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Azerbaïdjan : au pays des Aliyev

Turcophone, chiite et postsoviétique, l’Azerbaïdjan a été créé par des idéologues panturquistes en 1918, avant de devenir indépendant en 1991. Les relais d’influence du régime exploitent l’image rutilante de la capitale, Bakou, aux allures d’un « Dubaï de la Caspienne », pont entre Orient et Occident. Toutefois se dissimule la réalité d’un système autoritaire et dynastique tenu d’une main de fer par une famille, les Aliyev.

En 2003, le président ­Ilham Aliyev succède à son père Heydar (1923-2003), ancien haut dirigeant communiste de l’ère Léonid Brejnev (1964-1982). Heydar Aliyev joue un rôle prépondérant dans le développement économique du pays, notamment après 1993, quand il devient chef de l’État dans le contexte de la première guerre contre les indépendantistes arméniens du Haut-Karabagh (1988-1994). Reconduit en 1998, il engage l’Azerbaïdjan dans un effort de reconstruction. La production pétrolière connaît une croissance significative sous la domination de British Petroleum (BP), principale compagnie étrangère implantée sur place. Le champ gazier de Shah ­Deniz devient une manne qui contribue au rapprochement de l’Azerbaïdjan avec la Turquie et l’Europe. Les travaux sur l’oléoduc Bakou-­Tbilissi-Ceyhan (BTC) et sur le gazoduc Bakou-Tbilissi-­Erzurum (BTE) sont respectivement achevés en 2005 et 2006. Pour le régime, ces infrastructures permettent à la fois d’affirmer sa souveraineté face à la Russie et d’obtenir une revanche sur l’Arménie.

Autoritarisme familial

La corruption est endémique, et l’opposition muselée ; le Parti du nouvel Azerbaïdjan (PNA) règne en maître. Les pouvoirs judiciaire et législatif sont à la merci de l’exécutif, et les mouvements islamistes pourchassés. Le pays figure ainsi parmi les derniers dans les différents classements sur l’état de la démocratie et de la liberté de la presse dans le monde. Ilham Aliyev, régulièrement réélu sans limites de mandat, avait obtenu 86 % des suffrages aux élections d’avril 2018. Un an plus tôt, il avait nommé son épouse, Mehriban Aliyeva, « première vice-présidente », poste créé pour l’occasion, à la suite d’une réforme constitutionnelle.

Le gouvernement étouffe l’expression publique des minorités, ainsi que toute hostilité à la guerre contre les Arméniens. Parallèlement, il distille dans les médias et l’éducation un récit national azerbaïdjanais révisionniste. Outre les opposants aux Aliyev, les geôles de Bakou sont peuplées de prisonniers de guerre et politiques arméniens capturés en 2020 et en 2023, lors des dernières offensives contre le Haut-Karabagh.

L’irrédentisme panturquiste a montré ses limites lorsque Aboulfaz Eltchibeï (1938-2000), président de 1992 à 1993, a mené une politique alignée sur la Turquie et agité le spectre d’un séparatisme en Iran, dont le Nord abrite une population azérie (environ 15 millions de personnes) supérieure à celle de l’Azerbaïdjan. Ilham Aliyev, lui, poursuit la vision de son père en engageant une diplomatie basée sur le multi-alignement.

Une diplomatie à plusieurs visages

À la fois proche et indépendant de la Turquie, le président a su forger un partenariat stratégique avec Israël qui, en échange de l’achat de pétrole, lui exporte de l’armement et des drones de combat. Avec la Russie, les relations sont marquées par une interdépendance croissante dans le contexte du conflit ukrainien. Bakou sert de voie de contournement des sanctions en réexportant les hydrocarbures russes et profite de sa position de leader du mouvement des non-alignés à l’ONU. Les liens avec l’Iran sont complexes compte tenu de la question de la minorité azérie, de l’activisme des services de renseignement israéliens – qui ont fait de l’Azerbaïdjan une base arrière d’espionnage contre Téhéran – et du projet turco-azerbaïdjanais d’établir un corridor extraterritorial dans le sud de l’Arménie, coupant la République islamique de sa frontière stratégique avec son voisin arménien.

De nombreux rapports ont révélé que la famille Aliyev a profité de sa position pour amasser des fortunes. Ces ressources auraient été utilisées en partie pour influencer l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe afin de minimiser les critiques sur l’absence d’État de droit. En 2017, l’Azerbaïdjan s’est retiré de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), une plate-forme internationale qui promeut la bonne gouvernance dans les pays riches en ressources fossiles. En octobre 2021, les « Pandora Papers » ont révélé qu’un réseau de sociétés offshores liées aux Aliyev avait négocié pour environ 522 millions de dollars de biens immobiliers au Royaume-Uni depuis 2006. En décembre 2022, l’Azerbaïdjan a été nommé à la vice-présidence du Comité pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de l’UNESCO, tout en prenant le contrôle par la force, moins d’un an plus tard, du Haut-Karabagh. 

L’Azerbaïdjan, maillon fort du Caucase
Article paru dans la revue Carto n°81, « Crise alimentaire  », Janvier-Février 2024.
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