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La prévention des traumatismes sonores, un enjeu opérationnel et financier

Parmi les troubles invisibles constatés dans les forces armées, les acouphènes sont un problème fréquent.
Parmi les troubles invisibles constatés dans les forces armées, les acouphènes sont un problème fréquent (DR)
Lorsque  l’on  évoque  les  traumatismes  invisibles,  le  plus  souvent,  on  songe  aux  traumatismes psychologiques issus du stress intense vécu en opération. Il s’agit d’un véritable problème. Les forces armées françaises ont pris en compte le sujet et ont lancé d’importantes initiatives en la matière. Il est une  autre  catégorie  de  traumatismes  invisibles,  moins  connue  du  public,  à  savoir  les  traumatismes sonores  provoqués  par  une  exposition  à  des  bruits  très  élevés,  essentiellement  les  tirs  d’armes. 

Ils peuvent occasionner et se traduire parfois par des acouphènes temporaires ou, plus problématique, permanents, voire, pour les cas les plus graves, la surdité par nature irréversible. Les acouphènes permanents sont ressentis comme un supplice par ceux qui en sont atteints, ayant un impact direct sur la vie quotidienne et l’entourage du blessé. La surdité engendre quant à elle l’impossibilité d’exercer le métier de militaire. 
 
Il ne s’agit pas d’un phénomène marginal. Selon le rapport d’information de l’Assemblée nationale n°2470 des députés Olivier Audibert-Troin et Emilienne Poumirol consacré à la prise en charge des blessés (2014), le nombre de cas de traumatismes sonores dans les forces armées serait de 1 100 par an. Une enquête réalisée dans un régiment d’artillerie a démontré que 44 % des militaires ayant répondu à un questionnaire ont déclaré avoir eu un trouble sonore aigu par bruit d’armes.
 
La majorité des causes de traumatismes sonores est provoquée par le tir de l’arme individuelle en dotation. Ils sont liés à des problèmes de bouchons de protection, souvent mal utilisés voire absents, lors de séances de tirs à l’entraînement ou bien en opération. On estime ainsi qu’en opération extérieure, jusqu’à la moitié des effectifs n’utilise pas de protection auditive (1). 
 
Les conséquences des traumatismes auditifs sont tant humaines qu’opérationnelles. Ils provoquent ainsi une inaptitude au combat immédiate ou reportée. Les traumatismes permanents par acouphènes entraînent insomnies, troubles de l’attention, états dépressifs, stress et fatigue. Ils peuvent aboutir à une hospitalisation, ainsi qu’au droit à des pensions d’invalidité. Ainsi, aux Etats-Unis, les acouphènes ont été classés pendant trois années consécutives comme premier handicap par le département des anciens combattants. Le Département de la Défense travaille d’ailleurs à une recommandation pour améliorer la protection auditive. Ce travail est justifié par le fait de l’augmentation de 1,1 milliard de dollars à 2,26 milliards de dollars le budget d’indemnisation des vétérans ayant des acouphènes après les campagnes d’Afghanistan et d’Irak.
 
En France, le ministère de la Défense a conscience du problème que les traumatismes sonores infligent. Il a notamment mis en place un groupe de travail dédié, qui rassemble entre autres la Direction Générale de l’Armement (DGA) et l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA). A l’heure où la sollicitation des forces armées reste très forte et donc l’exposition des soldats au bruit très élevée, le ministère de la Défense s’est largement emparé du sujet : derrière la protection du combattant, il y a une des clés de la disponibilité opérationnelle de ce dernier. 

Note 
(1) Etude de F. Casanova, N. Sarul et J. B. Nottet, « Prévention des traumatismes sonores aigus à l’unité », Médecines et armées, Vol. 39, n°1, février 2011. C’est à cette problématique importante en termes humains, financiers et opérationnels que sera consacrée la conférence-débat organisée le 4 juillet prochain par CEIS à la Société d’Encouragement à l’Industrie Nationale : « Protection et prévention, facteurs d’efficacité opérationnelle : le cas des traumatismes auditifs ». 
 

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