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Objectif Lune : vers une nouvelle géopolitique spatiale

Plus de cinquante ans après que le dernier homme a foulé en 1972 le sol de la Lune, cette dernière redevient centrale dans la compétition entre les grandes puissances spatiales, notamment avec la mission « Artemis 1 » de la NASA en novembre-décembre 2022 – « Artemis 3 » prévoit une nouvelle présence humaine sur la surface lunaire en 2025. Quant aux implantations prévues sur l’unique satellite naturel de la Terre, elles auront des impacts géopolitiques de premier ordre et participeront à dessiner l’échiquier international.

Depuis le début de la « course à l’espace » entre l’URSS et les États-Unis dans les années 1960, le ciel est devenu un objet géopolitique. Les programmes « Apollo » et « Spoutnik » ont placé la Lune au centre de la compétition pour la prédominance de l’espace entre les deux superpuissances ; une compétition qui s’est terminée en décembre 1972 avec le dernier pas humain posé sur le satellite, cédant la place à un système de gouvernance multilatéral basé sur les principes de liberté d’accès, de non-­appropriation et de pacifisme.

De nouvelles ambitions chinoises

L’intérêt actuel pour la Lune est alimenté par les ambitions des nouveaux acteurs de l’espace et l’effet réactif qu’ils provoquent sur les puissances spatiales traditionnelles. On voit ainsi l’Inde, le Japon et l’Union européenne (UE) se positionner pour l’exploration et l’exploitation de l’espace malgré des problèmes de financement et des échecs, comme celui de la mission indienne « ­Chandrayaan‑2 » en 2019.

Mais c’est principalement la Chine qui incarne la revitalisation de la course à l’espace en général, à la Lune en particulier. Apparue en 1993, l’Administration spatiale nationale chinoise (CNSA) est le résultat de quarante-cinq ans de recherches. En 1956, en pleine guerre froide, Mao Zedong (1949-1976) prend la décision de développer un programme de missiles balistiques. Après plusieurs années de balbutiements et aidé par Moscou, Pékin parvient en 1970 à lancer la fusée Chang Zheng 1 (en mandarin, cela signifie « Longue marche ») et son premier satellite Dong Fang Hong 1 (« L’Orient est rouge »). Mais la Chine ne devient réellement une puissance spatiale qu’à partir des années 2000. En septembre 2011, elle lance Tiangong 1 (« Palais céleste »), sa première station spatiale prototypale.

En janvier 2019, elle annonce être parvenue à faire germer des graines de coton sur la Lune, soit la première expérience biologique menée ailleurs que sur Terre, d’autant plus sur la face cachée du satellite, autre exploit historique. Les efforts déployés dans l’espace font partie de la stratégie du « rêve chinois », qui aspire à donner au pays une position prédominante dans le monde. En mars 2021, le rover « Zhurong » se pose sur le sol martien. Exclue de la principale initiative multilatérale, la Station spatiale internationale (ISS), la Chine a achevé la construction de sa propre station, appelée Tiangong, à l’automne 2022 ; en décembre, les équipes de « Shenzhou-14 » et de « Shenzhou-15 » se sont relayées à bord.

Après avoir arrêté « Apollo » en 1972, les États-Unis ont orienté leurs efforts sur l’ISS. Mais Washington a renouvelé ses ambitions spatiales pour contrer le programme chinois, dans le cadre d’une stratégie plus large de contestation politique, économique et militaire de la Chine. La Lune est ainsi devenue l’épicentre des rivalités spatiales sino-­américaines. Si Pékin envisage de construire une base sur le pôle Sud de la Lune afin d’avoir un arrière-poste pour les futures expéditions humaines à destination de Mars, Washington vise le même but. C’est avec « Artemis » que la NASA souhaite réitérer l’exploit d’envoyer des astronautes sur la Lune dès 2025.

Intérêts géoéconomiques pluriels

Bien que l’espace extra-atmosphérique soit considéré depuis 1967 comme un héritage commun de l’humanité et régi par un traité signé par 132 pays, dont les États-Unis, la Russie et la Chine, les États peinent à cacher leur intérêt. Si la Lune redevient un enjeu stratégique, les terres rares qu’elle contient n’y sont pas étrangères. En décembre 2020, Pékin choisissait comme site d’alunissage pour la sonde Chang’e 5 une zone ayant pour particularité d’abriter une concentration élevée de ces métaux. Par ailleurs, d’importantes quantités d’hélium 3 seraient présentes dans la poussière de la surface lunaire ; ce gaz léger non radioactif pourrait servir de combustible pour les futures centrales nucléaires à fusion. La Lune offre ainsi des opportunités en termes d’exploration, de recherche, de développement technologique et d’exploitation des ressources.

À propos de l'auteur

Nashidil Rouiaï

Géographe spécialiste de la Chine et de Hong Kong, maître de conférences à l’Université de Bordeaux.

À propos de l'auteur

Laura Margueritte

Cartographe pour les magazines Carto et Moyen-Orient.

À propos de l'auteur

Gaëlle Sutton

Cartographe pour les magazines Carto et Moyen-Orient.

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