Fondée en 1949, la marine chinoise a compté dans les années 1980 plus d’une centaine de sous-marins. Contrairement à une idée reçue, la composante sous-marine a donc décliné numériquement au cours des trois dernières décennies, se stabilisant aujourd’hui autour de 70 unités, dont 5 SNLE et 7 ou 9 SNA, soit vingt fois moins de sous-marins nucléaires que la défunte Union soviétique en 1991 et respectivement cinq et trois fois moins que les flottes américaine et russe en 2018.
Première flotte sous-marine mondiale
Avec son énorme composante conventionnelle, la flotte sous-marine chinoise peut prétendre au premier rang mondial, juste devant la soixantaine d’unités de la flotte américaine, toutes nucléaires. Depuis la réforme militaire de 2016, trois des cinq nouveaux théâtres opérationnels épousent les divisions des trois flottes du Nord, de l’Est et du Sud. Le théâtre opérationnel du Nord aligne 1 SNLE, 3 SNA et 14 sous-marins diesels-électriques répartis sur trois bases :
• la « 1re base sous-marine » de Jianggezhuang-Qingdao-Shazikou/92330 (1 SNLE Type‑092/Xia 406, 3 SNA Type‑093G 403‑5) ;
• la 2e flottille de Qingdao/92196 (1 Type‑039/Song 320, 3 Type‑039G/Song 321‑3, 4 Type‑039G1/Song 315‑6, 327‑8) ;
• la 12e flottille de Lushun/92763 (3 ou 4 Type‑039B/Yuan, 3 à 5 Type‑035G/Ming et 1 Type‑032/Qing 201).
Le théâtre opérationnel de l’Est comprend 20 sous-marins diesels-électriques divisés entre deux bases :
• la 22e flottille de sous-marins de Daxiedao/unité 92858 (4 Type‑039/Song 314, 317, 324‑5, 4 Type‑039A/Yuan 330‑3, 4 Type‑039B/Yuan 334‑7) ;
• la 42e flottille de sous-marins de Xiangshan/unité 92815 (2 877EKM/Kilo 364‑365, 2 636/Kilo 366‑367 et 4 636M/Kilo 368‑371, livrés respectivement en 1994-1995, 1997-1998 et 2004‑2005).
Le théâtre opérationnel du Sud compte 4 SNLE, 4 SNA et 16 sous-marins diesels-électriques distribués entre trois bases :
• la « 2e base sous-marine » de Sanya-Longpo/unité 92730 (4 SNLE Type‑094/Jin 409‑12 ; 2 SNA Type‑093/Shang I 407‑8, 1 Type‑093A/Shang II 413, 1 Type‑093B/Shang III 414) ;
• la 32e flottille de Sanya-Yulin (4 636M/Kilo 372‑5 et 4 Type‑039G1/Song 313, 318, 326, 329) ;
• la 52e ou 72e flottille de Xiachuandao/unité 91024 (8 Type‑035G‑B/Ming, dont 035G : 305‑8 et 035B : 309‑12 transférés par la 32e flottille lorsque celle-ci a reçu ses Kilo) (1).
Construire un « bastion » stratégique en mer de Chine du Sud
En 1976, alors que la Chine conduit les essais du 091 Han (5 500 t en plongée), son premier SNA, et que son premier SNLE, le 092 Xia (8 000 t en plongée) n’est pas encore sur cale, la commission militaire centrale, l’organe directeur de l’Armée Populaire de Libération (APL) approuve l’étude d’un missile, le JL‑2 (8 000 km), et du SNLE 094 Jin, pour pouvoir frapper Moscou et le sol américain. Construit comme les Han à Huludao, le premier SNLE Xia rallie la flotte en 1983 et effectue un premier tir réussi du JL‑1 (1 700 km) en 1988, au moment où les études sur son successeur débutent. Versions allongées du Xia, quatre Jin (11 000 t en plongée) armés de 12 missiles JL‑2 sont lancés entre 2004 et 2011 à Huludao et admis au service entre 2007 et 2015. Le quatrième pourrait appartenir à une variante 094A avec un kiosque plus profilé pour réduire la résistance à l’avancement. Une cinquième et dernière unité serait en achèvement.
Parallèlement, une classe de SNA est développée pour escorter les Jin. Autorisés en 1994 et mis sur cale en 1999 au chantier Huludao, les deux 093/Shang déplacent environ 7 000 t en plongée pour une longueur de 110 m. Propulsés par un réacteur d’une puissance estimée à 150 MW, ils ressemblent à une version allongée des anciens SNA américains de classe Sturgeon, avec une coque recouverte de tuiles anéchoïques et une hélice à sept pales. Le premier 093 (407) aurait été lancé en 2002 et admis au service en décembre 2006, suivi par le 408 lancé en 2003 et admis en 2007. Les 093 sont armés de six tubes lance-torpilles de 533 et/ou 650 mm. Suivent les variantes 093A et 093G ou B. Les premiers 093A et 093B ou G sont lancés respectivement en décembre 2012 et en 2013 et admis au service en 2015 et en 2017. Les 093A diffèrent de leurs prédécesseurs par un surbau devant le kiosque. Les 093G ou B comportent une tranche supplémentaire contenant 12 silos pour des missiles antinavires supersoniques YJ‑18 (220 km) et/ou des missiles anti-terre CJ‑10 (2 000 km), ainsi qu’une antenne remorquée.
Alors que la première génération de sous-marins nucléaires, le SNLE Xia et les cinq SNA Han sont affectés à la « 1re base sous-marine » de Jianggezhuang, près de Qingdao, sur la mer de Chine orientale, les Jin et les Shang sont déployés dans la « 2e base sous-marine » de Sanya-Longpo, à Hainan, sur la mer de Chine méridionale, dont la construction a débuté en 2000 et qui devient la base principale de la force océanique stratégique chinoise. Elle s’étale sur 25 km2 avec quatre jetées pour les SNLE et les SNA et deux autres pour les grands bâtiments de surface. Elle est protégée par des batteries de missiles antiaériens (HQ‑9) et antinavires (YJ‑62 ou/et 81). L’imagerie révèle la présence presque permanente depuis 2008 de SNLE Jin et de SNA Shang, suggérant des déploiements en tandems. En 2018, on observe trois Jin et trois Shang, les États-Unis estimant que les quatre Jin et un quatrième Shang sont désormais basés à Longpo à quelques kilomètres de la base sous-marine plus ancienne de Sanya-Yulin qui abrite huit sous-marins Kilo et Song.
Plusieurs questions demeurent. Aucune grue n’est visible à l’extérieur de Sanya-Longpo. On peut donc supposer que les missiles sont chargés à l’intérieur des souterrains creusés dans la montagne, en assumant le risque d’une explosion dans un espace confiné. L’accès unique à flanc de montagne mesurerait 16 m. À terme, les cinq Jin (nombre total probable) et autant de SNA Shang devraient tous pouvoir être abrités dans la montagne ou dispersés loin de cette base qui deviendrait une cible majeure en cas de conflit (2). Outre les protections de la base déjà citées, l’île de Hainan est bien défendue par l’armée de l’air et par un environnement de guerre électronique. Installation essentielle pour la politique de Pékin, Sanya sert de base conventionnelle et stratégique pour soutenir les revendications de souveraineté de Pékin sur Taïwan et la mer de Chine du Sud et pour dissuader une intervention américaine (3). À terme, Pékin espère disposer d’un missile de 10 000 à 12 000 km de portée qui lui permettrait de frapper le sol américain sans sortir du « bastion » de la mer de Chine du Sud, consolidé par les polders créés dans l’archipel des Spratly en 2013. Les trois terrains d’aviation de Mischief, Fiery et Subi Reefs permettront de fortifier le « bastion » en déployant des avions anti-sous-marins ou des chasseurs pour intercepter les avions anti-sous-marins d’un adversaire.
La « 1re base sous-marine » de Jianggezhuang, près de Qingdao, semble jouer un rôle secondaire même si on y observe des Jin qui pourraient venir charger leurs missiles et être déployés vers les Kouriles. Le SNLE Xia n’aurait pas été vu à la mer depuis deux ans et son utilité opérationnelle paraît réduite en raison de la faible portée du JL‑1A (2 500 km) et de son peu de discrétion. Depuis les essais du premier SNA 091 en 1974, la classe Han a connu plusieurs modernisations. Trois des cinq unités demeurent en service. Elles ont reçu de nouveaux sonars, de nouvelles antennes de flanc, et des revêtements anéchoïques pour réduire leur niveau de bruit.
Des sous-marins conventionnels aux performances améliorées
Pendant longtemps, la flotte sous-marine chinoise a reposé sur les types Whiskey et Romeo soviétiques dont la Chine produit 84 unités. Ce dernier modèle inspire le Type‑035 Ming construit à 23 exemplaires entre 1974 et 2004 ; 13 ou 15 demeurent en service et deux ont été transférés au Bangladesh. Les Types‑039 et 039A/B qui leur succèdent conservent la double coque caractéristique des constructions soviétiques. Le Type‑039 conçu à la fin des années 1980 et admis en service entre 1999 et 2006 est pourtant partiellement inspiré par l’Agosta français, que les ingénieurs chinois ont pu examiner au Pakistan. Il possède un moteur diesel-électrique du fabricant allemand MTU et des hélices à sept pales. Ces hélices ont probablement été livrées par la Russie avant que la Chine n’acquière les machines-outils pour les produire localement à Shenyang (Shenyang Machine Tool Plant) (4). Le Type-039
Song emporte 18 torpilles ou 36 mines. L’armement principal est constitué par la torpille antinavire Yu‑4, version chinoise de la SAET‑50 russe, incorporant un mode de guidage acoustique actif (5). Les Song peuvent aussi tirer le missile à changement de milieu YJ‑82 (34 km sans booster) et, à terme, seront dotés du YJ‑18 qui porte sept fois plus loin. Avec 13 unités, le type Song est certainement un modèle éprouvé et satisfaisant, analogue à des sous-marins conventionnels occidentaux des années 1990.
Le Type‑039A/B (3 600 t en plongée), entré en service en 2006 et toujours en production, semble avoir été conçu en tirant les leçons de l’étude des premiers Kilo livrés à la Chine. Sa double coque présente certaines similitudes avec celle des Kilo. Le 039A/B est armé de six tubes lance-torpilles de 533 mm. Il peut emporter des torpilles antinavires Yu‑6, entrées en service en 2005 et analogues aux premières versions de la Mk48 américaine, et lancer les missiles YJ‑82 qui devraient être remplacés par l’YJ‑18 qui portera six fois plus loin. À la différence du Kilo, le 039A/B est doté d’une propulsion anaérobie (procédé Stirling) développée par l’institut no 711 de la China Shipbuilding Industry Corporation et probablement inspirée ou copiée sur la technologie Stirling développée par le suédois Kockums et vendue à la marine japonaise. Deux variantes ont été identifiées : le 039A/AG (4 unités : 330‑3) et le 039B (12 unités : 334‑41). La version AG est dotée d’un kiosque profilé, la version B d’une antenne de flanc sous la flottaison, et la version B modifiée d’un kiosque avec un surbau sur l’avant. La classe pourrait comprendre un total de 20 unités. En juillet 2015 le Pakistan et la Thaïlande signent chacun un contrat pour huit et une unités, le chantier de Karachi devant produire les quatre dernières du contrat pakistanais.
Opérer au-delà des chaînes d’îles
Exprimée en 1985 par le général-amiral Liu Huaqing, alors commandant en chef de la marine, la stratégie maritime officieuse appelle à franchir la première puis la seconde chaîne d’îles pour empêcher un agresseur de projeter ses forces contre le littoral chinois. Enjeu politique fondamental, l’indépendance de Taïwan demeure au cœur du jeu sino-américain, Pékin ne transigeant pas sur l’inévitable réunification des deux rives et Washington garantissant tacitement la liberté de facto de l’archipel tant que Taipei ne se hasarde pas à déclarer une indépendance de jure. Tout pourrait changer si la montée en puissance de l’armée chinoise, et en particulier de ses capacités de déni d’accès, rendait Taïwan indéfendable en deçà du seuil nucléaire. En conséquence, la Chine doit à la fois déployer ses forces stratégiques et ses forces conventionnelles au-delà de la première chaîne d’îles pour, d’une part, crédibiliser la capacité de ses SNLE à frapper le sol des États-Unis et, d’autre part, entraîner sa flotte, et en particulier ses sous-marins, à intercepter les groupes aéronavals américains.
La mission stratégique
Version navale du missile sol-sol DF‑31, le JL‑2 porterait à 7 400-8 000 km et serait doté de trois ou quatre têtes de 90 kt chacune. Des tirs réussis auraient été effectués en 2005, 2008, 2011 et 2012 depuis le sous-marin d’essais 031/Golf 200 et en 2012, 2013 et 2015 depuis le premier Jin 409. En l’état, le missile JL‑2 pourrait frapper des cibles en Alaska et à Hawaii depuis le sud du Japon, des cibles dans la moitié des États américains depuis l’ouest d’Hawaii et des cibles dans tous les États depuis l’est d’Hawaii. Les SNLE Jin doivent donc franchir la première chaîne d’îles et ses barrières d’hydrophones américains et japonais pour espérer pouvoir frapper le sol des États-Unis. La presse américaine rapporte une première patrouille en décembre 2015, mais on constate sur l’imagerie spatiale que les Jin et les Shang quittent la base depuis 2009. En décembre 2016, un Jin effectue une sortie en compagnie du porte-avions Liaoning, qui pourrait suggérer un accompagnement au-delà de la première chaîne d’îles (Japon, Taïwan, Philippines) destiné à aider le SNLE bruyant à franchir les barrières acoustiques américaines avant de se diluer dans le vaste Pacifique. À terme, la portée du missile successeur du JL‑2 devrait permettre de tirer contre le sol des États-Unis depuis le bastion des eaux protégées de la mer de Chine du Sud sans avoir à risquer de se faire détecter en franchissant la première chaîne d’îles. Cet objectif peut expliquer l’importance que la Chine donne aujourd’hui à la défense de ses revendications en mer de Chine méridionale. La construction de trois pistes d’aviation sur les polders de Subi, Midshief et Fiery Reefs renforcent le bastion où la force océanique stratégique chinoise pourra cantonner ses SNLE quand la portée de ses missiles le permettra. Certaines sources chinoises affirment qu’à l’instar du DF‑31 et de ses versions modifiées DF‑31A et DF‑31AG, portant à 11 200 km et 14 000 km, le JL‑2 aurait des versions correspondantes. Un document chinois évoque un JL‑2B d’une portée de 12 000 km avec trois têtes de 40-60 kt chacune (6). Cette information n’est pas confirmée par le rapport annuel du Département de la Défense américain.
L’interception des adversaires à longue distance
Le sous-marin nucléaire d’attaque est la plate-forme optimale pour opérer à grande distance. Avec bientôt dix SNA, la Chine possède vingt fois moins d’unités que la marine soviétique en 1991, un chiffre qui relativise les possibilités actuelles de Pékin pour mener des opérations offensives à très longue distance. Armés de la torpille Yu‑6 copiée sur une version antérieure de la Mk48 américaine, les SNA constituent à terme pour le commandement chinois l’arme de choix pour contrer une force aéronavale américaine qui viendrait au secours de l’île de Taïwan et les SNA qui la précéderaient. Les premiers déploiements avérés en océan Indien après 2013 illustrent une plus grande fiabilité des SNA chinois et signalent une volonté d’opérer le long de la principale route maritime. Parallèlement, les grands sous-marins conventionnels classe 039/Song et surtout classe 039A/B/Yuan, avec une propulsion anaérobie, succèdent aux Ming et au Romeo pour opérer au-delà des chaînes d’îles dans le Pacifique occidental et dans l’océan Indien. Comme le montre Christopher Carlson, le type Yuan est en fait un sous-marin de haute mer conçu pour répondre aux besoins de la défense active, et non une unité limitée aux eaux côtières de Taïwan. Ses antennes de flanc passives à basse fréquence peuvent détecter à longue distance et dans des eaux profondes des unités de surface bruyantes. Le Yuan est donc prévu pour opérer à l’est de Taïwan, au-delà de la première chaîne d’îles, voire dans l’océan Indien. Ses missiles antinavires sont en trop petit nombre pour pouvoir envisager une attaque réussie contre une cible précieuse et bien défendue, mais sa torpille Yu‑6 constitue un sérieux problème pour n’importe quel adversaire (7).
Depuis 1994, lorsqu’un SNA Han s’est approché du porte-avions américain Kitty Hawk, les sous-marins chinois sont de plus en plus actifs sur et au-delà de la première chaîne d’îles (8). En novembre 2004, c’est aussi un Han (405) qui est repéré près des îles Sakishima. En 2006, un Song fait surface à proximité du Kitty Hawk (9). En septembre 2008 et en septembre 2009, un sous-marin « non identifié » est détecté près de l’île de Shikoku. En avril 2010, deux sous-marins passent au sud-ouest d’Okinawa. En janvier 2018, un SNA Shang II armé de missiles de croisière fait surface près des îles disputées des Senkaku/Diaoyu (10). Depuis 2013, la Chine déploie également des sous-marins dans l’océan Indien pour des périodes de trois mois, leur présence étant officiellement liée aux opérations anti-piraterie lancées en 2008. Deux sous-marins se succèdent chaque année, alternativement un SNA et un sous-marin conventionnel, via les détroits de Malacca ou de la Sonde. De décembre 2013 à février 2014, un SNA Shang effectue la première sortie. Il est suivi par un sous-marin conventionnel Song de septembre à novembre 2014, reçu à Colombo, au Sri Lanka, suivi en 2015 par un SNA Han (11). En mai 2016, un Han et un Song font escale à Karachi, au Pakistan. Le 26 mai et le 11 juillet 2017, un Yuan relâche à Karachi après que le Sri Lanka a refusé sa visite (12). La mission anti-piraterie paraît manifestement un prétexte pour acquérir un savoir-faire lié à des opérations à longue distance à proximité de l’Inde qui développe des SNLE dont les futurs missiles K‑4 cibleront le territoire chinois.
En 2008, le Pentagone déclare que la Chine déploie un nouveau système de surveillance de l’océan comprenant un réseau radar côtier et un réseau sonar sous-marin, analogue au SOSUS américain. Interrogé, un responsable américain note que la combinaison d’un réseau radar et d’un réseau sonar fournirait à l’armée chinoise « une couverture aérienne et maritime constante du Pacifique occidental, pour pouvoir suivre à son tour en temps réel, les mouvements navals des États-Unis (13) ». En 2016, l’Académie chinoise des sciences rapporte avoir installé des senseurs hydroacoustiques dans les deux fosses des Mariannes et de Yap, respectivement à 300 et 500 km de la base américaine de Guam qui abrite neuf sous-marins. Ces hydrophones d’une portée de 1 000 km ont officiellement vocation à détecter les secousses sismiques, mais ils peuvent aussi distinguer les signatures basses fréquences des sous-marins – détectables à longue distance – et capter leurs communications. En juin 2017, la chaîne de télévision CCTV révèle que la Chine développe un système de surveillance sous-marine dans les mers de Chine de l’Est et du Sud, qui devrait être opérationnel en 2022.
Implications des futurs programmes
Révélant un pays de plus en plus confiant, les médias chinois discutent ouvertement les caractéristiques des futurs sous-marins. Dans une interview à la chaîne de télévision CCTV le 30 mai 2017, le contre-amiral et académicien des sciences Ma Weiming, 57 ans, père de la catapulte électromagnétique chinoise, est filmé à côté d’un panneau indiquant, « sous-marin sans ligne d’arbre ». Le commentaire suggère que la Chine met au point un mode de propulsion tout électrique avec pompe-hélice pour la prochaine génération de ses sous-marins nucléaires. Autre indication, un exposé effectué par le contre-amiral Zhao Dengping, ancien responsable du matériel pour la marine, posté par des internautes chinois en 2017 et qui montre le programme d’un petit réacteur nucléaire auxiliaire employé comme système anaérobie à bord des sous-marins conventionnels (14).
L’existence d’un projet de sous-marin nucléaire d’attaque lance-missiles de croisière (SSGN) désigné Projet 095 est confirmée par le bureau du renseignement naval américain en 2009 et par l’agence Xinhua qui publie en juin 2016 des caractéristiques : 7 000 t en surface, 7 900 t en plongée, 115 m de long, 12 m de large, 11 m de tirant d’eau, 250 m d’immersion, 500 m d’immersion maximale, coque unique à l’américaine, vitesse maximale de 32 nœuds, 80 jours de vivres, équipage de 130 personnes, bruit rayonné réduit et revêtement optimisé pour échapper aux sonars actifs des forces adverses et des torpilles. Citant des sources américaines, les médias chinois reprennent en 2010 l’information selon laquelle la Chine développe un nouveau SNLE qui emporterait jusqu’à 24 missiles à l’instar des Ohio américains, desquels une maquette paraît inspirée (15). Le missile correspondra au JL‑3 dont les essais pourraient bientôt débuter à bord du sous-marin expérimental Qing dont le kiosque vient d’être modifié avec un tube. La construction d’un nouveau site de production au chantier de Huludao (Bohai Shipbuilding Heavy Industrial Corporation) paraît destinée à ces deux programmes de SNA et SNLE. La taille du nouveau hall devrait permettre la production de quatre sous-marins sur des cales parallèles.
Conclusions
À l’horizon 2030, la flotte chinoise pourrait être constituée d’une dizaine de SNLE 094 et 096, d’une vingtaine de SNA 093 et 095, d’une vingtaine de sous-marins AIP avec un réacteur auxiliaire nucléaire (SSN) et d’une trentaine de Kilo et 039A/B/Yuan. Cette force renouvelée pourrait changer la donne dans la zone indopacifique. D’une part, la force stratégique chinoise pourrait lancer un plus grand nombre de têtes depuis son bastion de la mer de Chine du Sud. D’autre part, les SNA et SSN pourront agir en profondeur au-delà des deux premières chaînes d’îles contre des groupes aéronavals américains et en océan Indien pour surveiller les SNLE que New Delhi mettra en service dans la prochaine décennie. Enfin, on ne peut pas exclure que la Chine déploie des missiles balistiques antinavires depuis ses sous-marins, au risque de franchir la ligne entre le tactique et le stratégique, comme c’est déjà le cas pour la composante balistique terrestre de sa force de missiles (16).
Notes
(1) http://www.china-defense.com/smf/index.php?board=18.0.
(2) Max Moulin, « Aperçu sur la dissuasion chinoise : un modèle de résilience », Revue Défense Nationale, no 806, janvier 2018, p. 85-92.
(4) Analogues aux hélices russes réalisées avec les machines-outils vendues illégalement par Toshiba à l’URSS avec les programmes permettant de dupliquer les hélices des Los Angeles américains de l’époque.
(5) La Yu-4B entre en production en 1987.
(6) http://www.china-defense.com/smf/index.php?topic=3544.20.
(10) https://www.japantimes.co.jp/news/2018/01/15/national/mystery-vessel-lurking-near-senkakus-last-week-chinese-nuclear-attack-sub-japans-defense-chief-says/#.WqeFUOjOXtQ.
(13) https://www.washingtontimes.com/news/2016/aug/30/chinas-underwater-great-wall/ ; http://www.washingtontimes.com/apps/pbcs.dll/article?AID=/20080509/NATION04/52232777&template=.
(15) http://mil.huanqiu.com/Observation/2010-12/1337327.html.
Legende de la photo ci-dessus : Chargement de torpille sur un SNA de Type-093B. Une nouvelle classe devrait lui succéder. (© Coll. A. Sheldon-Duplaix)