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Femmes et enfants de Daech : comment revenir à la maison ?

Depuis la défaite de l’organisation de l’État islamique (EI ou Daech) à Mossoul (Irak) et à Raqqa (Syrie) en 2017, puis à Baghouz (Syrie) en mai 2019, la question du retour des femmes et des enfants étrangers devient pressante. Les hésitations politiques des États européens risquent d’entraîner des manquements au droit international.

i les destins et les chiffres varient d’un État à l’autre, sur le total des djihadistes de retour dans leur pays d’origine (7 366 sur 41 490 combattants partis en Irak entre avril 2013 et juin 2018), 17 % (soit 1 180) sont mineurs et 4 % sont des femmes (256). État européen à l’origine du plus grand nombre de départs (1 910), la France compte entre 300 et 382 femmes et entre 460 et 700 enfants ayant rejoint l’EI. Une minorité a pu rentrer.

Le taux faible de retours peut s’expliquer de différentes façons. Certaines ont abandonné tout document d’identité en signe d’adhésion à Daech et ne peuvent plus rentrer, d’autres ont fui en Turquie ou ne veulent pas revenir chez elles. Par ailleurs, le nombre de femmes et de mineurs étrangers détenus en Irak ou en Syrie est difficile à estimer ; on sait qu’environ 1 400 de nationalités française, allemande, russe et chinoise se sont rendus en août 2017 aux autorités irakiennes. D’autres ont été signalés dans les camps syriens d’Ain Issa, près de Raqqa, et ils seraient environ 1 500 à vivre aussi dans celui d’Al-Hol. Le rapatriement des mineurs et la judiciarisation du cas des ressortissants étrangers partis combattre aux côtés de l’EI mettent en évidence l’absence de réponse coordonnée des Européens. Certains pays perçoivent leur responsabilité avec plus d’indulgence que d’autres. La France a délégué aux autorités irakiennes. Rien qu’entre janvier et avril 2018, au moins 100 femmes ont été condamnées à mort et près de 200 à la prison à vie, la loi irakienne prévoyant la peine capitale pour toute personne ayant rejoint un groupe terroriste. Du fait du poids des procédures, du nombre de dossiers et du manque de capacités administratives, l’ONU a souligné le risque d’erreurs judiciaires et de violations des Droits de l’homme. D’autres pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique ou le Danemark privilégient la déchéance de nationalité pour les binationaux.

Les mineurs posent un problème différent. Ils sont difficiles à identifier légalement (sans papiers d’identité) et physiquement (ils peuvent arriver dans les camps avec des Syriens ou d’autres étrangers les déclarant comme appartenant à leur famille). Plusieurs ONG ont alerté sur leurs conditions de détention (manque d’eau, de nourriture, de soins, absence de scolarisation). En juin 2019, quatre cas ont été portés à l’attention du Comité des droits de l’enfant et du Comité contre la torture des Nations unies par des grands-parents français d’enfants détenus en Syrie ou en Irak. Un mois auparavant, la Commission nationale consultative des Droits de l’homme et le Défenseur des droits ont demandé le rapatriement des mineurs français, pointant les risques d’atteinte à la Convention internationale des droits de l’enfant. La Cour européenne des Droits de l’homme a également été saisie à l’encontre de la France pour atteinte à l’article 3, interdisant les traitements inhumains et dégradants. Ces quelques textes soulignent l’ambiguïté de la politique du « cas par cas ».

Cartographie de Laura Margueritte

<strong>Femmes et enfants de Daech</strong>
Article paru dans la revue Carto n°55, « Géopolitique des conflits : Guerre(s) & paix », septembre-octobre 2019.
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