Si l’Union européenne (UE) cherchait jusque-là essentiellement à développer sa coopération bilatérale avec la Chine, Bruxelles tente désormais de résoudre les asymétries et les déséquilibres profonds des relations sino-européennes. La Chine est ainsi depuis 2019 considérée comme un « partenaire, concurrent stratégique et rival systémique ». Comment expliquer cette évolution des relations entre l’Europe et la Chine ?
Ceci s’explique avant tout par l’évolution de la situation internationale qui annonce une concurrence de plus en plus affichée entre la Chine et les États-Unis.
Jusqu’en 2016, nous pouvions percevoir cette relation UE-Chine comme déséquilibrée, mais on estimait alors qu’il y avait un effet de rattrapage. La Chine « devait » être davantage bénéficiaire, le pays se devant de rattraper son retard économique. Mais depuis 2016, cet écart de gains entre ce que la Chine peut recevoir de l’UE, et inversement, est devenu inacceptable aux yeux de Bruxelles.
Par ailleurs, depuis 2016, Pékin a commencé à adopter un comportement économique bien plus prédateur qu’auparavant. Cela a conduit au changement de ton de l’UE vis-à-vis de la Chine. Il y a donc clairement un changement de perception du côté européen.
Comment se traduit cette nouvelle position de l’Europe vis-à-vis de la Chine ? Quelle est désormais la stratégie de l’UE vis-à-vis de Pékin ?
Cette nouvelle stratégie est encore en cours de construction. En effet, tous les paramètres ne sont pas encore définis. Néanmoins, ce qui est certain, c’est que les relations entre l’Europe et la Chine évoluent actuellement vers davantage de sécurité, et bien moins de commerce. Cette tendance a commencé en 2016 et s’accélère depuis 2020. L’UE a ainsi mis en place toute une série d’outils de défense commerciale et économique pour se protéger. On pensera notamment au filtrage des investissements ou aux procédures anti-dumping. Même si les noms de ces outils sont assez génériques, ils ont été créés pour faire face à la Chine (1). L’objectif est clairement de cibler Pékin, et la plupart des enquêtes qui sont menées aujourd’hui, dans le cadre de l’usage de ces outils, montrent que 80 % de ces derniers concernent les entreprises chinoises.
Si l’UE possède dans son ADN l’idée de non-discrimination, elle ne peut pas annoncer une politique de coercition contre l’économie chinoise. Mais, en l’occurrence, ces outils ont clairement été mis en place pour empêcher les entreprises chinoises d’agir en Europe.
La Chine et l’Europe entretiennent d’intenses relations économiques et commerciales, mais l’accroissement du déséquilibre commercial et de la dépendance vis-à-vis de la Chine — notamment pour des intrants stratégiques (2) —, les rachats d’entreprises européennes dans des secteurs stratégiques et les pratiques coercitives de Pékin sont sources de tensions. Qu’en est-il de l’état réel de la dépendance de l’Europe envers la Chine ?
Si l’UE est dépendante de la Chine commercialement, c’est également le cas de la Chine. Il serait même possible de dire que la Chine est plus dépendante de l’UE que l’UE ne l’est de la Chine.
D’un point de vue stratégique, l’UE est essentiellement dépendante de Pékin pour les métaux, les terres rares (3) ou les aimants. Mais côté chinois, la dépendance vis-à-vis de l’UE s’est particulièrement accrue depuis que les Américains ont mis en place des mesures contre l’exportation de technologies à destination de la Chine. Pékin dépend donc des exportations européennes de haute technologie.