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Finlande : rester résilient, sans faire le jeu de Moscou

Votre président, Alexander Stubb, a déclaré que « l’ère de l’après-guerre froide » avait pris fin au moment où la Russie a attaqué l’Ukraine. Il a également déclaré : « dans les moments difficiles, je suis prêt à prendre des décisions difficiles pour assurer la sécurité de notre pays ». Comment l’invasion de l’Ukraine par la Russie a-t-elle modifié l’attitude de la Finlande à l’égard de Moscou ?

E. Valtonen : Conséquemment aux actions de la Russie, les relations bilatérales entre la Finlande et la Russie ont profondément changé. Pour la Finlande — et l’Union européenne (UE) —, les relations avec la Russie n’ont pas connu de situation normale depuis plus d’une décennie, c’est-à-dire depuis 2014 et l’annexion illégale de la Crimée. Néanmoins, avant février 2022, il y avait des secteurs où les pays de l’UE s’engageaient de manière sélective dans la coopération avec la Russie. Un travail important a été réalisé de part et d’autre de la frontière finno-russe, par exemple en matière de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique. Même s’il devenait de plus en plus évident que le pays se repliait sur lui-même, il était jugé important d’essayer d’engager la Russie dans la coopération internationale. Cette relation n’existe plus, en raison des actions de la Russie. Nous prenons très au sérieux le fait que la Russie ait envahi un pays voisin souverain. Depuis 2022, la coopération bilatérale a été largement gelée. Le commerce avec la Russie s’est également effondré et la plupart des entreprises finlandaises ont quitté le marché russe à la suite de l’invasion massive de l’Ukraine. Le sentiment de solidarité avec l’Ukraine a été très fort dans la société finlandaise depuis le tout début et le soutien aux sanctions contre la Russie et à l’aide à l’Ukraine est très élevé en Finlande.

Avec ses 1340 kilomètres, la frontière russo-finlandaise est l’une des plus longues de l’UE. Comment les autorités finlandaises gèrent-elles cette frontière dans le contexte de fortes tensions avec la Russie depuis 2022 ?

La Finlande a en effet une longue frontière orientale qui, depuis 1995, est également la frontière entre l’UE et la Russie et, depuis 2023, la frontière extérieure de l’OTAN. Avant la guerre et la pandémie en 2019, 9,5 millions de personnes franchissaient chaque année la frontière entre la Finlande et la Russie. Mais depuis 2022, suite au déclenchement de la guerre d’agression à grande échelle de la Russie, la Finlande a restreint les voyages à des fins touristiques en provenance de Russie. Depuis plus d’un an, nous nous trouvons dans une situation où la frontière est fermée. Depuis 2023, la Russie instrumentalise activement la migration, en utilisant les migrants de pays tiers comme un outil hybride, dans le but de semer la discorde en Finlande et en Europe. Les actions hybrides de la Russie sont la raison pour laquelle la frontière reste fermée pour le moment. Dans cette situation, il est également important que les autorités frontalières finlandaises et russes maintiennent des canaux de communication fonctionnels. La construction d’une barrière couvrant environ 200 kilomètres de la frontière est en cours et sera achevée l’année prochaine. Elle améliorera l’efficacité de notre surveillance frontalière.

Les autorités finlandaises ont lancé un site web de crise (1). La Finlande craint-elle une attaque russe sur son territoire ? Si oui, comment s’y prépare-t-elle ?

Le guide que vous mentionnez a été publié l’année dernière et est destiné à la préparation aux crises et aux incidents pour l’ensemble de la population finlandaise. Il rassemble les instructions de préparation en un seul endroit, en vue de différentes situations exceptionnelles. La Finlande a une longue tradition de préparation aux crises et aux différents incidents. Notre préparation est basée sur le concept de sécurité globale. Cela signifie que toutes les fonctions vitales de la société sont sauvegardées conjointement par les autorités, les entreprises, les organisations de la société civile et les citoyens. Le guide n’a pas été publié parce que nous sommes inquiets ou alarmés, mais parce que la Finlande veut rester résiliente. Il est logique de se préparer à l’avance à différents types de situations.

En ce qui concerne la menace que représente la Russie, les partenaires et les alliés s’accordent à dire qu’il s’agit d’une menace à long terme et multi-domaine pour la sécurité européenne. C’est très clair pour la Finlande. Comme l’indique le dernier rapport du gouvernement sur la politique étrangère et de sécurité finlandaise (2), la Finlande doit toujours et dans toutes les situations être prête à l’utilisation ou à la menace d’une force militaire contre la Finlande. Nous avons pu constater l’importance de la dissuasion, de la résilience, de la préparation opérationnelle rapide, d’une forte capacité de défense et d’une forte volonté de défendre son pays. La Finlande a la capacité de contrer la pression militaire et de répondre à des opérations offensives soutenues à grande échelle avec des capacités nationales et dans le cadre de l’OTAN. Notre géographie ne nous est pas inconnue.

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