Lors de l’impressionnante série de commandes de matériels passées par la Pologne à des industriels sud-coréens, le choix du lance-roquettes multiple K239 a surpris : les négociations ont été conduites particulièrement rapidement, avec un contrat pour 288 engins signé le 19 octobre. Mais au-delà du fait que le système sera plus rapidement disponible que les 500 HIMARS qu’entendait acheter Varsovie, il offre également des perspectives intéressantes par sa modularité.
Le K239 a été conçu à la fin des années 2000 en tant que successeur du K136, un lance-roquettes multiple de 36 tubes de 131 mm installé sur un châssis KM500, version sud-coréenne du M-809 américain. Le K239 est entré en service à partir de 2015, 218 exemplaires ayant d’abord été commandés par Séoul. Concrètement, c’est un véhicule Doosan 8 × 8 K239L à cabine blindée et protégée NBC de 9 m de long pour 2,9 m de large et 3,3 m de haut. Une mitrailleuse peut être installée sur la circulaire positionnée sur le toit. Sa masse à vide est de 31 t et il est doté d’un moteur diesel de 450 ch lui permettant d’atteindre les 80 km/h sur route, avec une autonomie de 450 km, là aussi sur route. Le véhicule dispose d’un système de gestion centralisé de la pression des pneus, qui permet d’accroître la mobilité sur terrain meuble. Une fois en position de tir, quatre stabilisateurs sur vérins le maintiennent et le lanceur, mobile en site et en azimut sur 360°, peut être déployé hydrauliquement.
Le système peut toutefois être installé sur tout type de camion qui serait adapté, de sorte qu’il est probable que les K239 polonais seront installés sur la version 8 × 8 du Jelcz, déjà largement utilisé par Varsovie et dont les caractéristiques de dimensions et de charge utile sont compatibles avec celles du K239. En Corée du Sud, chaque lanceur K239L est accompagné d’un K239T destiné au ravitaillement. Ce dernier comporte un plateau et une grue hydraulique permettant la dépose et la reprise des pods de munitions (quatre par véhicule), qui peut être commandée depuis l’intérieur de la cabine. Un bataillon sud – coréen comprend 18 lanceurs et 18 transporteurs, de même qu’un véhicule de commandement et des véhicules affectés à la protection. Chaque véhicule peut donc tirer trois salves en peu de temps. Les Émirats arabes unis, également acheteurs du système, conservent une configuration à un ravitailleur par lanceur. Il est probable que ce soit également le cas pour la Pologne.
Le lanceur du K239L conserve certaines caractéristiques du M-270 MLRS (1), mais montre des spécificités. L’approche est la même : il est toujours question d’une utilisation de pods interchangeables, de taille identique. En l’occurrence, le K239 en embarque deux, qui sont chargés et déchargés par un système de palans se rétractant cette fois entièrement dans le lanceur. Ce système peut être intégralement mis en œuvre depuis la cabine, là aussi d’une manière assez semblable à ce qui se fait sur le M-270 ou le M-142. Le temps de déchargement/rechargement pour deux pods est inférieur à dix minutes. En revanche, là où ces derniers utilisent différents types de roquettes de 227 mm et les missiles ATACMS (Army tactical advanced missile system) et, dans le futur, le PrSM (Precision strike missile), la Corée a fait le choix d’utiliser plusieurs types de munitions de différents calibres. Conçues et produites par Hanwha, elles offrent un panel d’options plus large en termes d’effets terminaux et de portée. Les différents types de pods disponibles permettent ainsi le stockage de longue durée des roquettes et des missiles suivants :
• les K33, qui sont les roquettes non guidées de 131 mm utilisées par le K136. Chaque pod comprend 20 roquettes d’une portée de 36 km ;
• les KM-26A2, également non guidées, de 230 mm. Elles ont une portée de 45 km et reçoivent une charge de sous – munitions non guidées DPICM (Dual purpose improved conventionnal munitions). Chaque pod comprend six roquettes. On note que la Corée du Sud, comme la Pologne, n’a pas signé la convention sur les armes à sous – munitions, qui porte notamment sur les DPICM ;
• une roquette missilisée de 239 mm, qui a été spécifiquement conçue pour le K239. Guidée par GPS et recevant des surfaces de contrôle, elle a une portée de 85 km, six étant positionnées par pod. A priori, deux variantes de la K239 sont disponibles : à charge unitaire hautement explosive, et à sous – munitions. Ce type de roquette a été acheté par la Pologne (la version n’a pas été précisée), contrairement aux deux précédents. On sait également depuis cette année qu’une variante à la portée de 200 km est en cours de développement. Elle utilise des entrées d’air couplées à des générateurs de gaz, permettant d’offrir une durée de poussée accrue. Le système ne semble pas encore avoir été testé ;
• le Chunmoo 2, une roquette de 400 mm d’une portée supérieure à 200 km, qui est également en cours de développement. Seulement deux unités seront embarquées par pod ;
• les roquettes guidées utilisées sur M-142/M-270 doivent pouvoir être utilisées sur le K239.
• à l’instar de l’ATACMS pour les M-270 et M-142, le K239 va également être doté d’un missile, le KTSSM (Korean tactical surface to surface missile) Block 2. Contrairement au Block 1, il est adapté au tir depuis un engin mobile. Ayant une configuration semblable à celle de l’ATACMS – avec aussi un missile par pod –, il est doté d’un guidage inertiel/GPS et a une portée d’environ 290 km qui le rend compatible avec une vente export. La Pologne semble d’ailleurs s’en être portée acquéreuse, en nombre inconnu. Comme les roquettes de 239 mm, ils pourraient à terme être produits sur place. Le KTSSM Block 2 devrait entrer en service en Corée du Sud début 2023.