Magazine Diplomatie

La lutte anti-drones : un enjeu désormais stratégique

Depuis cinq ans, le nombre d’incidents de sécurité impliquant des drones a explosé. Les grands évènements culturels, sportifs ou mémoriels font l’objet d’intrusions dans les zones d’exclusion. Plus de 4000 vols illégaux de drones ont eu lieu autour de grands événements sportifs en 2023 aux États-Unis, entrainant des retards couteux et mettant le public en danger (1).

Les grands principes de la lutte anti-drones

La lutte anti-drones (LAD) s’appuie séquentiellement sur quatre étapes fonctionnelles :

• étape 1 : la détection des drones pénétrant dans un espace aérien donné ;

• étape 2 : l’identification en « drone autorisé ou non autorisé à voler » en zone civile ou « drone ami – drone ennemi » en zone militaire ;

• étape 3 : le suivi dynamique continu du drone dans l’espace aérien ;

• étape 4 : le cas échéant, la capture ou la destruction du drone considéré en vol illégal.

Ces quatre étapes présentent leur propre complexité et mobilisent des technologies spécifiques. La LAD en contexte civil n’est pas la LAD d’une zone de guerre. Les moyens de détection, de suivi et de neutralisation ne sont pas les mêmes. L’efficacité de la détection et de la classification varie selon plusieurs facteurs : la taille des drones, leur masse, leur vitesse, leur accélération, les matériaux qui les composent, leur signature radar, leur comportement dynamique et les similitudes existantes avec d’autres objets volants (comme les oiseaux ou les avions) sont autant de paramètres à prendre en compte dans la détection. La hauteur de vol des drones, allant de quelques mètres à plusieurs kilomètres au-dessus du sol, influence les performances des systèmes de détection qui doivent pouvoir s’adapter à ces disparités. Le contexte d’emploi du drone, les conditions environnementales, les conditions météorologiques, les obstacles urbains, le terrain et l’éclairage peuvent réduire l’efficacité des algorithmes de détection et des capteurs, conduisant à des classements en faux positifs ou faux négatifs. Pour relever ces défis, il faut nécessairement mener une recherche continue sur de nouvelles méthodes de détection et de classification et exploiter les progrès réalisés sur les capteurs. Une collaboration étroite entre les spécialistes de l’IA, de la vision par ordinateur et du traitement du signal est essentielle pour développer des solutions efficaces.

Les technologies de détection des drones

Le croisement d’expertises multiples, interdisciplinaires, garantit le niveau d’efficacité des dispositifs de détection et d’identification des drones. 

• La détection radar 

Le système radar utilise des ondes électromagnétiques pour détecter, localiser des objets, caractériser la distance, la vitesse, l’azimut et l’élévation. Le radar actif transmet et reçoit des signaux alors que le radar passif s’appuie sur des sources de signaux externes. Il existe plusieurs types de radars : le radar de surveillance pour la détection à longue portée ; le radar à ondes millimétriques, efficace dans diverses conditions météorologiques ; le radar à impulsions Doppler qui détecte les changements de fréquence ; le radar à ondes continues qui assure une transmission continue de signaux ; et le radar à modulation de fréquence.

• La détection basée sur les radiofréquences (RF)

Ce détecteur s’appuie sur les radiofréquences pour détecter les drones en capturant les signaux RF émis par l’électronique embarquée. Il utilise deux récepteurs pour capturer les signaux des drones et des contrôleurs. Il détecte les drones dans les zones d’exclusion aérienne en interceptant les signaux de communication entre les drones et les stations au sol.

• La détection acoustique (microphones)

Ce détecteur s’appuie sur des signatures acoustiques distinctes engendrées par les drones, notamment celles des pales d’hélices. Il s’appuie sur des capteurs audios, des micros spécialisés pour capter les bruits des drones, en analysant la fréquence, l’amplitude, la modulation et la durée pour la détection. Le micro peut identifier les drones en fonction de diverses caractéristiques, telles que la taille, la vitesse et l’altitude, en utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique pour la classification.

• La détection basée sur la vision multispectrale (caméras)

Ce détecteur s’appuie sur des caméras multispectrales pour produire des images de zones aériennes potentiellement traversées par un drone. Ces images ou vidéos sont ensuite analysées par des algorithmes de vision artificielle et de détection automatique d’objets « drones ». 

• La fusion des capteurs et des autres méthodes

Le principe de la fusion des capteurs repose sur l’utilisation et le croisement de plusieurs méthodes de détections. On parle de détection multimodale en croisant par exemple des capteurs de type caméras avec des capteurs audio, ou de l’imagerie radar avec de la vision artificielle, ou du capteur RF avec de l’image et de l’analyse vidéo. Ces croisements améliorent les performances de détection, de suivi et de classification des drones. D’une manière générale, la fusion des capteurs augmente la robustesse et la précision des systèmes de détection. Les progrès de la 5G, de l’IoT [Internet des objets] et la détection à partir de radiofréquences utilisant les empreintes Wi-Fi, contribuent à l’amélioration des performances de la détection. 

À propos de l'auteur

Thierry Berthier

Enseignant et chercheur associé au CREC Saint-Cyr, co-directeur du groupe « Sécurité – Intelligence Artificielle » du Hub France IA et directeur scientifique de la Fédération professionnelle européenne des drones de sécurité Drones4Sec.

0
Votre panier