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Les enjeux technologiques du SCAF

Le Système de combat aérien du futur (SCAF) est un système incrémental (1) visant à structurer le combat aérien des prochaines décennies. Dès 2023, le Rafale F4 apportera au SCAF les nouvelles briques technologiques du combat collaboratif. À l’horizon 2040, le SCAF se composera notamment du Rafale, mais aussi d’une nouvelle plateforme habitée nommée New generation fighter (NGF), de plateformes inhabitées de type remote carrier, le tout étant articulé par le cloud de combat.

Les travaux liés au SCAF se poursuivent, notamment via les contrats liés au Next generation weapon system (NGWS) (2). Plusieurs voies sont possibles pour tenter d’identifier les enjeux technologiques du SCAF. Une approche par plateforme ou par découpage industriel pourrait être suivie, mais la démarche proposée ici s’intéresse en premier lieu à cette question : « pour quelle(s) finalité(s) ? ». En effet, les plateformes constructrices du SCAF doivent tout d’abord voler, puis survivre, pour enfin produire des effets militaires.

Voler !

Cela pourrait passer pour une lapalissade, mais tout bon système aérien doit d’abord pouvoir voler. Or les enjeux technologiques nouveaux qui se cachent derrière le SCAF sont loin d’être maîtrisés par tous et font encore l’objet de recherches. Peuvent être cités ici les commandes de vol électriques et numériques, le contrôle aérodynamique des plateformes multigouvernes, les interfaces homme-système complexes mêlant le réel et le virtuel, l’architecture logicielle du système qui doit viser une certaine résilience en cas de panne, la gestion de l’énergie à bord, l’hybridation électrique des systèmes, leur refroidissement, la tenue en température des matériaux, l’amélioration des rendements de la motorisation…

Ces problématiques se retrouvent en partie dans le monde civil, mais il convient ici de rappeler les exigences supplémentaires du vol militaire :

domaine de vol très supérieur au monde civil, dont notamment les vols à très basse altitude/très grande vitesse, ou les vols supersoniques au plafond du domaine de vol ;

forte manœuvrabilité, forts facteurs de charge ;

vol sous toutes conditions météo « en tout lieu/en tout temps » (nuages de poussières ou de sable… ; sous toutes les latitudes…) ;

capacité au ravitaillement en vol ;

capacité à pouvoir être embarqué sur porte-avions.

Rappelons aussi plusieurs exemples historiques qui montrent l’importance de traiter correctement ces questions, et qui illustrent que les pertes de personnels navigants et de machines ne sont pas seulement le fait du feu de l’ennemi :

débarquement en Sicile en 1943 : noyade de dizaines d’« aéroportés » par erreur de prise en compte du vent dans le calcul du point de largage des planeurs…

le F-104 Starfighter a été surnommé le « faiseur de veuves » : entre 1961 et 1989, 292 des 916 F‑104 ouest-­allemands (soit environ 32 %) s’écrasèrent accidentellement, tuant 115 pilotes. Les taux de pertes canadiens ou belges sont encore supérieurs (46 % et 36 %). Deux causes principales sont souvent évoquées : l’arrêt du moteur en vol, ce qui a conduit la Luftwaffe à privilégier par la suite les avions d’arme bimoteurs, et une mauvaise ergonomie cabine, provoquant des illusions sensorielles en dernier virage qui ont poussé de nombreux pilotes à essayer de contrer une fausse sensation de roulis, ce qui entraînait une perte de contrôle de l’avion à basse altitude ;

problèmes récurrents sur la flotte de Nimrod au Royaume-Uni.

La France compte heureusement plusieurs industriels parmi les meilleurs mondiaux, parfois même à la première place, pour faire face à ces problématiques. Cela permettra au SCAF de bénéficier des meilleures technologies permettant une amélioration des performances et une optimisation globale des plateformes. L’augmentation des rendements énergétiques des plateformes, l’accélération des boucles de décision et l’automatisation progressive de certaines phases de vol apporteront de vrais gains opérationnels et expliquent la poursuite de recherches dans ces domaines.

Survivre… au moins jusqu’à l’accomplissement de la mission…

Quel que soit l’objet, un minimum de survivabilité est intéressant, car si l’appareil est détruit avant d’avoir accompli sa mission, il ne la remplira pas… Suivant la nature de la plateforme, il faut néanmoins estimer le bon compromis de survivabilité. Les plateformes habitées ou coûteuses méritent un effort important de recherche dans ce domaine. Les munitions, quant à elles, sont par nature consommées à chaque tir, et les drones plus légers pourraient avoir un intérêt opérationnel sans que l’on ne cherche nécessairement à leur fournir de grandes chances de survie dans les environnements les plus complexes, quitte à miser sur la saturation des systèmes ennemis.

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