Nous sommes toujours heureux de voir émerger de nouvelles initiatives visant à développer les études stratégiques en France, telles en l’occurrence que Le Rubicon portée par l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM). Nous avons néanmoins quelques (gros) regrets :
1/ Que l’IRSEM se soit éloigné de ses fonctions premières qui visent à contribuer « au renforcement du lien entre la défense et la recherche stratégique, notamment universitaire. (…) » et à soutenir « le rayonnement de la pensée stratégique française aux plans national et international, notamment européen« , en lançant une plateforme sans concertation avec les acteurs français de la recherche et de l’édition en études stratégiques et de Défense, au risque de mettre financièrement certains d’entre eux en difficulté et, par là-même, contrevenir à sa mission première ;
2/ Que le postulat de base du projet soit erroné, puisqu’il existe déjà des supports d’information français sur Internet qui sont proches ou sensiblement équivalents à celui porté par l’IRSEM et ses partenaires canadiens et américains, tant en RI que sur les questions de Défense, diffusant gratuitement et rapidement des auteurs académiques et militaires en faisant du peer review (Diploweb, Areion24, etc.), sans parler par exemple des revues DIPLOMATIE et DSI qui ont la double casquette (unique en France nous semble-t-il) de revues à très large diffusion (plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires à chaque numéro) et de revues académiques (ce qui leur vaut – chose rare pour des revues françaises – d’être diffusées sur la plateforme universitaire JSTOR). En fait, la proposition faite d’une plateforme française a été déclinée au profit d’un modèle américain ;
3/ Qu’il ait fallu trouver des partenaires financiers étrangers (Amérique du Nord) plutôt que français, ce qui ne peut qu’ajouter le doute à la perplexité sur un tel projet, alors même que le discours officiel du gouvernement français en général, et du MinArm en particulier, vise à valoriser la souveraineté française et européenne…
4/ Qu’il n’ait pas été compris que les revues sont traditionnellement gardiennes de l’indépendance et du pluralisme des débats stratégiques, y compris lorsque le niveau politique réduit les vivres de la recherche. Ce qui peut affaiblir ces revues est problématique pour des débats qui importent en démocratie et doivent rester pour d’évidentes raisons sous drapeau national. Soyez assuré que les revues du groupe Areion, comme d’autres, continueront de travailler en totale indépendance, politique comme financière.
Alexis Bautzmann, PhD, directeur de la rédaction des revues du groupe Areion ; Joseph Henrotin, PhD, rédacteur en chef de Défense & Sécurité Internationale
