne d’histoire-géographie.

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