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Corée du Nord : où en est la péninsule ?

En septembre 2021, la Corée du Nord (RPDC) mettait une nouvelle fois en alerte la communauté internationale en enchaînant six tests de tirs de missiles en l’espace de deux semaines. Mais plus que le rythme soutenu auquel ces tirs se sont succédé, ce sont les types de missiles testés qui sont révélateurs des intentions du régime nord-coréen. Après avoir ouvert le bal le 13 septembre par le test de deux missiles de croisière à longue portée d’un nouveau modèle, puis deux missiles balistiques de courte portée KN-23, le pays a dévoilé un nouveau missile « hypersonique » baptisé Hwasong-8. D’après la Chosŏn Chung’angt’ongsin [Korean Central News Agency – KCNA, agence de presse gouvernementale de la Corée du Nord], cette nouvelle arme hautement sophistiquée serait équipée d’une ogive hypersonique conçue pour déjouer les systèmes de défense anti-missile. La démonstration de force s’est achevée par le test d’un missile anti-aérien, version améliorée du Pongae-5 qui avait été exposé lors de récents défilés militaires.

Par ce type d’activités, la Corée du Nord se montre fidèle à sa stratégie consistant à souffler le chaud et le froid. En effet, ces tests de missiles ont été réalisés seulement quelques jours après les déclarations de Kim Yo-jong, sœur cadette de Kim Jong-un, affirmant que la RPDC était prête à renouer des liens diplomatiques avec la Corée du Sud et même, à tenir un sommet pour parvenir à la signature de ce traité de paix tant attendu de part et d’autre du 38e parallèle. Les derniers développements militaires peuvent dès lors semer le doute sur la sincérité de la Corée du Nord. 
Pourtant, si certains des tests de missiles constituaient une flagrante violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives au développement du programme nucléaire et balistique nord-coréen, d’autres permettent à Kim Jong-un de respecter ses engagements quant à un moratoire sur les tests de lancement de missiles intercontinentaux (ICBM) et aux essais nucléaires, un moratoire auto-décrété en avril 2018. Quel message Pyongyang tente-t-il donc de faire passer ?

Pour le comprendre, il faut revenir au VIIIe Congrès du Parti des Travailleurs qui a eu lieu en janvier 2021. À cette occasion, Kim Jong-un avait annoncé sans ambiguïté son intention de développer davantage d’armes, notamment des missiles à courte portée capables de frapper la Corée du Sud avec des ogives nucléaires améliorées « plus petites, plus légères et tactiques » (1). Il avait aussi indiqué que le pays allait améliorer ses missiles ICBM pour les propulser au combustible solide ainsi que ses missiles SLBM afin de renforcer l’efficacité de sa dissuasion nucléaire ; ce qui explique le lancement d’un missile depuis un sous-marin effectué le 19 octobre. Le message apparaît donc être le suivant : la RPDC affiche sa détermination à perfectionner son arsenal de missiles sans tenir compte des restrictions imposées par la communauté internationale. Mais dans le même temps, sur le plan diplomatique, elle veut continuer à imposer son rythme et ses conditions aux acteurs extérieurs.

Toutefois, ces provocations ne sont pas uniquement un message à destination de la communauté internationale : elles semblent aussi avoir pour but de détourner l’attention des affaires intérieures du pays. Le pays reste en effet plongé dans de graves difficultés économiques en raison des conséquences de la pandémie de Covid-19, des sanctions internationales mais aussi des ravages causés dans la province du Hamgyong du Sud, sur la côte est, touchée par des inondations. Cette région n’a pas pu bénéficier de l’aide humanitaire internationale en raison de la fermeture des frontières.

Missiles nord-coréens : plus de diversité et de flexibilité 

Ces derniers essais mettent en évidence l’amélioration de la flexibilité et de la mobilité de l’arsenal balistique nord-coréen, en particulier en ce qui concerne ses missiles balistiques à courte portée. Rien de nouveau concernant le modèle KN-23 en lui-même, mais l’utilisation d’un lanceur mobile sur rails — et non plus sur route — est inédite et pourrait bénéficier aux missiles ICBM dans un avenir proche. Cette nouvelle mobilité ferroviaire viendrait renforcer la capacité de survie des systèmes de lancement des missiles ICBM.

En ce qui concerne les tests de missiles de croisière, ils répondent aux vœux de Kim Jong-un qui, au début de l’année, annonçait son objectif de développer des missiles de croisière à portée intermédiaire (2). Bien que les experts estiment que le test du 13 septembre correspond plutôt à un missile à moyenne portée de 1500 km, celui-ci reste le missile de croisière avec la plus grande portée jamais testé par la Corée du Nord. Même si de nombreuses inconnues subsistent au sujet de ce dernier test, il constitue un avertissement en direction des forces en présence sur la péninsule coréenne. En effet, en cas d’offensive nord-coréenne, il faudra se prémunir contre un arsenal diversifié avec des possibilités de synergies entre missiles balistiques et missiles de croisières capables de transporter des ogives nucléaires qui pourraient potentiellement saturer des défenses aériennes et anti-missiles.

À propos de l'auteur

Raphaëlle Pierre

Doctorante en science politique à l’Inalco.

À propos de l'auteur

Guibourg Delamotte

Maître de conférences habilitée à diriger les recherches à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).

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