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Paraguay : au défi de la méditerranéité

Le plus évident est le développement de ses capacités énergétiques hydrauliques, qui en ont fait l’un des plus grands exportateurs du monde. Avec les grands barrages d’Itaipu, et de Yacyreta, construits à cheval sur les frontières du Brésil et de l’Argentine, le Paraguay est devenu un producteur majeur d’électricité. Ne consommant que 5 % de l’électricité générée par ces installations, il exporte le reste.

Les capacités agricoles du pays en ont fait historiquement le premier producteur mondial d’herbe maté, infusion consommée et importée massivement par ses voisins. Au fil des ans, le Paraguay est aussi devenu un producteur et exportateur majeur de soja. L’élevage a connu un grand essor. Les viandes paraguayennes, bovines et porcines, sont vendues aux pays du Golfe, à la Russie et en Asie. Le Paraguay produit et exporte également du sucre, et du blé.

Si le secteur industriel est peu présent, le Paraguay a en revanche développé toutes sortes de services, financiers comme de transports fluviaux. Il détient par exemple la troisième flotte fluviale du monde, propriété du groupe LPG (ou Grupo Lineas Panchita).

Entre isolement et satellisation

Dépendant des autres pays pour commercer, sous la pression de ses puissants voisins, le Paraguay a, dès son indépendance, en 1811, été contraint de défendre une souveraineté menacée alternativement ou conjointement par l’Argentine, la Bolivie, le Brésil et même l’Uruguay, ce qui explique sans doute le caractère belliciste des pères de l’indépendance. Reflet de cette réalité, deux des plus grands conflits du sous-continent latino-américain, nous l’avons vu, ont eu pour théâtre le Paraguay. Aujourd’hui encore, le grignotage de terres par des exploitants frontaliers brésiliens est à l’origine de conflits localisés, mais parfois violents.

La fin de la guerre froide, marquée en Amérique du Sud par celle des dictatures militaires, a changé la donne. La confiance a pris le pas sur les relations de force. Le Paraguay a pu renégocier les contrats de vente de son électricité avec le Brésil en 2008, puis avec l’Argentine. La paix a été officiellement signée en 2009 avec la Bolivie, mettant ainsi un terme à la guerre du Chaco terminée pourtant depuis 1935.

Évolution structurellement plus importante, le Paraguay a intégré le Mercosur/Mercosul, le Marché commun du Sud visant à ouvrir les frontières et faciliter les échanges entre Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay. Le traité a été signé à Assomption, le 26 mars 1991. Si l’association ultérieure de la Bolivie n’a pas posé de problème, permettant au contraire de lancer des projets routiers unissant les deux pays, celle du Vénézuéla a été à l’origine de tensions nombreuses entre Assomption et Caracas, mais aussi entre Assomption et ses voisins immédiats, partisans d’une coopération forte entre pays sud-américains nationalistes et progressistes. Depuis 2015, Argentine et Brésil ayant changé de gouvernement et d’orientation idéologique, le Vénézuéla a été suspendu du Mercosur, en août 2017, et exclu de participation au VIIIe sommet des Amériques qui s’est tenu à Lima les 13 et 14 avril 2018, à la satisfaction des autorités paraguayennes. Ces dernières ont saisi cette occasion pour suspendre par ailleurs en 2018 leur participation à l’UNASUR, Union des Nations d’Amérique du Sud, créée par le Brésil de Lula et le Vénézuéla d’Hugo Chavez. Signe supplémentaire de ces choix, le Paraguay privilégie la perpétuation de relations diplomatiques avec la Chine-Taipei, et cultive ses relations de coopération, y compris dans le domaine militaire, avec les États-Unis. Le Paraguay est, avec le Guatémala, l’un des rares pays du monde ayant déplacé, comme l’ont fait les États-Unis, leur ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.

Le 14 août 1956, la Compagnie théâtrale de l’Athénée paraguayen présentait une œuvre originale, la première zarzuela paraguayenne (opérette). Intitulée La tejedora de Nanduti (11), elle se faisait l’avocat aimable d’une utopie jamais réalisée, celle des amours d’un métis hispanisé de la ville avec une brodeuse de la campagne de langue et de culture guaranies. L’opérette, toujours d’actualité, est sans doute la version la plus sympathique des défis affrontés depuis son émergence historique, par un pays et un peuple en partie doubles.

Notes

(1) Sa superficie est d’environ 400 000 km2.

(2) Film du Britannique Roland Joffé, palme d’or au festival de Cannes.

(3) Guerre de la Triple Alliance (Argentine-Brésil-Uruguay).

(4) Le chiffre exact du désastre démographique est encore aujourd’hui objet de recherches. Voir Barbara Ganson de Rivas, Las consecuencias demograficas y sociales de la Guerra de la Triple Alianza, Asuncion, Litocolor, 1985.

(5) Source : El Banco Mundial en Paraguay.

(6) Selon l’article 140 de la Constitution de 1992.

(7) Le ministère paraguayen de l’Éducation a interdit en décembre 2017 « la diffusion et l’utilisation de tout matériel faisant référence à la théorie et à l’idéologie du genre ».

(8) La troisième étant la guerre du Pacifique qui a opposé le Chili à la Bolivie et au Pérou de 1879 à 1884.

(9) Bataille de Cerro Cora, le 1er mars 1870.

(10) https://​www​.cath​.ch/​n​e​w​s​f​/​p​a​r​a​g​u​a​y​-​u​n​e​-​g​u​e​r​i​l​l​a​-​f​a​n​t​o​m​e​-​c​o​n​t​r​i​b​u​e​-​a​-​d​e​t​r​u​i​r​e​-​l​a​-​p​a​y​s​a​n​n​e​r​i​e​-​f​a​m​i​l​i​a​le/

(11) Livret de Manuel Frutos Pane, musique de Juan Carlos Moreno Gonzalez.

Légende de la photo en première page : Centrale hydroélectrique d’Itaipú (14 000 MW) située à la frontière entre le Brésil et le Paraguay et co-exploitée par les deux pays. S’il n’est plus le plus grand barrage au monde, supplanté par celui des Trois-Gorges en Chine, il reste le plus productif. Le Paraguay, qui dispose également des centrales de Yacyreta et d’Acaray, est ainsi l’un des rares pays au monde à 100 % hydroélectrique et il peut revendre la majeure partie de l’électricité qu’il produit, en particulier au Brésil et à l’Argentine. C’est l’une de ses sources importantes de revenus, après l’agriculture. (© Shutterstock/M. Gomeniuk)

Article paru dans la revue Diplomatie n°93, « Guerres de religion : mythe ou réalité ? », juillet-août 2018.
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