Les films de science-fiction ont généralement été en avance de phase par rapport à de nombreuses innovations qui font aujourd’hui partie de notre quotidien. Récemment, le studio américain Marvel s’est attaqué à l’univers quantique dans le troisième volet d’Ant-Man, Quantumania. Dans l’épisode précédent de la saga, le personnage de Ghost explorait déjà les notions quantiques en s’immisçant dans le monde de l’infiniment petit, lui permettant d’être dans plusieurs états ou plusieurs espaces à la fois, au cœur même du principe quantique. Un scénario de pure fiction, naturellement, mais qui s’appuie sur une réalité physique dont le potentiel intéresse différentes autorités. Certes, nous ne sommes pas encore prêts à réduire en taille au point de voyager dans le monde des atomes, protons et photons. Mais le recours au quantique se dessine graduellement, comme en témoigne l’augmentation des investissements américains et chinois dans cette technologie renfermant de nombreux enjeux stratégiques.
Le monde tel que nous le voyons aujourd’hui répond aux règles de la physique classique, celle de Newton : les choses sont ce qu’elles semblent être. Mais si l’on regarde à l’échelle des particules et des atomes, on se rend compte que ce n’est pas tout à fait le cas.
Mais concrètement, qu’est-ce que le quantique ?
Essayons d’appréhender concrètement à notre échelle le monde quantique. En informatique classique, l’ordinateur standard stocke l’information sous forme d’un bit, suivant une loi binaire puisque celui-ci peut prendre la valeur 0 ou la valeur 1. L’informatique quantique utilise quant à elle des « qubits » pour stocker l’information, c’est-à‑dire des bits quantiques, qui peuvent prendre différentes formes utilisant à la fois le 0 et le 1, et leur entre-deux. Ainsi, grâce à cette loi de superposition et utilisant les probabilités, l’ordinateur quantique démultiplie les capacités de calcul et réduit de façon exponentielle la complexité et la durée des opérations pour résoudre des problèmes insolubles avec les technologies actuelles. Par exemple, lorsque nos ordinateurs actuels auraient besoin de millions d’années pour factoriser un nombre de plusieurs centaines de chiffres, comme cela est le cas dans la sécurisation de la majorité des cartes bancaires ou avec le protocole HTTPS d’Internet, un ordinateur quantique est capable de le faire en quelques minutes.
D’abord développée par Richard Feynman, considéré comme le père de l’informatique quantique, dans les années 1980 puis repris par David Deutsch qui a créé les premiers algorithmes quantiques, la recherche dans ce domaine se développa tout au long des années 1990 par l’intermédiaire de Peter Shor. Grâce à la conception d’un algorithme quantique de factorisation des nombres premiers, les recherches de Peter Shor soulignent la réduction considérable du temps de calcul nécessaire à cette opération. Les chercheurs et autorités ont donc rapidement identifié la capacité de cette technologie en devenir, potentiellement capable de casser les systèmes cryptographiques à clé publique. Cette invention justifia ainsi l’intérêt porté à ce domaine de recherche et les différents programmes qui s’ensuivirent durant les décennies suivantes.
Depuis, de nombreux travaux ont vu le jour avec la création de nouveaux algorithmes, mais également de machines, bien qu’imparfaites, comme le NISQ (Noisy Intermediate Scale Quantum) en 2010. Cela traduit parfaitement la dynamique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Bien que conscients de l’enjeu de cette avancée, nous ne disposons pas encore en pratique des applications puisqu’elles nécessitent des machines pour l’instant hors de portée, y compris pour les meilleurs laboratoires. Comme le soulignait Alain Aspect, récent prix Nobel de physique, rien n’interdit que l’ordinateur quantique puisse exister, mais rien ne nous prouve non plus qu’il sera un jour construit entièrement et opérationnel. Aujourd’hui, nous avons désormais accès à des machines bien réelles, capables de simuler des systèmes simples, même si elles sont des versions dégradées de ce que pourrait être idéalement un ordinateur quantique. Certaines contraintes devront également être prises en compte dans l’élaboration d’un ordinateur quantique, comme entre autres le bruit provoqué par la machine et la nécessité de maintenir l’ordinateur à une température de − 273,15 °C, dans le noir en raison de la fragilité et de la volatilité des qubits et à distance de toute interférence possible (chaleur, champs électriques et magnétiques) pouvant provoquer leur « décohérence ».
Le progrès est donc bien en cours, mais il nous faudra encore plusieurs années avant d’établir les premiers calculateurs quantiques LSQ (Large Scale Quantique). Mais ceci ne décourage pas pour autant de nombreuses entreprises et centres de recherches qui se positionnent de manière croissante sur le sujet.