Parce que le F5 sera également l’ère de l’UCAV et des effecteurs déportés, quels sont les enjeux liés à ces futurs équipements ?
C’est effectivement le standard F5 qui nous permettra de mettre un pied dans la logique des effecteurs déportés, avec deux types d’équipements différents : le drone de combat et les effecteurs déportés pour la saturation. Ces derniers seront développés dans l’optique de disposer de matériels à bas coût pour avoir un effet de masse, un essaim connecté capable de réadapter la trajectoire grâce à l’IA. Quant à l’UCAV, dérivé du programme « nEUROn », il aura un rôle différent, du fait de ses capacités de très basse détectabilité. L’avancée de ce programme se fait en cohérence avec le F5, et les travaux sont en cours avec les industriels pour définir plus en détail l’architecture de cet aéronef. Beaucoup d’équipements seront communs au Rafale (optronique, contremesures, servocommandes, moteur), dans un « esprit de famille » entre le Rafale F5 et « son » UCAV. La force de ce binôme, c’est d’arriver à travailler ensemble, pour gagner encore davantage en efficacité.
Le F5 préfigure l’intégration du futur avion de combat (NGF – Next Generation Fighter) au SCAF. Comment se prépare cette prochaine étape ?
Chaque brique amène son lot d’apports opérationnels. C’est tout le sens de la logique incrémentale dans le développement des standards. Dans les années 2040, nous aurons la panoplie complète des capacités militaires requises pour faire face à la menace. Le standard F5 disposera de capteurs de très haut niveau, l’UCAV apportera la très grande furtivité, la famille AASF représentera un premier pied dans le domaine des effecteurs déportés… chaque item apporte sa pierre à l’édifice.
Le futur chasseur bénéficiera de tous les apports du Rafale F5 et de l’UCAV, dans une forme nativement furtive. Il ne s’agit pas de développer un avion tout neuf, car le futur avion sera le fruit de tout ce qui aura été développé avant, dans une démarche incrémentale et une logique de réduction des risques.
Cette logique incrémentale repose avant tout sur les femmes et les hommes qui mènent à bien ces projets. Il est donc essentiel de veiller à ce que la bonne compétence soit au bon endroit, que ce soit au sein de la DGA, des forces armées ou chez les industriels. Nous nous structurons autour d’équipes de petite taille, et il est important de préserver cette échelle humaine dans le cadre d’un projet aussi ambitieux que le SCAF. L’enjeu est de rester dans cette logique d’équipe État-industrie, quasiment partenariale, fondée sur le principe du « faire avec ». Le volet facteur humain me paraît être la clé du succès, au même titre que l’efficacité du radar. C’est tout l’objet du travail en plateau, beaucoup plus interactif et gage d’efficacité.
Pour travailler en coopération, entre industriels qui sont parfois aussi des compétiteurs, il est important d’établir un climat de confiance entre les différents acteurs. Il ne s’agit pas de simplement se mettre d’accord sur un besoin, surtout s’il induit des financements qui dépassent les crédits. Il faut aussi, en parallèle et sur le long terme, mener les travaux en fonction de la soutenabilité financière. Des points d’achoppement subsistent : tous les acteurs n’ont pas forcément la même lecture des problématiques industrielles, et il reste des risques à lever. Les comités de pilotage sont pour cela l’occasion d’avoir des discussions franches – c’est le propre de toute coopération –, pour aborder toutes les thématiques, faire des points de situation, donner son avis et trouver des conditions harmonisées permettant d’avancer.
Les pays utilisateurs du Rafale participent-ils aux évolutions du programme ?
Le « club Rafale » crée un esprit de communauté, avec des échanges réguliers sur l’utilisation de l’avion, la maintenance, etc. Les RETEX opérationnels dépendent des problématiques de souveraineté et de confidentialité, mais il arrive effectivement que certaines nations transmettent des expressions de besoin à Dassault Aviation. Si l’idée semble pertinente pour le reste de la communauté, l’avionneur informe les autres utilisateurs pour évaluer la possibilité d’une approche conjointe.
Le Rafale va voler encore durant quelques décennies. Comment envisagez-vous l’ère « post-Rafale » ?
La production des Rafale se poursuit selon un format bien défini, avec des livraisons prévues jusqu’aux années 2030-2040. Ces avions neufs ayant un potentiel de 30-40 ans minimum, le Rafale F5 volera donc jusque dans les années 2070.
Nous anticipons dès à présent, car la menace évolue rapidement. C’est un travail que nous envisageons sous la forme d’une feuille de route incrémentale, axée sur le développement de capacités déjà existantes. Toutes les briques sont mises au point au fur et à mesure et vont naturellement se retrouver dans le programme de chasseur du futur. Le programme SCAF intègre tous ces paramètres, le but étant bien de monter en maturité sur les différentes technologies, grâce à des démonstrateurs, pour atteindre le niveau adéquat à la mise en service d’un produit opérationnel. C’est tout le sens des sept piliers du programme SCAF – avion, moteur, effecteurs déportés, cloud de combat, simulation, capteurs, furtivité –, avec l’ambition de disposer d’un démonstrateur en vol à l’horizon 2029-2030, et d’équiper les forces aériennes d’un avion pleinement opérationnel au début des années 2040, afin d’être à l’heure et au rendez-vous des besoins capacitaires.
Propos recueillis par Helen Chachaty, journaliste spécialiste des questions de défense et aérospatiales le 20 février 2025.
Légende de la photo en première page : Les nouveaux systèmes d’aides à l’appontage intégrés à bord du Rafale F4.2 permettront de réduire la charge de travail des pilotes de l’aéronavale, tout en préparant le terrain pour l’appontage automatique des futurs drones de combat embarqués. (© Dassault Aviation/Anthony Pecchi)