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Entretien avec Anne Hidalgo, candidate à l’élection présidentielle

L’actuelle Loi de programmation militaire (LPM) court jusqu’en 2025. L’accroissement budgétaire qu’elle implique doit-il être maintenu ? Au-delà, faut-il poursuivre l’augmentation budgétaire et jusqu’à quel niveau ? Si oui, pourquoi et comment la financer ?

Le budget de la défense est un moyen, qui répond à une fin : assurer la sécurité des Français et de leurs intérêts vitaux, tout en participant à la paix dans le monde.

Les moyens doivent être adaptés aux enjeux géopolitiques et répondre aux nouveaux défis technologiques, dans un environnement géostratégique qui a profondément changé depuis la rédaction de la LPM, adoptée en 2018. Les chefs d’état-­major de nos trois armées l’ont d’ailleurs régulièrement souligné au cours des derniers mois. La question est moins de fixer le niveau d’effort que d’orienter des dépenses afin qu’elles soient les plus optimales possibles. Pour ce faire, une revue stratégique s’impose, pour prendre en compte à la fois les propositions de la Boussole stratégique européenne, les menaces engendrées par les technologies disruptives et les changements géopolitiques récents. Elle sera le fruit de l’engagement de tous les acteurs du monde de la défense, mais également du Parlement qui sera associé aux travaux d’analyses et de réflexion.

Dans ce contexte, je maintiendrai la trajectoire budgétaire de la LPM actuelle, qui n’a pas bénéficié de la mise à jour nécessaire prévue en 2021 par la clause de revoyure et nécessite néanmoins d’être révisée avant 2025, sur la base de cette revue stratégique. Les investissements porteront prioritairement sur le renforcement capacitaire de nos services et de nos armées afin qu’ils puissent intervenir seuls ou en coalition.

Par ailleurs, j’adhère pleinement à la vision stratégique présentée par le CEMA. Il nous faut effectivement « gagner la guerre avant la guerre », tout en nous préparant à un potentiel conflit de haute intensité ; les menaces pourront se produire simultanément dans des milieux (terre, air, mer, exoatmosphérique, cybernétique, réseaux…) et dans des champs (spectre électromagnétique, informationnel…) très différents. En ce sens, la LPM 2026-2032 sera à la hauteur de ces défis, en continuant de renforcer nos services de renseignements, notre lutte contre les attaques cyber (entre autres, identification de l’attaquant) mettant en cause nos structures sociétales et nos armées, mais aussi nos stocks de munitions et la sécurité de leur approvisionnement. Si nous ne garantissons pas le bon niveau d’ambition budgétaire, les grands programmes prévus pour la prochaine décennie seront remis en cause.

En conclusion, j’adhère totalement à l’idée de programmation pluriannuelle qui permet au secteur de préparer l’avenir et la R&D nécessaire. C’est un principe à reprendre dans le cadre du Fonds européen de la défense. Mais, au-delà, d’autres politiques publiques civiles pourraient s’en inspirer.

L’autonomie stratégique est au cœur de l’actuel quinquennat. Soutenez-vous son principe ? Comment l’entendez-vous ?

Je soutiens le principe d’autonomie stratégique, qui signifie à la fois liberté d’action et liberté de décision. C’est une force de la France, qui a été cultivée par tous les exécutifs. Il s’agit avant tout de préserver des capacités d’analyse en propre pour connaître et évaluer les situations de crise ou de menace potentielle, et surtout d’avoir les forces et des modes d’action capables d’y répondre. Il n’est pas possible de confier les clés de notre défense à un allié.

La politique d’autonomie stratégique a été un choix politique qui a nécessité des investissements importants depuis longtemps. Elle a ainsi permis de doter notre pays d’une industrie et d’une recherche de premier ordre, au service des armées et de la protection des citoyens. La France dispose d’atouts majeurs et d’un réseau d’entreprises de pointe au niveau mondial, qui innervent une innovation tant dans le domaine civil que dans le domaine militaire. Des leaders mondiaux de l’aéronautique et du spatial comme Airbus, Thales et Safran l’illustrent parfaitement. Par ailleurs, ils reposent aussi sur un tissu de PME et d’ETI réparties sur l’ensemble du territoire, renforçant notre compétitivité et notre souveraineté nationale.

Aujourd’hui, nous nous appuyons de plus en plus sur des partenariats européens. La France peut être le moteur d’une nouvelle étape vers la souveraineté stratégique dans le domaine des équipements militaires comme dans celui des opérations, parce que nous pouvons mutualiser les efforts pour affronter les mêmes défis.

Cependant, un certain manque de dialogue et de concertation isole la France depuis cinq ans. Je veillerai à rétablir une communication permanente avec nos partenaires. Nous maintiendrons notre capacité décisionnelle, mais en les informant dans des délais appropriés, et non par médias interposés.

J’œuvrerai à la constitution d’une souveraineté européenne, en m’appuyant sur des projets concrets, notamment en nous inspirant de réussites comme Galileo. Les projets au niveau européen peuvent aussi être le résultat d’accords et de projets ad hoc, par exemple avec les Britanniques pour les missiles ou les Belges dans le domaine terrestre (CaMo). Une France et une Europe autonomes seraient plus fortes pour constituer un pôle européen crédible au sein de l’OTAN.

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