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Un outil de combat spatial. Le Commandement de l’espace en 2030

De nouvelles capacités…

Ces capacités spécifiques sont définies dans une feuille de route issue de la SSD qui inclut notamment le programme à effet majeur ARES (Action et résilience spatiale). ARES comporte trois volets : la surveillance de l’espace, l’action dans l’espace et le C4 (Command, control, compute et communicate) des opérations spatiales militaires.

Aujourd’hui, l’enjeu principal autour d’ARES concerne la définition du socle numérique du futur C4, baptisé SIS NEXT (Système d’information spatiale). Les besoins en matière de capacité de stockage des données, d’outils de calcul, de modélisation des dynamiques spatiales et de simulation induisent de pouvoir disposer d’un environnement numérique combinant le monde du big data et celui de la haute performance de calcul dénommée HPC (High performance computing).

L’ambition est élevée : définir un outil de combat spatial plus efficace, plus résilient et plus interopérable avec nos partenaires (commerciaux et alliés), dans un milieu où la donnée est une arme. La protection de nos intérêts dans l’espace repose notamment sur une connaissance précise des risques et menaces, connaissance établie sur la base de données issues de capteurs. La donnée doit être traitée en temps contraint, aujourd’hui principalement pour des questions d’évitement de collisions et demain, pour réaliser des manœuvres en toute sécurité avec nos propres satellites dans le cadre de mesures de « défense active ». Pour une puissance responsable opérant dans un des biens communs (res communis) de l’humanité, l’action dans l’espace n’offre aucun droit à l’erreur. La quantité de données à traiter et à visualiser, pour certaines dans un délai inférieur à une heure, nécessiteront des puissances de calcul de l’ordre du million de milliards d’opérations de calcul par seconde (pétaflop). Le programme SIS NEXT constitue le socle numérique répondant à cette ambition.

En parallèle de SIS NEXT, pour préparer les opérateurs du CDE et, au-delà, tout l’écosystème des opérations spatiales militaires, a été décidé le lancement du projet Nemesis. Véritable « bac à sable » numérique, ce projet permettra d’éprouver les solutions technologiques envisagées (évaluation des algorithmes d’intelligence artificielle, des calculs, des catalogues de données, etc.) au travers de simulations représentatives des futures opérations spatiales militaires. Nemesis permettra également de générer puis de développer des compétences spécifiques et de valider des solutions opérationnelles au profit du futur C4 des opérations spatiales.

… et d’autres, renouvelées

Les récents lancements du satellite SYRACUSE‑4A (1) et du système CERES (2) ont permis de faire un bond capacitaire significatif en matière d’appui aux opérations. Ainsi, le système militaire CERES offre à la France sa première capacité opérationnelle de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) depuis l’espace, une capacité unique en Europe. Le programme SYRACUSE IV se compose d’une constellation de trois satellites (SYRACUSE‑4A est donc le premier à avoir été lancé) hautement sécurisés qui offrent un accès au très haut débit. Il inclut également une nouvelle génération de stations au sol, plus puissantes, plus compactes et mobiles. Ces stations utilisateurs équiperont des fantassins, des véhicules, des navires, des sous-­marins et, pour la première fois, des aéronefs. Dans la continuité de la feuille de route capacitaire, l’année 2022 verra le lancement des satellites SYRACUSE‑4B et CSO‑3, ce dernier venant finaliser la constellation du programme CSO‑MUSIS (3) d’observation de la Terre.

Un autre défi à relever porte sur le renouvellement de nos moyens de surveillance spatiale qui concernent notamment le développement du successeur du système GRAVES (4) et le remplacement des radars de trajectographie SATAM (5). Ces capteurs patrimoniaux seront complétés par les services spatiaux contractualisés auprès des opérateurs de confiance et par des données fournies par nos partenaires étrangers. Les opérateurs de confiance pourraient jouer un rôle particulièrement important dans la surveillance spatiale en étant intégrés dans le C4 des opérations spatiale militaires au travers d’une Commercial integration cell, qui aurait notamment pour but d’implémenter au mieux les données fournies par leurs capteurs. En parallèle, les développements menés au profit du démonstrateur Yoda se poursuivent. Ce démonstrateur s’inscrit dans la démarche engagée par la SSD visant à doter les armées de capacités à défendre nos intérêts dans l’espace. Yoda permettra d’acquérir les savoir-­faire technique et opérationnel pour mettre en œuvre une première capacité de « défense active » en orbite géostationnaire à l’horizon 2030.

Le New Space français

Yoda est un exemple d’innovation au service du spatial militaire français. Sa réalisation est rendue possible grâce à une volonté commune et à un travail conjoint entre le CDE, la DGA et le CNES. À ce titre, l’apport du New Space français à ce projet est indéniable et contribue au premier chef à sa réussite. Réciproquement, ce projet va faire progresser nos partenaires industriels dans leur savoir-­faire. Outre Yoda, l’innovation est un facteur consubstantiel de la montée en puissance de notre outil de combat spatial. Le CDE a créé dès septembre 2019 le Laboratoire d’innovation spatiale des armées (LISA), au sein de la NewSpace Factory du pôle de compétitivité Aerospace Valley à Toulouse, connecté à l’Agence de l’innovation de défense avec la collaboration de la DGA, du CNES et de l’ONERA. Ce laboratoire contribue à la réalisation de démonstrateurs destinés à valider des concepts qui constituent des facteurs clés du programme ARES.

Les opérations spatiales militaires

Les développements capacitaires dans le domaine spatial militaire sont donc tournés vers les échéances 2025 et 2030 pour fournir une nouvelle ossature à un outil de combat spatial qui entrera alors dans une nouvelle dimension. Dans l’intervalle, la BAOS mène d’ores et déjà des opérations spatiales militaires au quotidien. L’opération « Heifara-­akea », menée en juin-juillet 2021 par l’armée de l’Air et de l’Espace, illustre cette assertion : démonstration de puissance visant notamment à réaffirmer la liberté de circulation aérienne vers les territoires français du Pacifique, le dispositif comprenait trois Rafale accompagnés de ravitailleurs en vol et d’avions de transport assurant l’incontournable logistique d’un déploiement à 17 200 km de l’Hexagone projeté en moins de 40 heures. Cette mission s’est appuyée sur un soutien spatial important en matière de communications par satellite, de précision de positionnement, de référence temporelle, de navigation, d’imagerie spatiale et de surveillance permettant de prévoir les passages de satellites (alliés ou non) au-­dessus des zones identifiées. Sur de nombreux aspects, « Heifara-­Wakea » préfigure les opérations multimilieux et multichamps au travers d’une interconnexion native et robuste avec le C2 des opérations aériennes.

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