L’Australie conserve le souvenir du bombardement japonais, le 19 février 1942, de la ville de Darwin, située dans le Territoire du Nord, et la crainte de voir ses régions septentrionales, quasi désertes et libres de tout système robuste de défense, être envahies par un État hostile venu d’Asie, en quête d’espace et de ressources.
Le renvoi vers l’Indonésie en décembre 2013 et janvier 2014 de deux navires d’immigrants clandestins montre que l’Australie est engagée depuis 2012 dans une stratégie globale de plus grande sécurisation de ses abords maritimes et de contrôle plus étroit de ses flux migratoires. La victoire électorale des libéraux-conservateurs et l’accession de Tony Abbott au poste de Premier ministre en septembre 2013 ont confirmé cette orientation voulue par la majorité des Australiens.
De fait, l’émergence de nouvelles puissances asiatiques, économiques et militaires, à ses portes incite l’Australie à revoir sa politique de sécurité, reconnaissant qu’elle a sous-estimé le réarmement de ses voisins asiatiques, en particulier la Chine. En décembre 2012, la presse australienne dévoilait des extraits d’un avant-projet du livre blanc australien sur la défense nationale, qui faisait de la Chine un État qui « modifie l’équilibre des puissances militaires dans le Pacifique occidental » (1). Ce livre blanc, publié le 3 mai 2013 (2), préfère toutefois mettre en avant la volonté de Canberra d’établir un partenariat stratégique avec la Chine, plutôt que d’insister sur la menace potentielle que celle-ci pourrait représenter pour les intérêts stratégiques australiens, tout en rappelant les besoins croissants de pays comme l’Inde ou la Chine en matières premières et les liens qui existent entre ces ressources et les questions de défense et de sécurité, en particulier en ce qui concerne les voies d’approvisionnement.
Cette approche a priori plus pacifiée de la relation à la Chine s’est traduite par la volonté du Premier ministre travailliste, Julia Gillard, au cours de son voyage en Chine d’avril 2013, de transformer le fort intérêt chinois pour les ressources naturelles australiennes en « partenariat stratégique ». Ce voyage a entre autres conduit à la signature d’un accord d’environ 1,5 milliard de dollars américains avec l’entreprise China Minmetals pour développer les gisements de zinc, de plomb et d’argent de Dugald River situés dans le Queensland. Cet accord contraste notablement avec le refus du gouvernement australien manifesté en 2009 d’autoriser le groupe chinois Chinalco à augmenter sa participation dans le capital du groupe minier anglo-australien Rio Tinto à 18,5 %, au titre de la défense de la sécurité nationale australienne. Un accord signé en 2008 limitait la montée de Chinalco au capital à 14,99% du total et Chinalco ne pouvait, selon cet accord, nommer le directeur du groupe ainsi constitué. Autre exemple de l’intensité des rapports sino-australiens dans ce secteur, au-delà de la question des risques stratégiques, le chinois Yanzhou a fusionné en juillet 2012 avec l’australien Gloucester pour créer un géant mondial du charbon, Yancoal, dont la production doit atteindre en 2016 26 millions de tonnes par an, répartie sur quatre sites, dont Southland Coal Mine, dans la vallée de Hunter en Nouvelle-Galles du Sud, au nord de Sydney.
Ces exemples montrent que l’Australie entretient des relations étroites avec ses voisins asiatiques qui sont d’importants acheteurs de ses matières premières, qu’elles soient minières, agricoles ou énergétiques, tout en cherchant à préserver les secteurs clefs d’une prise de contrôle par des intérêts venus de ces pays, dont la Chine. De fait, l’Asie est le premier débouché commercial des ressources minières australiennes, mais les Australiens estiment aussi que l’ampleur de leurs richesses naturelles constitue autant un atout qu’un handicap qui pourrait, à plus long terme, susciter des convoitises menaçant leur sécurité nationale.
Il est clair que la maîtrise des filières d’approvisionnement en ressources naturelles reste un enjeu majeur des relations économiques internationales, pour l’Australie comme pour tous les autres États du monde. La concurrence économique internationale, fruit de la mondialisation, s’est intensifiée depuis vingt ans. La quête pour les ressources naturelles, en particulier minières, longtemps limitée aux pays industrialisés du « Nord », s’est très largement étendue aux pays émergents : Brésil, Chine, Inde, pays de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), etc. Différents paramètres non économiques se sont ajoutés à ce paysage pour influer sur l’évolution des marchés des matières premières, comme les changements climatiques et environnementaux, qui ont un impact sur l’accessibilité aux ressources naturelles disponibles (déforestation, surexploitation des sols), ou l’évaluation de ces richesses, comme l’état des réserves en hydrocarbures ou en métaux rares.
La limitation de l’offre minière mondiale et l’augmentation de la demande de produits industriels intégrant des composants miniers génèrent des tensions économiques et financières qui pourraient pousser à une hausse continue à plus long terme des prix des ressources minières, en fonction de leur rareté et de leur criticité dans l’élaboration des produits de haute technologie, y compris de la défense, rendant l’Australie d’autant plus stratégique qu’elle est l’un des dix plus grands pays miniers au monde, avec le Brésil, le Chili, l’Afrique du Sud, la république démocratique du Congo, la Russie, le Kazakhstan, la Chine, le Canada et les États-Unis.
L’Australie cherche donc à resserrer ses liens avec les pays qui pourraient l’aider en cas d’atteinte à ses intérêts de sécurité, y compris pour la protection de ses ressources minières, en particulier les États-Unis. Elle a par conséquent suivi toutes les initiatives américaines de l’après-11 septembre 2001, y compris l’envoi de forces en Irak, au titre de la lutte mondiale contre le terrorisme. Au sommet de l’OTAN de Riga de novembre 2006, certains États membres ont même évoqué l’établissement d’un partenariat privilégié, voire l’adhésion de l’Australie à l’OTAN, à la suite de la coopération OTAN/Australie mise en place en 2005 et renforcée en février 2013 par la signature d’un programme de partenariat et de coopération. Sa politique de défense met aujourd’hui l’accent sur le maintien de ses capacités militaires, afin de défendre les intérêts du pays et son engagement au sein de la région Asie-Pacifique, en vue de garantir la stabilité et la sécurité de ses frontières maritimes, mais aussi la protection de ses richesses naturelles.
L’Australie est l’une des premières puissances minières mondiales
L’Australie dispose de ressources agricoles, minières et énergétiques considérables. Elle occupe la troisième place après les États-Unis et l’Afrique du Sud pour la production de minerais non combustibles. C’est le premier exportateur au monde de charbon et le sixième producteur mondial après des pays comme la Chine ou les États-Unis. À titre d’exemple, la mine d’Alpha Coal, située en Australie-Occidentale, devrait produire 30 millions de tonnes de charbon par an à l’horizon 2020. Autre secteur énergétique porteur, le gaz : avec l’abandon de la filière électronucléaire civile par le Japon et son remplacement progressif par une filière « gaz », la province d’Australie-Occidentale devient progressivement un géant du gaz naturel liquéfié où investissent tous les grands acteurs du secteur, y compris GDF Suez qui développe un ambitieux projet offshore appelé Bonaparte pour produire du gaz sur les champs de Petrel, Tern et Frigate, à 250 kilomètres environ à l’ouest de Darwin, en mer de Timor.
Sur le plan minier (3), l’Australie se classe au premier rang mondial pour la production et l’exportation de bauxite (40 % de la production mondiale) et d’alumine (l’Australie représente 32 % de la production mondiale). En 2012, l’Australie se classait au sixième rang mondial pour la production de diamants, derrière le Botswana, la République démocratique du Congo, le Canada, la Russie et le Zimbabwe, avec 7,2% de la production mondiale (4), essentiellement en provenance de la mine d’Argyle (région du Kimberley oriental dans l’extrême nord de l’Australie-Occidentale). Elle posséderait environ 7 % des réserves mondiales estimées de diamants (5). Elle est aussi le premier producteur de titane et de plomb (12 % de la production mondiale). Elle se classe au deuxième rang mondial pour la production de nickel, d’uranium et d’or (derrière la Chine), avec 10% du total. Elle est au troisième rang mondial pour la production de zinc, avec 8% du total ; au quatrième rang mondial pour la production d’argent et de fer, dont elle est le premier exportateur mondial devant le Brésil. Elle se situe au cinquième rang pour la production d’étain, avec 7% du total mondial, de cuivre et de nickel. L’Australie dispose également d’importantes perspectives de développement sur les 17 métaux de la famille des terres rares, le niobium, le lithium, le tantale, le molybdène, etc.