Fin 2021, la Pologne affrontait une série de défis majeurs : une crise migratoire à sa frontière orientale sur pression de la Biélorussie, et des relations tendues avec l’Union européenne (UE) sur le droit et les valeurs européennes avec la mise en place de premières sanctions. Cette situation constitue-t-elle un risque de « Polexit » ?
Les 3 et 4 décembre 2021, s’est tenue, à Varsovie, une réunion rassemblant les 15 principaux mouvements d’extrême droite européens sous l’égide du parti Droit et justice (PiS) du président Andrzej Duda, au pouvoir depuis 2015 et réélu pour cinq ans en 2020. Cet événement d’ampleur inédite indique que le PiS s’est hissé à la tête de la contestation eurosceptique en prônant un nouvel ordre culturel et politique, aussi bien sur le plan des valeurs que sur celui de l’État de droit.
Bras de fer avec Bruxelles
L’entrée de la Pologne dans l’UE en mai 2004 avait été saluée comme le symbole d’un retour à l’Europe et d’une réunification, rappelant le rôle de ce pays dans l’histoire du continent et l’apport de ses intellectuels et artistes aux mouvements culturels depuis la Renaissance. L’année suivant cette adhésion, la victoire du PiS aux législatives a révélé une déception de la population et une défiance vis-à-vis de l’UE. Elle est un échec pour les formations pro-européennes et libérales polonaises, qui prendront leur revanche lors des élections législatives anticipées de 2007, avec la victoire de la Plate-forme civique de Donald Tusk (2007-2014).
La stratégie du PiS est de chercher à transformer l’UE de l’intérieur plutôt que de la quitter. En octobre 2016, Varsovie invite le Premier ministre hongrois, Viktor Orban (depuis 2010), pour préconiser conjointement une « contre-révolution culturelle en Europe », basée sur les valeurs traditionnelles que sont la famille, la nation et l’Église. L’exécutif s’attaque aux contre-pouvoirs institutionnels en imposant la nomination de juges proches du pouvoir à la Cour constitutionnelle, remettant en cause l’indépendance de la justice. Il instaure de facto un système autoritaire provoquant une crise avec les institutions européennes qui trouve son paroxysme dans la décision de la Cour constitutionnelle polonaise du 7 octobre 2021 de déclarer contraires à la Constitution certains articles du traité de l’UE, rejetant ainsi la primauté du droit européen sur le droit national. En réaction, le 18 octobre, la Commission européenne gèle le versement de la première tranche du plan de relance « NextGenerationEU », soit 5 milliards d’euros sur 36 milliards prévus pour la Pologne. Le 27 octobre, c’est la Cour de justice de l’UE qui impose à Varsovie la plus haute amende jamais infligée à un État membre : un million d’euros par jour pour refus de suspendre l’application de la loi dite « muselière » relative au régime disciplinaire des juges.
Du front antimigrant à la crise migratoire européenne
Avec la Roumanie, la Pologne est l’État de l’UE où la part des étrangers est la plus faible : 0,8 % en 2020, dix fois moins que la moyenne européenne. Avec un taux de natalité de 1,46 enfant par femme et une importante émigration des jeunes vers l’ouest du continent, le pays fait face à un vieillissement de sa population. Varsovie refuse pourtant, avec ses alliés du groupe de Visegrád (Hongrie, Slovaquie et République tchèque), lors de la crise migratoire de 2015, la politique de quota prévue par le « plan Juncker », mettant en échec le système de répartition obligatoire des demandeurs d’asile. La donne change à l’été 2021. En réponse aux sanctions occidentales contre la Biélorussie après la répression en 2020, le président Alexandre Loukachenko (depuis 1994) attire, avec des réseaux de passeurs, des réfugiés en provenance du Moyen-Orient pour les inciter à franchir la dyade polonaise. Face à cet afflux, la Pologne a déployé quelque 15 000 militaires à sa frontière, laissant des migrants piégés en Biélorussie dans une crise humanitaire accrue par l’hiver.
Un « Polexit » ne semble pourtant pas à l’ordre du jour. La majorité des Polonais (72 %) sont pour que l’UE n’accorde des fonds aux États membres qu’à condition que leur gouvernement respecte et mette en œuvre le principe de l’État de droit et les principes démocratiques, selon une enquête « Eurobaromètre » d’août 2021. Seuls 5 % d’entre eux souhaitent que la Pologne quitte l’UE.