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Robotique terrestre : perspectives tactiques

Certaines déclarations sur l’impact futur de la robotique au combat suggèrent qu’elle pourrait rendre incongrue la présence de l’homme au contact (1). Au contraire, l’auteur considère que l’homme continuera à avoir toute sa place au combat. Même si tous les moyens n’existent pas encore, le défi consiste à penser les transformations de l’action terrestre et l’articulation des hommes et des machines pour en tirer profit.

Sous ce vocable de « robot », l’usage regroupe tant des engins téléopérés que des outils forts d’une certaine autonomie. L’étymologie, du tchèque « robota », signifie « travail » ou « corvée », et dérive du russe « rab » (раб, « esclave »). Peter W. Singer donne une définition plus précise : un robot est doté de la capacité à « percevoir » et à « interpréter » son environnement – to think – et d’« agir » pour le « modifier » – to act (2). L’association, au profit de l’engagement terrestre, de robots évoluant au sol et près du sol, lui semble également incontournable. En revanche, s’il décrit aussi les effets attendus des robots, il n’évoque pas comment leur action pourrait devenir décisive. Cette lacune, peut-être liée à un manque de culture tactique, se retrouve fréquemment. Pourtant, un consensus émerge sur l’importance future de la robotique dans le combat terrestre, en dépit de réserves nombreuses : les moyens robotiques vont profondément modifier le champ de bataille terrestre d’ici à 2050.

Cote 754.5

En décembre 2019, selon Maxpark​.com, la cote 754.5, située en Syrie, à 30 km de Lattaquié, a été reprise à Daech. À cette occasion, les Russes auraient mis en œuvre six robots Platform‑M, quatre robots Argo et des drones d’observation – tous télépilotés – pour éliminer les points forts adverses avant l’intervention de l’infanterie syrienne. Bien qu’elle soit mise en doute, cette information a néanmoins été considérée comme crédible par certains chercheurs et illustre les avantages que l’on attend de la robotique dans le combat terrestre : moindre exposition des troupes, connaissance de l’environnement tactique, délestage de certaines tâches… On considère que leur mise en œuvre redéfinira le champ de bataille (3), même si toutes les techniques requises n’existent pas encore.

Certaines comparaisons tendent à rapprocher les pertes subies pendant la Deuxième Guerre mondiale et dans des conflits plus récents (4). Mais, hors Ukraine, ceux-ci commencent à dater et depuis, les moyens ont fait un bond important. On estime donc généralement que le champ de bataille est de plus en plus létal – la portée aussi bien que la précision ont largement augmenté : s’il fallait, en 1944, environ 108 avions pour détruire une cible, en 2001 ce sont 4,07 cibles qui sont détruites par vol (5).

La méconnaissance des moyens de reconnaissance adverses, qui ont radicalement évolué, conduit aussi à des conséquences immédiates : le 11 juillet 2014, une colonne mécanisée ukrainienne, repérée par des drones, a été frappée par artillerie près de Zelenopillya : en trois minutes, un bataillon a été neutralisé (6). D’autres exemples abondent depuis le 24 février 2022, et pointent vers un nouveau « dilemme du feu », alors que l’obtention d’un rapport de force favorable est de plus en plus compliquée. Ils indiquent que lorsque cette méconnaissance des capacités de détection est combinée avec une mauvaise compréhension de la situation tactique, les effets peuvent être dévastateurs. L’existence d’une « boucle reconnaissance – frappe » optimale est à présent une réalité qui menace la manœuvre. La multiplication des moyens robotiques, liée aux progrès de l’Intelligence artificielle (IA), est ainsi considérée comme une possible future parade.

Mais Sonny a perdu. Le robot du long métrage d’Alex Proyas avait acquis une forme de conscience propre, tuant son concepteur à la demande de ce dernier. En dépit de ses bonnes intentions, il a été mis à l’écart. C’est aussi le cas des SALA (7), écartés des arsenaux de certaines nations – dont la France. Outre de graves préoccupations éthiques, l’inconnu que représente l’IA et la méfiance vis-à‑vis des réactions indésirables de ces machines ont amené plus d’un millier de signataires éminents, parmi lesquels Stephen Hawking ou Elon Musk, à prendre position en juillet 2015 contre de tels développements (8). Or c’est justement leur autonomie qui constitue l’un des intérêts majeurs des robots au combat. C’est pourquoi la notion plus restrictive de SALIA (9) a été validée en France le 24 avril 2021 par le Comité d’éthique de la défense.

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