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Contribuer à la stratégie indopacifique en Océanie : le rôle des Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC)

Dans un environnement régional océanien, que ses spécificités ne protègent pas d’une tension grandissante sous le double effet de la compétition stratégique sino-américaine et des conséquences environnementales du changement climatique, la France voit ses intérêts prendre une importance accrue. Par une combinaison d’effets visant à protéger l’intérêt global et les intérêts nationaux, en coopérant avec des partenaires dans des champs variés, les FANC contribuent à la stratégie française en Indopacifique et plus particulièrement en Océanie, pour mieux affirmer le rôle de la France, nation riveraine du Pacifique et puissance d’équilibre.

L’Océanie, un espace à part

L’Océanie présente certes des convergences avec le reste du Pacifique, mais sans l’isoler ; ses réalités géographiques, humaines, économiques et politiques, ainsi que ses défis spécifiques, la distinguent clairement.

La démographie et son corollaire qu’est l’économie sont les premiers marquants particuliers de l’Océanie. Environ 45 millions d’habitants, en comptant ceux de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, vivent dans des États pour certains parmi les plus fragiles du globe et relativement à l’écart des grandes routes économiques qui relient les formidables concentrations humaines des États en plein développement sur les rives de l’Indopacifique. Cette réalité trouve d’ailleurs sa traduction politique dans le Forum des îles du Pacifique qui porte sur la scène internationale la voix de ces pays [voir la carte ci-dessous sur les organisations régionales].

Les organisations régionales

L’autre principal facteur est la conscience aiguë des États océaniens de la menace que font peser sur eux les conséquences du réchauffement climatique, dont la montée des eaux est le facteur le plus visible, avec les atteintes à la biodiversité et aux ressources naturelles. Ce qui représente un défi planétaire pour l’ensemble des États riverains du Pacifique prend pour l’Océanie une dimension existentielle, par l’ampleur des bouleversements annoncés, dont la disparition pure et simple de certains archipels. La région pourrait ainsi connaître plus de 1,5 million de réfugiés climatiques dans les trente prochaines années, soit environ 10 % de sa population, hors Australie et Nouvelle-Zélande (1).

Ces enjeux justifient, de la part des États océaniens, le non-alignement qu’ils affichent dans le cadre de la compétition stratégique à laquelle se livrent la Chine d’un côté, les États-Unis et leurs alliés de l’autre. Pour autant, cette posture équidistante ne préserve pas la région de la lutte d’influence entre les acteurs principaux, dans les champs diplomatiques, économiques et culturels. Encore à l’écart de cette dialectique, le domaine militaire pourrait aussi être le cadre d’une concurrence des différents partenariats dans les prochaines années. C’est ce que laisse penser le projet d’accord-cadre du 19 avril 2022 entre la Chine et les îles Salomon, ces dernières étant déjà liées à l’Australie par un accord de sécurité, dans le cadre duquel s’est déployée une force multinationale après les troubles qu’a connus la capitale Honiara fin 2021 (2).

Dans ce contexte stratégique, l’Australie reste le premier acteur régional, actif auprès de chacun des pays de la région, dans tous les domaines. L’annonce du partenariat AUKUS n’a pas constitué une rupture dans les relations de Canberra avec les autres capitales océaniennes, mais la réception globalement silencieuse de la part de ces dernières, le sujet nucléaire mis à part, a montré que cette alliance était perçue comme divergente du non-alignement consensuel qui prévaut.

Quels enjeux pour la France ?

Dans ce contexte, la stratégie de la France pour l’Indopacifique doit prendre en compte des enjeux régionaux majeurs au regard de son rôle et de son ambition de pays du Pacifique.

La souveraineté, à près de 20 000 km de distance de Paris, est le premier d’entre eux, qui connaît plusieurs dimensions, territoriales ou politiques, singulièrement en Nouvelle-Calédonie. Il s’agit d’abord de préserver les intérêts nationaux, vus de métropole comme des territoires français d’Océanie ; intérêts économiques, sanitaires, territoriaux ou culturels. L’État, en coopération avec les gouvernements territoriaux, s’y emploie par la présence historique de ses représentants et de ses moyens, notamment militaires. La crise de la Covid-19 a récemment permis de montrer la signification de cette souveraineté et l’autonomie d’action de la France au service de ses populations océaniennes. Le développement des besoins en métaux stratégiques souligne l’importance du nickel calédonien.

En Nouvelle-Calédonie, cette souveraineté fait l’objet, depuis une trentaine d’années, d’un processus politique inédit d’émancipation. Dernière étape à ce jour, la troisième consultation sur l’accession à la pleine souveraineté devrait déboucher au cours des mois à venir sur une nouvelle phase de discussions à propos de l’avenir institutionnel, après que les Calédoniens se sont exprimés trois fois en faveur du maintien dans la République.

Sur les plans politique et diplomatique, la France se saisit également de l’enjeu de la stabilité régionale, qu’elle soutient par la voie des partenariats et de la multilatéralité des actions entreprises pour préserver le cadre de vie des États et des populations de l’Océanie. Protection de l’environnement et de la biodiversité, préservation des ressources halieutiques — majeures pour l’économie de la région — et développement économique en sont les principaux axes, auxquels s’ajoute le renforcement sécuritaire.

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