L’image de l’avocat, tendance depuis deux décennies, s’est détériorée en quelques années. Qualifié de « diamant de sang » par des chefs étoilés, interdit d’importation pendant quelques jours aux États-Unis en février 2022, ce fruit subit les aléas de la situation interne du Mexique, premier producteur mondial.
Le Mexique occupe une place à part en ce qui concerne l’avocat, ce fruit y étant cultivé depuis plus de 8 000 ans et représentant un atout économique majeur. Le pays est le premier producteur de la planète, avec une superficie de 226 634 hectares récoltés (contre 188 723 en 2017), soit 60 % du total mondial, et une production de 2,4 millions de tonnes en 2021 (contre 2). Près de la moitié part à l’export, notamment vers les États-Unis, premiers importateurs, avec 1,1 million de tonnes achetées aux Mexicains en 2021, soit 89 % des avocats acquis par les Américains, pour une valeur de 2,8 milliards de dollars.
Les arbres et leurs fruits se concentrent sur une bande de terres volcaniques qui traverse le centre du pays, bénéficiant de conditions de culture idéales, comme dans le Michoacán, avec du soleil, des pluies abondantes et des altitudes favorables. C’est l’État de l’« or vert » par excellence. Cependant, il se trouve aussi au centre des luttes entre les cartels. Les causes de cet intérêt sont nombreuses. Elles résident d’abord dans un double phénomène de renchérissement du prix de l’avocat, lié à la demande croissante, et de baisse des revenus issus du pavot à la suite au boom des opioïdes de synthèse, moins coûteux. L’évolution de la géographie des cartels participe également à la déstabilisation de cette zone. La Familia Michoacana a ainsi connu un fort recul au profit des Caballeros templarios puis de Jalisco Nueva Generación, considéré par les autorités américaines comme l’une des organisations criminelles transfrontalières les plus dangereuses au monde. Cette instabilité contribue à un renforcement de la violence sur les cultivateurs pour le contrôle des territoires. Pour s’imposer face à des groupes adverses, Jalisco Nueva Generación n’hésite pas à poser des mines antipersonnel près des champs ou à utiliser des drones chargés d’explosifs. La structure morcelée du secteur (environ 30 000 producteurs) ne favorise pas les rapports de force. Face à l’impuissance des pouvoirs publics, plusieurs agriculteurs du Michoacán se sont fédérés au sein de milices afin de sécuriser leurs productions et de protéger leurs familles.
Les conséquences de cette emprise des cartels de la drogue sont également environnementales. D’une part, la culture de l’avocat a besoin de beaucoup d’eau : il faut près de 1 000 litres pour en produire un kilogramme. Et de nombreux incendies volontaires sont provoqués afin de faciliter la déforestation, nécessaire à l’établissement de nouvelles surfaces. D’autre part, les plantations illégales ne subissent aucun contrôle sur l’utilisation de pesticides ou autres produits fongicides, renforçant ainsi la pollution des sols. Pour le Mexique, la détérioration de l’image de l’avocat aura des effets à long terme et pas seulement économiques.