Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, les États occidentaux ont affiché un front uni en condamnant Moscou et en apportant une aide militaire, financière et humanitaire à Kyiv, sans toutefois participer directement au conflit. Si les États-Unis sont le premier fournisseur, rapportés à leur PIB, après un an de guerre, les plus gros contributeurs sont les voisins européens des Ukrainiens.
es dépenses militaires de l’Ukraine, en augmentation depuis l’annexion de la Crimée en mars 2014, atteignent 5,9 milliards de dollars en 2021, soit 3,2 % du PIB du pays, selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI). Mais c’est onze fois inférieur à celles de la Russie (65,9 milliards de dollars, soit 4,1 %), qui occupe le cinquième rang mondial des États les plus dépensiers et possède une puissante industrie de l’armement. Aussi, sans l’aide massive et sans précédent des Occidentaux depuis la Seconde Guerre mondiale, il ne fait guère de doute que l’Ukraine aurait difficilement pu tenir un conflit d’une telle ampleur sur la durée face à la force de frappe russe.
Convergence de vue en Europe
La célérité des États européens dans leur réaction à l’invasion de l’Ukraine a surpris plus d’un observateur. Dès le 28 février 2022, l’Union européenne (UE) débloque 500 millions d’euros pour l’envoi d’une assistance à Kyiv, dont 450 millions en matériels militaires, y compris des équipements létaux, le reste concernant des produits médicaux d’urgence et de protection, et du carburant. Cette aide massive est financée par la Facilité européenne pour la paix, créée en mars 2021 pour « prévenir les conflits » et « renforcer la sécurité internationale », dotée de 5,69 milliards d’euros pour la période 2021-2027. L’UE engage 500 millions d’euros supplémentaires en mars 2022, et 500 autres millions le mois suivant.
En plus de cette contribution commune, les États européens fournissent également individuellement un soutien humanitaire et militaire à l’Ukraine par l’envoi de véhicules blindés, tanks, obusiers, lance-roquettes, missiles sol-air, mitrailleuses, munitions, équipements de protection défensifs… La plupart des pays font le choix d’exposer ouvertement cette aide, mais certains, comme la France, n’en révèlent qu’une partie, pour ne pas rompre les canaux diplomatiques avec la Russie. Un changement notable est la présence, parmi les contributeurs, de la Finlande et de la Suède, jusqu’alors neutres, qui décident d’offrir leur appui militaire tout en demandant leur adhésion à l’OTAN. En revanche, trois membres de l’UE – l’Autriche, Chypre et la Hongrie – se distinguent en refusant d’apporter un soutien militaire à l’Ukraine soit pour conserver leur neutralité (Autriche), soit pour garder de bonnes relations avec Moscou (Hongrie, Chypre). Selon l’institut allemand Kiel, le cumul des aides bilatérales européennes et des aides communes de l’UE atteint 51,8 milliards d’euros au 20 novembre 2022 (1). Rapportés au PIB des donateurs, les États baltes et la Pologne sont les plus généreux (entre 0,5 et 1,1 %) ; plus on s’éloigne du conflit vers l’ouest, plus la part est faible (aux alentours de 0,2 % du PIB pour la majeure partie des pays européens).
Les États-Unis en première ligne
Quelques mois seulement après leur retrait d’Afghanistan en août 2021, après vingt ans de présence et le retour des talibans au pouvoir, les États-Unis, pourtant engagés dans une stratégie de réorientation vers l’espace indopacifique pour contrer les velléités chinoises, se voient contraints à s’investir dans le conflit ukrainien pour ne pas laisser les mains libres à Moscou. Le président Joe Biden (depuis 2021) affiche l’unité de l’OTAN et apporte dans les premiers mois du conflit une aide considérable susceptible de rééquilibrer le rapport de force sur le terrain. Les États-Unis deviennent ainsi le premier donateur bilatéral à l’Ukraine avec 47,82 milliards d’euros, dont 22,86 milliards d’aide militaire, même si cette somme ne représente que 0,2 % de leur PIB. Il convient d’ajouter l’appui de membres de l’OTAN, en particulier du Royaume-Uni (7,08 milliards) et du Canada (3,78 milliards).
Ces chiffres ne prennent pas en compte l’accueil de 7,9 millions de réfugiés (au 6 décembre 2022, selon l’ONU), surtout dans les pays limitrophes comme la Pologne (1,52 million enregistrés, mais 8 millions si l’on compte les passages frontaliers en provenance d’Ukraine). Selon l’institut Kiel, le coût de l’accueil des réfugiés est estimé entre 250 et 750 euros par personne et par mois. Comment gérer cette situation appelée à perdurer avec l’enlisement du conflit ?
Alors qu’avec l’hiver 2022-2023, les dons de générateurs électriques affluent pour faire face aux coupures d’électricité à cause des attaques russes contre les infrastructures, se pose la question de la pérennité de cette aide et de sa bonne destination, notamment pour une reconstruction durable, dans une Ukraine amputée de la partie orientale de son territoire et confrontée à une corruption endémique qui a fait la fortune de puissants oligarques.
Note
(1) La base de données de l’institut Kiel est disponible sur : www.ifw-kiel.de