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Marine nationale : des patrouilleurs hauturiers pour l’outre-mer et la métropole

La montée en puissance de la Chine passe par une plus grande activité maritime, notamment dans le Pacifique et l’océan indien, mais ce n’est pas le seul défi pour la Marine nationale, qui doit aussi assurer des missions d’action de l’État en mer, outre-mer comme en métropole. Mais comment ont évolué ses moyens à la mer ces dix dernières années ?

Mis en service respectivement entre 1976 et 1984 et entre 1986 et 1990, les 17 avisos A69 de la classe d’Estienne d’Orves (80 m, 1 410 t.p.c.) à vocation anti-sous-marine (ASM) et antinavire et les dix patrouilleurs P400 (54,8 m, 400 t.p.c.) devaient être remplacés à la fin des années 2000 dans le cadre du programme BATSIMAR (Bâtiments de surveillance et d’intervention maritime). Faute de crédits, ce renouvellement est repoussé de presque vingt ans. Solution intérimaire, en 2015, deux patrouilleurs de classe La Confiance (60,8 m, 700 t), destinés à la Guyane, sont commandés au chantier Socarenam, suivis d’un troisième en 2017. En décembre 2019, la construction de six Patrouilleurs outre-mer (POM) classe Félix Éboué (80 m, 1 300 t.p.c.) est également confiée à Socarenam, ces deux classes remplaçant les P400, tous désarmés entre 2009 et 2023.

Huit avisos A69 ayant été retirés du service entre 1997 et 2000 et trois autres entre 2018 et 2020, restent six unités privées de leurs missiles antinavires, de leurs roquettes ASM et de leurs torpilles, mais qui ont conservé des capacités de détection sous-marine. Les derniers A69, qui seront désarmés entre 2023 et 2028, devaient être remplacés par dix Patrouilleurs océaniques (PO) d’environ 90 m et 2 000 t, dotés de capacités ASM. Ce chiffre a été ramené en avril 2023 à sept unités, désormais désignées Patrouilleurs hauturiers (PH) (1). Admis au service en 1997, trois patrouilleurs OPV 54 de classe Flamant (54 m, 390 t.p.c.) s’ajoutent désormais aux unités à remplacer. Au total, 30 avisos et patrouilleurs (en trois classes) sont ou seront remplacés d’ici à la fin de la décennie par 16 patrouilleurs hauturiers ou océaniques (en trois classes), dont sept avec des capacités de combat qui les assimileraient à des corvettes.

Repousser l’échéance

Bâtiments économiques (l’équivalent de 41 millions d’euros), les 17 avisos A69 assurent la lutte ASM par petits fonds (plateau continental) avec une bonne capacité antinavire (missiles MM38). L’absence d’un hélicoptère et/ou d’un sonar remorqué rend nécessaire le renfort d’une frégate ASM dès la détection d’un sous-marin dans une zone sensible. Outre la sécurisation des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins devant Brest, leur endurance et leur faible coût de possession en font des outils précieux pour répondre au besoin apparu en 1982 de surveiller la nouvelle Zone économique exclusive (ZEE) de 200 nautiques ; ils assurent également la défense des intérêts nationaux outre-mer (notamment avec les patrouilles Corymbe dans le golfe de Guinée) et, plus récemment, avec les missions de lutte contre la piraterie en océan Indien. Trop lents (24 nœuds) pour escorter le groupe aéronaval, ils sont mal défendus contre la menace aérienne jusqu’à l’installation d’une rampe double de missiles sol-air Simbad dans les années 2000. Bas sur l’eau, ils sont surnommés « sous-marins de surface » par mauvais temps. Ils semblent influencer les canonnières mer-rivière Buyan et Buyan‑M de la marine russe, qui visite en détail le Commandant Birot en escale à Saint-Pétersbourg en mai 1993.

Conçus principalement pour la nouvelle mission de patrouiller la ZEE, les dix patrouilleurs P400 de 400 t remplacent cinq unités plus anciennes (La Combattante de 230 t et quatre classe Trident). Les P400 sont dépourvus de la capacité de combat (missiles antinavires) envisagée au départ. Ils servent dans les territoires d’outre-mer (DOM/TOM) pour patrouiller la ZEE, coopérer avec des armées étrangères et assurer des missions humanitaires. S’ils montent un zodiac, ils sont dépourvus des intercepteurs rapides nécessaires pour lutter contre les trafiquants de drogue. Ils connaissent le succès à l’exportation avec des commandes pour Oman et le Gabon et une production sous licence au Brésil.

Au tournant du millénaire, les neuf A69 restants sont reclassifiés comme Patrouilleurs de haute mer (PHM). Dans un souci d’économie, les missiles mer-mer, les lance-leurres Dagaie, le bruiteur Nixie, le lance-roquettes et les tubes lance-torpilles sont débarqués, même si le sonar est conservé pour la sécurisation des SNLE. Les systèmes de transmissions sont modernisés. Parallèlement, sept P400 sont désarmés entre 2009 et 2015, dont deux vendus au Kenya (2011) et au Gabon (2015). À l’origine, les avisos A69 doivent céder leur place à 14 frégates F2 (dites de « gestion de crise »). Lancé en 2005, le programme de Bâtiment de surveillance et d’intervention maritime (BATSIMAR) doit à la fois remplacer les A69, les P400 et les autres patrouilleurs résultant de conversions par une classe unique de patrouilleurs hauturiers permettant des économies d’échelle. Les BATSIMAR doivent remplir les missions de police des pêches, de lutte antidrogue et de souveraineté.

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