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Red Team : la science-fiction pour anticiper les menaces du futur

La France veut faire appel à des auteurs de science-fiction pour se préparer aux menaces futures. Cette nouvelle cellule aura pour première mission de proposer des scénarios « de rupture » afin d’anticiper les nouvelles technologies, leurs applications dans le domaine de la défense et les nouvelles menaces auxquelles la France pourrait être confrontée.

Formée de quatre ou cinq membres, cette équipe, baptisée Red Team, sera constituée par l’Agence de l’innovation de défense et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS).

Selon les termes du ministère des Armées, « l’objectif est d’orienter les efforts d’innovation en imaginant et en réfléchissant à des solutions permettant de se doter de capacités disruptives ou de s’en prémunir ». Ces auteurs de science-fiction, prospectivistes et futurologues devront ainsi permettre à l’armée d’anticiper les futures menaces.

L’idée vient du directeur de l’Agence de l’innovation de défense, Emmanuel Chiva (voir DefTech no 04). La création de la Red Team a été annoncée dans le Document d’orientation de l’innovation de défense 2019 (« Imaginer au-delà »), document fondateur dans l’innovation de défense et actualisé chaque année.

L’enjeu de la Red Team est de « transformer la difficulté en opportunité en faisant sauter les barrières mentales » pour élaborer des hypothèses stratégiques, trouver et adapter de nouvelles technologies plus rapidement qu’avec des canaux d’acquisition traditionnels, dont les processus peuvent prendre des années.

Comme pour l’Agence de l’innovation de défense, l’idée n’est pas d’innover pour innover, mais bien d’imaginer des technologies de rupture en fonction des problèmes que les armées seront amenées à rencontrer sur le champ de bataille, pour anticiper les nouvelles technologies qu’utiliseront les éléments étatiques ou non étatiques ennemis, dont les groupes terroristes, contre la France, dans des usages asymétriques.

Les travaux de l’équipe pourront prendre la forme de notes de synthèse destinées aux différentes branches de l’armée, services ou directions. Ces notes seront autant de scénarios représentant les dangers et menaces futurs, mais aussi des avis pour aider dans le processus décisionnel.
La création d’une telle « unité » peut paraître surprenante. Et pourtant, la France ne fait que rejoindre un « club » de pays qui ont déjà mis sur pied des équipes d’auteurs de science-fiction. L’armée canadienne, par exemple, a recruté l’auteur Karl Schroeder qui a écrit Crisis in Zefra en 2005. Dans cette courte nouvelle, Schroeder élabore un scénario dans lequel, dans un avenir proche, la force de maintien de la paix canadienne fait face à un conflit de type urbain où sont engagés des drones, où sont utilisés des téléphones portables très performants et un vaste réseau internet.

Les États-Unis ont également fait appel à des auteurs de science-fiction. Durant l’ère Reagan, Larry Niven et Jerry Pournelle ont mis sur pied l’Advisory Council on National Space Policy, tandis que le Pentagone recrutait, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, des écrivains et des réalisateurs dont la mission était d’imaginer les menaces futures susceptibles de frapper les États-Unis. Plus récemment, August Cole et Peter W. Singer ont publié Ghost Fleet : A Novel of the Next World War, un ouvrage dans lequel ils imaginent ce que pourrait être une troisième guerre mondiale entre la Chine, la Russie et les États-Unis.

Article paru dans la revue DefTech n°05, « Technologies & guerres du futur », septembre-octobre 2019.

À propos de l'auteur

Boris Laurent

Manager Défense & Sécurité chez Sopra Steria Next, historien spécialiste en relations internationales et en histoire militaire et officier de réserve au sein de la Marine nationale

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