En août 2020, la Maison Blanche a donné son feu vert à l’exploitation pétrolière dans des territoires protégés en Alaska. Ces étendues sauvages immenses, convoitées mais fragiles, sont depuis des décennies au cœur d’une controverse opposant le lobby pétrolier soutenu par Donald Trump, les populations locales, les gouvernements fédéral et fédéré, et les associations de protection de l’environnement.
Après un vote du Congrès ouvrant la voie à la vente de concessions d’exploration en 2017 et une étude d’impact environnemental favorable en septembre 2019, Washington a autorisé les forages pétroliers au cœur de l’Arctic National Wildlife Refuge (ANWR). Plus vaste aire protégée aux États-Unis avec 77 000 kilomètres carrés, ce parc situé le long de la frontière canadienne se distingue par sa richesse environnementale, abritant notamment des caribous, des loups, des ours polaires, sur des terres où l’être humain n’est pas.
L’Alaska est aussi une région convoitée pour ses ressources naturelles. Les années 1970 ont vu la mise en exploitation des gisements pétroliers offshore de Prudhoe Bay et l’aménagement de l’oléoduc « Trans-Alaska », qui permet le transport des hydrocarbures jusqu’au port de Valdez, soit plus de 1 200 kilomètres. De nombreux acteurs sont favorables à l’exploitation du brut : l’État d’Alaska en tire l’essentiel de ses ressources et fournit aux États-Unis 20 % de sa production annuelle. Les autochtones inupiats en profitent aussi : avec les royalties versées par les compagnies et les emplois directs ou indirects, le pétrole est une source importante de revenus qui a contribué à l’amélioration des conditions de vie de ce peuple inuit. Les ressources situées dans l’ANWR, estimées à 10 milliards de barils, et l’appui de Donald Trump au secteur pétrolier ont fait sauter le « verrou » protecteur qui préservait depuis 1980 le parc, en dépit des tentatives précédentes de l’ouvrir à la prospection.
Les milieux arctiques et subarctiques de l’Alaska sont pourtant fragiles et peu résilients, comme le rappellent les vestiges de la marée noire déclenchée en mars 1989 par l’échouage du supertanker Exxon Valdez dans la baie du Prince William, dégradant 2 000 kilomètres de côtes. Si le texte adopté en août 2020 n’est qu’une étude préliminaire à l’exploitation et s’il limite spatialement les activités de prospection, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer des dommages environnementaux potentiellement irréversibles. Le Canada, dont plusieurs zones protégées jouxtent l’ANWR, a renouvelé son opposition. Les Gwich’ins, un autre peuple inuit, sont pour leur part hostiles à un projet qui menace leur mode de subsistance et leur culture, liés notamment à la présence des caribous sur leur territoire. Associés aux nations sœurs du Canada et à une dizaine d’ONG, ils ont engagé une bataille judiciaire pour faire annuler la décision gouvernementale au motif que le département de l’Intérieur ne respecte pas son obligation de « protection des terres, de l’eau et des peuples ».
L’ANWR ne devrait ainsi pas voir, à court terme, de ruée spectaculaire. Les grandes compagnies pétrolières restent dans l’expectative de la prochaine administration ; d’autant plus que la chute des cours du brut n’encourage pas les investissements massifs et que la pression sociale a déjà conduit plusieurs entreprises, comme BP, Shell ou Wells Fargo, à renoncer à des projets dans la région.