A l’approche du Salon du Bourget, et à l’heure de l’intensification des combats en Ukraine, le cinquième numéro de DefTech revient sur l’actualité de l’aviation de combat mondiale, et nous éclaire sur les innovations majeures qui viendront révolutionner ce secteur dans les décennies à venir.
« Au tournant des années 2010, la montée en puissance de la Chine et les ambitions expansionnistes renouvelées de la Russie ont renvoyé les forces occidentales et leurs alliés vers leurs contradictions : les moyens aériens de hautes performances, que ce soit les chasseurs, les bombardiers ou les missiles à longue portée, existent bel et bien, mais s’avèrent trop peu nombreux, et trop mal adaptés aux conflits de haute intensité. Pis encore, les programmes les plus ambitieux – comme le F‑35 américain – se présentent comme des gouffres financiers incapables de délivrer la masse et la qualité prévues dans les délais initialement impartis. Aux États-Unis, en Europe et en Asie, décision est donc prise de lancer une nouvelle génération de systèmes de combat aériens articulée autour des clouds de combat, des IA, des drones autonomes et, pourquoi pas, des technologies quantiques.
Pourtant, la structure même de ces grands programmes pourrait radicalement évoluer dans les années à venir à cause, ironiquement, de la guerre en Ukraine. Si l’invasion russe a confirmé que la menace était bien réelle, elle a aussi montré que la supériorité technologique théorique ne fait pas tout, et que les guerres se font avant tout dans la boue, à coup de fusils, de canons et – chose relativement nouvelle – de petits drones bon marché. Parallèlement aux nouveaux programmes d’avions de combat, qui restent nécessaires, il faudra donc investir dans d’autres équipements : drones et anti-drones, artillerie, missiles antichars, etc.
Dans un contexte de crise économique et budgétaire, quels seront les choix, les efforts et les sacrifices qui devront être faits par les forces aériennes ? Le premier phénomène observé est celui de la concentration des efforts autour de programmes multinationaux, qui réduit la pression financière, mais augmente les risques liés au politique. Ainsi, après le retrait allemand des programmes MAWS et Tigre Mk3, la solidité du programme SCAF (France, Allemagne, Espagne) est remise en question. Du côté britannique, le Tempest a été fusionné avec le F‑X japonais au sein du GCAP, qui pourrait se faire avec l’Italie, mais probablement sans la Suède. Mais face aux coûts astronomiques de ces projets, les tentations de rapprochement interprogrammes pourraient être grandes. Le Japon, le Royaume-Uni et l’Italie opérant déjà des F‑35, le GCAP aurait peut-être tout intérêt à s’interfacer le plus possible avec le NGAD américain, au moins sur les volets cloud de combat et drones d’accompagnement. Le GCAP pourrait même devenir le volet export du NGAD, pour peu que les Américains se réservent leur prochain chasseur, comme ils l’avaient fait avec le F‑22. Si cela se confirme, et sachant que l’Allemagne – et peut-être bientôt l’Espagne – compte aussi opérer des F‑35, on ne pourra que regretter la dispersion des ambitions et des moyens de l’Europe, alors même que ses industriels ont de sérieuses cartes à jouer, y compris en matière de cloud, de communications et de robotique. »
Yannick Smaldore – Rédacteur en chef adjoint de DefTech