Le contexte stratégique actuel en mer est bien plus compliqué qu’en 2014 : actions de guerre sur les fonds marins, activités russes de surface et sous – marines, émergence d’une nouvelle classe d’armes (K‑USV)… Quelle est votre perception de l’évolution de la sécurité maritime en Manche et dans l’Atlantique ? Constatez – vous un comportement non professionnel de la part de la marine russe ?
Après l’effondrement de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide, nous avons traversé une période géopolitique calme qui s’est terminée par la guerre russo – géorgienne de 2008, suivie par l’annexion illégale de la Crimée en 2014. Depuis lors, le contexte stratégique en mer est en effet devenu plus compliqué. Au fond, il s’agit toujours d’une dissuasion basée sur l’article 5 de l’OTAN. La Marine royale néerlandaise vise à participer à la « Ligue des champions », non pas en termes de quantité, mais sûrement en termes de qualité. Les programmes de remplacement récemment annoncés, tels que les deux types de frégates (antiaérienne et anti – sous – marine), les sous – marins et les capacités de lutte contre les mines, ainsi que le renforcement d’autres capacités, comme l’ajout de missiles d’attaque terrestres lancés depuis la mer, doivent être considérés à la lumière de cet objectif.
Aucun navire de la marine russe ne transite par la mer du Nord sans être détecté et surveillé. Le gouvernement néerlandais a élargi l’année dernière le mandat de la marine royale pour mener ces opérations. Contrairement à un certain nombre d’incidents de manœuvres non professionnelles de la part de l’armée de l’air de la Fédération de Russie envers plusieurs de nos frégates il y a quelques années, nous observons un comportement professionnel et le respect du traité sur les incidents en mer entre les gouvernements fédéraux néerlandais et russe lorsque des rencontres se produisent entre nos marines en mer.
Nous avons accru notre vigilance à l’égard des opérations sur les fonds marins et avons ainsi observé une augmentation des activités de pays non membres de l’OTAN. Nous développons une réponse intergouvernementale et multidomaine avec les garde – côtes néerlandais, d’autres ministères et des partenaires civils. Nous avons également accru la coopération multinationale pour améliorer notre connaissance et notre compréhension de la situation ainsi que nos possibilités d’intervention si nécessaire. Par exemple, notre participation aux côtés de la Force expéditionnaire conjointe dirigée par le Royaume – Uni nous aide à faire face à cette nouvelle menace, tout comme notre participation au Centre maritime de l’OTAN pour la sécurité des infrastructures sous – marines critiques (NMCSCUI).
Tous ces efforts combinés visant à accroître notre sensibilisation et à améliorer la coopération conduiront à une approche plus globale de la sécurité maritime dans la Manche, la mer du Nord et certaines parties de l’océan Atlantique. Par conséquent, je ne vois pas de nouveau déclin de la sécurité maritime, mais je m’attends à une augmentation, surtout par rapport aux deux premières décennies de ce siècle.
La Koninklijke Marine pourrait-elle jouer un rôle dans l’Arctique ou dans les détroits danois ?
La force d’une marine réside dans l’utilisation de la haute mer pour exercer sa puissance là où cela est nécessaire. Le rôle des forces armées néerlandaises est de défendre les intérêts (de sécurité) vitaux de notre royaume et cela ne nous limite pas à la mer du Nord. Nous envisageons d’opérer là où nos intérêts sont le mieux servis. Cela pourrait être dans l’Arctique ou dans les détroits danois.
Actuellement, l’une des principales menaces réside dans les activités militaires russes de la flotte du Nord ou de la flotte de la Baltique. Il est donc logique de mener des opérations avec les partenaires de l’OTAN et de l’Union européenne pour contrer cette menace et, avec le retrait de la banquise arctique, cela signifie plus au nord qu’auparavant. Toutefois, les conditions arctiques nécessitent de porter une attention particulière tant à l’équipement qu’au personnel. Le Corps des Marines de la marine royale néerlandaise est particulièrement entraîné dans des conditions arctiques et organise une formation annuelle dans le nord de la Norvège en collaboration avec les alliés de l’OTAN. En tant qu’État ne faisant pas partie de l’Arctique, il est possible d’opérer dans des conditions arctiques, mais celles-ci seront moins prévisibles dans un avenir proche.